Face aux multiples menaces, des groupes terroristes à l’émergence de nouvelles puissances, nous ne pouvons pas baisser la garde. La menace terroriste qui persiste depuis une vingtaine d’années ne doit pas nous faire oublier la course aux armements de la Russie, des Etats-Unis ou de la Chine. Pour donner un ordre d’idée, les Chinois ont mis en service plus de 80 navires de guerre au cours des 4 dernières années. La mer de Chine se transforme petit à petit en une véritable poudrière. Plus près de nous, la posture agressive et expansionniste de la Turquie ou de la Russie doit nous inciter à une grande vigilance. Enfin, même si on arrive à en finir l’Etat islamique, il restera des métastases, qui vont prendre des années à éliminer.
Une Europe de la défense doit permettre de répondre à ces défis. La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) reste centrée sur le volet politique et sur l’aide au développement. Pourtant, des forces armées crédibles et efficientes sont souvent une condition pour obtenir un règlement politique et un poids important dans les discussions internationales. C’est donc la garantie de sauvegarder la paix et de défendre nos valeurs. A court terme, une armée européenne est exclue faute d’une union politique. Mais nous pouvons avancer vers des capacités communes et la construction d’une industrie de défense européenne. Puisque les armées relèvent encore de la souveraineté nationale, les Etats devront être les acteurs de cette transformation sous la forme de coopérations renforcées ou bien d’accords entre gouvernements.
La constitution d’une industrie de défense européenne
Aujourd’hui, au nom de leur souveraineté, les Etats conservent tous leurs champions industriels. Ils produisent donc des petites séries de quelques navires ou plusieurs centaines de véhicules. Cette organisation industrielle est très coûteuse car on se prive d’un effet série (la production d’un grand nombre de plate-forme permettant de réduire le coût unitaire). Surtout, elle est suicidaire pour 2 raisons : on se contraint à avoir un faible nombre d’équipements (frégates, blindés, avions…) alors qu’on pourrait en posséder bien plus ; la concurrence féroce des pays émergents condamne notre industrie si on ne réagit pas.
Pour cela, la seule solution demeure la création d’alliances entre des entreprises de défense qui restent pour l’instant nationales. Le modèle est MBDA, fabricant de missile franco-britannique issu de la fusion des différents missiliers européens au début des années 2000, qui vient de signer un contrat franco-britannique où les études R&D sont réparties entre pays. Le regroupement entre Nexter et KMW (fabricants de véhicules blindés Français et Allemand) va dans le même sens. Un autre modèle serait de spécialiser progressivement chaque entreprise nationale dans un marché donné. Dans la construction navale, Naval Group (France) se concentrera sur les destroyers et les sous-marins à propulsion nucléaire, tandis que les chantiers navals italiens ou allemands construiront corvettes et sous-marins à propulsion classique.
Cette politique étant du ressort des Etats membres, le gouvernement devra discuter avec nos partenaires pour mettre en place l’unique solution envisageable pour assurer notre souveraineté dans les trente prochaines années. La concentration de l’industrie de défense obligera le lancement d’appels d’offre communs sur les futurs programmes (chars lourds, drones, destroyers…), ce qui permettra des économies. L’annonce d’un futur avion de combat franco-allemand d’ici 2040 montre la prise en compte de cette nécessité par le pouvoir politique.
Enfin, dans l’optique d’assurer la souveraineté technologique de l’Union européenne, un fonds de souveraineté technologique de défense est nécessaire, doté de 5 à 10 milliards, sur le modèle de la DARPA américaine [1]. Le dernier conseil européen a entériné un fonds plus réduit, de seulement 500 millions à partir de 2020. Ce montant est clairement insuffisant si on veut garder une armée de premier rang.
La construction d’une capacité militaire commune
Il y a plusieurs semaines, les gouvernements Français et Allemand ont annoncé la création d’une unité aérienne transnationale autour des avions de transport HERCULE C130J. Cette annonce va dans le même sens. La fragmentation des forces conduit à une perte de ressource considérable. Mais nous devons aller bien plus loin. Bien plus de capacités militaires doivent être mutualisées sur ce modèle : les avions-ravitailleurs, les avions de transport, la surveillance, les satellites... Le but étant d’optimiser l’utilisation de ces moyens. Mais il faut le souligner, une meilleur organisation ne réglera pas tout ! Les budgets devront suivre après 2 décennies de sous-investissement !
En effet, les nombreuses technologiques qui verront la guerre de demain exigent des investissements conséquents. Or l’état actuelle des forces montre déjà des retards inquiétants : dépendance aux américains dans le domaine des drones ; stratégie spatiale militaire réduite au strict minimum ; capacité de défense anti-aérienne faible… Si on ne réagit pas rapidement, le déclassement des armées européennes sera inévitable. Il est déjà présent dans les systèmes de drones : les Etats-Unis possèdent plus de 800 drones de combat contre quelques dizaines en Europe, qui sont en grande partie fabriqués par les Américains ou les Israéliens ! Le résultat de cette politique sera une augmentation quantitative et qualitative des capacités des armées européennes, au service d’une diplomatie européenne qui défend nos valeurs (droits de l’homme, la démocratie, l’égalité...) dans un monde en turbulence. Nous ne devons pas oublier cette célèbre phrase du général prussien Carl von Clausewitz : « La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ».
Vous l’aurez compris, une Europe de défense réelle et non de papier est l’une des conditions pour permettre aux peuples d’Europe de ne pas disparaître de l’histoire, donc de garder notre destin en main !
1. Le 19 août 2017 à 11:15, par Tldr En réponse à : Europe de la défense : une nécessité !
“Pourtant, l’Union Européenne n’arrive pas à déployer plus de 2 à 3000 hommes dans les pays baltes face à la Russie…" fin de la lecture..
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