Si l’imaginaire collectif a retenu la reprise de volée de van Basten en finale de la compétition version 1988, cette huitième édition de l’Euro a pourtant été exceptionnelle à plus d’un titre. Focus sur trois rencontres qui sont révélatrices des tensions géopolitiques (et sportives) du moment : Irlande/Angleterre, Pays-Bas/Allemagne et Pays-Bas/URSS.
Irlande vs Angleterre : un affrontement en miroir des trouble
Lorsque l’équipe nationale de la république d’Irlande faisait sa première apparition dans le tournoi et disputait son premier match face à l’Angleterre, c’est cette dernière qui était donnée favorite. Pourtant, les hommes en vert marquaient le but de la victoire dès la 6e minute, et réussissaient à contrer les occasions anglaises pour le reste de la rencontre. Une victoire inattendue donc, qui a marqué les esprits des supporters irlandais. Un sentiment décuplé par le contexte politique de l’époque.
En plus d’être un adversaire sur la pelouse, l’Angleterre (et plus généralement le Royaume-Uni) est encore en prise avec la question de la frontière nord-irlandaise pendant la période des Troubles. Les différentes tentatives de résolution du conflit sont alors peu fructueuses même si l’IRA (Armée républicaine irlandaise) provisoire diminue le nombre de ses actions violentes. L’inimitié des rues s’est déplacée sur le terrain de foot. L’Irlande finira par tenir en échec l’URSS (1-1) quelques jours plus tard avant de s’incliner face aux Néerlandais (1-0), entraînant son élimination du tournoi.
Pays-Bas vs Allemagne : l’heure du règlement de comptes
L’autre équipe partie en guerre, c’est celle des Pays-Bas. La nation batave a particulièrement envie d’en découdre avec le pays hôte, l’occasion arrivant lors de la demi-finale. D’un point de vue sportif, il y a avant tout une revanche à prendre sur la finale de la coupe du Monde de 1974 qui avait vu la défaite de l’équipe Oranje face à la Mannschaft. Mais l’importance de cette mission est amplifiée par le ressentiment néerlandais à l’encontre même des Allemands. Les Néerlandais ont en effet été sous le coup de l’occupation nazie de 1940 à 1945, faisant 250 000 morts et traumatisant toute une génération. Au niveau sportif, les rencontres entre les deux pays se font sous haute tension.
Ainsi, lorsque les Néerlandais remportent la demi-finale face à l’Allemagne de l’ouest sur son propre sol, c’est la libération. Symbole de cette conscience nationale, la parole du gardien Hans van Breukelen qui s’est dit être heureux “d’avoir fait ce cadeau aux anciens qui ont vécu la guerre”. Quinze ans plus tard, la “génération Cruyff” est vengée et les Oranje s’apprêtent à remporter leur premier trophée international. Bien que victorieuse, la finale contre l’URSS ne reste, dans l’esprit des Néerlandais, qu’un épisode anecdotique. Leur rendez-vous avec l’histoire a eu lieu ce soir du 21 juin 1988, en demi-finale à Hambourg.
La dernière danse soviétique
Ceux pour qui la finale était loin d’être anecdotique, ce sont les Soviétiques qui vivent, sans le savoir, leurs derniers instants. Prophétique, la défaite signe la fin d’une ère pour cette équipe. La sélection soviétique entamait pourtant un nouveau départ, après quinze années difficiles, sous la direction de l’entraîneur du Dynamo Kiev, Lobanovski, qui avait restructuré l’équipe autour de joueurs du club kiévien. Celui-ci est à ce moment là l’un des plus imposants clubs du continent, ayant gagné deux ans auparavant la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe.
Mais après avoir été défaits 1 à 0 en phase de poules, les Néerlandais comptent rectifier le tir. Ce qui sera fait, et de fort belle manière. Par une tête de Ruud Gullit à la demi-heure de jeu tout d’abord, puis par une reprise de volée inédite et spectaculaire de Marco van Basten. Ce but splendide, car inscrit depuis un angle difficile, inscrit neuf minutes après le début de la seconde période, vient porter le coup de grâce à la sélection soviétique. Les joueurs soviétiques échouent donc à dominer l’Europe, préfiguration de ce qu’il se passera sur le plan politique trois ans plus tard.
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