Euro Rétro 1984 : Grand succès pour la France et pour l’Europe ?

, par Sébastien Huot

Euro Rétro 1984 : Grand succès pour la France et pour l'Europe ?
Image : Burst

Alors que l’édition 2020 du championnat d’Europe des nations, voulue comme une édition anniversaire afin de célébrer les soixante ans de la création de la compétition se déroule finalement en juin 2021 dans onze pays différents, le Taurillon propose de revenir sur l’histoire du tournoi. Contexte politique, résultats sportifs, replongez en arrière et revivez ces chapitres du roman du football continental.

Nous avons toutes et tous des souvenirs, des bribes de notre enfance de grands événements sportifs comme fédérateurs d’une nation nous rappelant à des jours meilleurs. 1998, 2018 forment ainsi deux grands crus pour le football français qui s’est alors élevé sur le toit du monde mais s’il y a aussi une date qui est dans bien des esprits, c’est 1984 et le sacre de l’équipe de France de Michel Platini à l’euro de football, accueilli par le pays du génial milieu de terrain.

Une année riche en événements et en tragédies.

À l’évocation de l’année 1984, beaucoup pensent au roman du même nom de George Orwell, à cette dystopie décrivant une Grande-Bretagne dans un monde post guerre nucléaire entre bloc de l’Est et bloc de l’Ouest où s’est instauré un régime totalitaire supprimant la liberté d’expression. Toutefois, si cela relève de la fiction, le succès de ce roman s’explique notamment par son avant-gardisme dont on pourrait faire le parallèle avec un climat parfois tendu pour ne pas dire délétère survenu cette année-là.

En effet, le 12 octobre 1984, un attentat à la bombe visa le Grand Hôtel de Brighton faisant cinq morts. Cet attentat fut revendiqué par l’IRA (armée républicaine irlandaise provisoire) dont la cible était la première ministre britannique Margaret Thatcher, plus connue sous le surnom de « dame de fer ». En effet, Madame Thatcher est réputée pour avoir mené des réformes fiscales et monétaires de grande envergure et pour son intransigeance sur la question des syndicats et, surtout, sur la question irlandaise.

L’année 1984 marque également le retrait des contingents britanniques, italiens, américains et français de la Force multinationale lors de la guerre du Liban, laissant le champ libre à l’action guerrière des milices dans Beyrouth.

Une année charnière pour la France et l’Europe.

1984 survient seulement trois ans après l’élection de François Mitterrand en France, année au cours de laquelle fut abolie la peine de mort. C’est aussi deux ans avant la signature de l’Acte unique européen de 1986 qui ouvre la voie à la réalisation du marché unique. L’année 1984 est ainsi une année charnière tant dans sa chronologie que sur l’état d’esprit qu’elle reflète, entre ruptures et réformes.

En effet, l’année 1984 marque un tournant dans les relations Est-Ouest au cours de la première guerre en Afghanistan (27 décembre 1979- 12 février 1989) mais également dans la tentative de résolution du conflit Iran-Irak (du 22 septembre 1980 au 20 août 1988) par le sommet du G7 à Londres du 7 au 9 juin 1984. Pour le président français, c’est également l’occasion d’une visite en URSS pour interpeller sur le cas de l’académicien Andrei Sakharov, scientifique et grand militant des droits de l’homme, prix Nobel de la paix 1975.

Depuis sa création en 1988, un "prix Sakharov" est décerné chaque année par le Parlement européen afin d’honorer des personnes ou des organisations qui consacrent leur existence à la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales. En 2020, le prix a été décerné à l’opposition démocratique biélorusse.

Place au terrain : victoire de la bande du génial Platoche

L’actualité politique et géopolitique fut riche en cette année 1984 mais elle le fut également sur le plan sportif ! 1984 correspond à l’organisation de la coupe d’Europe de football par la France. Pour les non initié-es, l’euro de football est une compétition qui a lieu tous les quatre ans, les années paires, de manière alternée avec la coupe du monde de football. Elle est supervisée par l’UEFA (Union des Association Européennes de Football, qui s’écrit Union européenne de football association). La première compétition eu lieu en France en 1960 voyant le sacre de l’Union Soviétique face à la Yougoslavie dans un contexte de guerre froide.

Si la France est le pays qui, début 2021, a accueilli le plus de fois cette compétition (3), ce sont ses voisins allemands qui sont à la tête du palmarès avec trois titres. La France de son côté, a remporté par deux fois cette prestigieuse compétition (1984 ; 2000) pour un échec sur ses terres en 2016 face au Portugal de Cristiano Ronaldo, l’un des tout meilleurs joueurs du Monde.

