Euro 2016 : En football, l’Union européenne ne joue pas à l’arbitre

, par Geoffrey Lopes

Euro 2016 : En football, l'Union européenne ne joue pas à l'arbitre
L’Euro 2016 commence aujourd’hui en France avec le match inaugural France-Roumanie dès 21h. L’Union européenne reste elle sur le banc lors de cet événement. - Sean MacEntee (CC/Flickr)

Le sport symbolise et illustre l’Europe. Sportifs, supporters, fédérations sportives nationales et même hooligans façonnent l’Union européenne. Ils se sont emparés d’un espace européen élargi sans que les institutions communautaires, très en retrait, se décident à le politiser. Premier volet : les institutions frileuses ne veulent pas faire du sport une politique communautaire.

« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois », racontait Albert Camus, gardien de but dans sa jeunesse algérienne. Du sport en général, les institutions européennes ne savent pas grand-chose. Elles s’y intéressent à marche forcée. La professionnalisation, la surmédiatisation des compétitions européennes et la multiplication des enjeux financiers ont poussé l’Europe à s’en soucier. Depuis le traité de Lisbonne de 2009, le sport fait parti intégrante de l’acquis communautaire : « L’Union contribue à la promotion européenne du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative. » Mais à l’instar de l’éducation, l’Union « adopte des actions d’encouragement ou des recommandations » sans pouvoir légiférer. L’Union européenne ne dispose d’aucune compétence en la matière et elle ne peut en aucun cas harmoniser des fonctionnements nationaux.

Entre Erasmus + et rapports, l’Union tente des offensives désordonnées

Le Traité de Lisbonne a néanmoins permis aux institutions européennes de passer à l’attaque. Il a ouvert Erasmus + au sport. La Commission attribue ainsi chaque année une enveloppe de 270 millions d’euros pour aider le sport amateur, lutter contre les discriminations et permettre à de jeunes sportifs de s’implanter dans un autre pays que le sien. De son côté, le Parlement européen pilote un réseau européen de lutte contre le dopage et demeure vigilant sur la corruption de plus en plus liée aux paris sportifs.

Mais l’Union rate le dernier geste et se montre inefficace devant le but. Les institutions législatives de l’Union se cachent derrière des mots chaleureux pour soutenir le sport. En 1997, dans une déclaration annexe au traité d’Amsterdam, l’Union souligne « l’importance sociale du sport, trait d’union entre les hommes. » Deux ans plus tard, elle regrette dans un rapport « le développement de logiques commerciales au détriment de logiques sportives, une tendance des grands clubs à s’organiser entre eux au détriment des fédérations nationales garantes de l’équité sportive, les différences de législation fiscale qui créent des inégalités entre les clubs », etc. Elle présente alors plusieurs propositions destinées à « concilier la dimension économique du sport avec sa dimension populaire, éducative, sociale et culturelle ». Elle a compris les enjeux populaires que draine le sport et cherche à en faire un porte drapeau de la citoyenneté européenne qu’elle défend. En vain.

La justice pour s’imposer ?

La Cour de justice de l’Union européenne ne se cantonne pas au banc des remplaçants. Elle rentre souvent porter l’estocade. En 1995, avec l’Arrêt Bosman, elle rappelle au football européen qu’il doit se soumettre à son autorité. En remettant en cause la règle de l’UEFA limitant à trois par équipe le nombre de joueurs ressortissants d’un pays de l’Union européenne, la Cour estime que le sport reste une activité économique à part entière. Les règles de libre circulation des travailleurs du marché intérieur doivent donc s’appliquer.

L’Union européenne ne deviendra pas pour autant le douzième homme. « Il n’y a aucune volonté d’aucune partie de l’exécutif européen de faire du sport un axe de développement de l’Union », explique David Ranc, professeur spécialiste du sport à l’école de management (ESSCA). « Certains États membres voient le sport comme un objet culturel, d’autres comme une opportunité économique. » L’Union ne peut pas se permettre d’ajouter des dissensions profondes aux périlleux déséquilibres actuels. Sous réserve de ce qu’en pense la Cour de justice : « des plaintes sur les conditions de traitement des supporters du PSG peuvent aboutir, mais cela risque d’être très long ».

Il n’existe pas de politique européenne du sport. Après la zone Euro, l’espace Schengen ou l’Union douanière, l’Union s’embourbe dans un nouveau cercle concentrique organisé et unifié de pas moins de 55 membres dont certains n’existent même pas en tant qu’États indépendants (deuxième volet de l’européanisation du football à venir). Débordée par de toutes puissantes associations de fédérations nationales, l’UEFA en tête, l’Union a laissé le football européen se développer et s’unir. Au-delà de toutes ses espérances.

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