Comment ne pas évoquer l’euro de 1984 sans mentionner la sélection bleue, considérée comme l’une des plus belles équipe de France de tous les temps et son capitaine Michel Platini ? "Platoche", comme il fut surnommé, ou encore « le Roi Michel » a marqué l’histoire de son sport ainsi que toute une génération. Joueur emblématique des « verts » (1979-82) et de la Juventus Turin (1982-87), coéquipier du grand Johnny Rep, Michel Platini est à ce jour le 3ème meilleur buteur de l’histoire de l’équipe de France avec 41 buts en 72 sélection, derrière Olivier Giroud 2ème (108 sélections, 46 buts) et Thierry Henry (123 sélections, 51 buts). Il est également toujours le recordman de buts inscrits au cours d’une seule édition d’un championnat d’Europe (9 buts). Cristiano Ronaldo a également marqué 9 buts... mais sur quatre éditions, et en bien plus de matchs !

Ainsi, beaucoup seraient tentés d’imputer l’acquisition de son premier trophée européen par la France au seul mérite de son capitaine et d’aucun ne les contrediraient, mais ce serait oublier les Joël Bats, Manuel Amoros, Parick Battiston, Maxime Bossis, Luis Fernandez, Alain Giresse, Jean Tigana, Daniel Bravo, Bernard Lacombe, Dominique Rocheteau, Didier Six pour ne citer que les plus connus et bien sûr leur entraineur, Monsieur Michel Hidalgo, décédé le 26 mars 2020 à Marseille.

Si l’équipe de France ouvre le bal difficilement face à une solide équipe du Danemark (victoire des bleus 1 à 0 au Parc des princes) grâce au premier but de Michel Platini dans le tournoi, elle termine néanmoins première de son groupe, Platini inscrivant deux triplés, et se qualifie en compagnie du Portugal, du Danemark et de l’Espagne pour les demi-finales de la compétition

Le dernier carré de la compétition voit la victoire de l’équipe de France sur le Portugal (3-2 après prolongations) et de l’Espagne face au Danemark (1-1, 5 tirs aux buts à 4). Enfin, la finale qui se déroula au Parc des Princes à Paris, a consacré la victoire des Bleus 2 à 0 face à l’Espagne avec des buts signés Platini et Bellone. Cette victoire, au-delà du premier titre de l’équipe de France en coupe d’Europe et même plus généralement dans les compétitions internationales de football, sonne comme une revanche sur le destin.

En effet, comment ne pas se souvenir et mentionner la violente sortie d’Harald Schumacher, gardien de la RFA (Allemagne de l’Ouest) sur Patrick Battiston deux ans auparavant lors de la demi-finale de la coupe du monde de 1982 en Espagne et qui vint briser le rêves des Bleus de remporter le précieux sésame pour la finale. Cette image, à l’origine d’un véritable "drame de Séville" marque pour longtemps la mémoire collective française et est peut-être l’un des piliers du beau parcours des locaux dans cet Euro 1984.

Une organisation et une époque bien différente, mais une même passion

Si aujourd’hui, il n’est plus rare de voir de nombreuses équipes prendre part au tournoi final de l’Euro de football (6 poules de 4 sélections pour l’euro 2020 contre deux poules de quatre en 1984), l’UEFA ne comprenait pas à l’époque, autant de membres au sein de son organisation qui, en dehors des nombreuses critiques à son encontre (parfois justifiées comme celles sur la réforme de la ligue des champions à partir de 2024, parfois positives notamment dans son rôle face à la fronde de 12 clubs européens pour la création d’une « super league » ces derniers mois) reflète une Europe multiculturelle et en perpétuelle évolution. L’édition 1984 témoigne d’une autre époque, une autre génération symbole de changement de mentalités d’une Europe vieillissante en quête de repère et de renouveau.

Depuis 1984, un renouveau de l’Europe s’est opéré avec la création de l’Union européenne dont trois participants à l’édition 1984 de l’Euro sont membres fondateurs (France, Allemagne de l’Ouest et Belgique). Divers participants au championnat footballistique continental sont peu à peu de nouveaux membres des communautés européennes puis de l’UE, comme le Danemark en 1973, l’Espagne et le Portugal en 1986, la Roumanie en 2007.

La fin des années 1980 est le théâtre de changements majeurs sur le continent, avec la réunification allemande conséquente à la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989. Et la disparition de la Yougoslavie qui cesse définitivement d’exister en 2003 avec la création de la « communauté d’États Serbie-et-Monténégro » qui cesse à sont tour d’exister en 2006 avec l’indépendance du Monténégro vis-à-vis de la Serbie.

C’est aussi la force du football, ce sport magnifique qui au-delà de procurer des moments inoubliables aux observateurs, est comme un témoin de son époque qui se transmet de génération en génération, vecteur de conflits comme symbole de paix qui laisse une trace dans l’histoire d’un pays, d’une communauté (européenne). Si aujourd’hui certains ne voient dans ce sport qu’un business florissant pour des investisseurs véreux et des décideurs peu scrupuleux, il faut tout de même souligner qu’il est aussi fédérateur et qu’il rappelle que le collectif prime sur l’individualisme.

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