Créé en 1956, l’Eurovision est un concours de tous les records. Avec plus de 150 millions de téléspectateurs chaque année, le concours s’impose comme un rendez-vous annuel pour tous les Etats du continent, et au-delà.
Cette année, c’est l’Autriche qui reçoit le concours à Vienne grâce à la victoire l’année dernière à Copenhague au Danemark de Conchita Wurst, la fameuse drag queen à barbe. Elle remporte la victoire grâce à la chanson Rise like a Phoenix, séduisant notamment le public « gay friendly » de ce concours international. Depuis, Conchita Wurst est devenue la figure de proue des mouvements LGBT à travers le monde. Cette année, elle sera au micro pour présenter les 27 candidats à sa succession.
La vague « pop »
S’il fallait trouver un dénominateur commun aux chansons proposées au public européen ce soir, ce serait le mot de trois lettres « pop ». Le concours a déjà été bien plus original, bien plus mauvais aussi. Le vent de la pop souffle sur le continent et la plupart de ses représentants ont cerné les éléments qui font le succès d’un tube. Certains candidats sont d’ailleurs des finalistes ou des vainqueurs de télécrochets célèbres déclinés dans l’ensemble des pays, tels The Voice.
Il y a d’abord, dans un style pop épuré, les chantres de l’amour du concours. La Pologne propose une chanson simple et efficace, In The Name Of Love par Monika Kuszyńska, empreinte de souvenirs familiaux, et dérivant quelques fois sur des sonorités rock. Parmi les plus beaux chanteurs du concours, tant physique que vocal, Elnur Huseynov, soutenu par des chœurs sur ce titre, concourt avec Hour of the wolf pour l’Azerbaïdjan, une chanson pop aux accents des steppes du pays. Pour l’Albanie, Elhaida Dani qui arbore un timbre particulier et qui joue sur les sonorités balkaniques, a remporté la version italienne de The Voice. Elle interprète une pop puissante et intense sur I’m alive. Dans une moindre finesse, le Montenegro avec Knez sur Adio en langue du pays et aux sonorités typiques. Dans une tonalité orientale, il faut saluer le titre festif de l’Israël aux sonorités électro, voire RnB, Golden Boy de Nadav Guedj, qui doit faire danser les fêtards de Tel Aviv.
La Lituanie mise sur un duo, Monika Linkytė et Vaidas Baumila, une belle blonde et son acolyte, interprétant This Time dans une pop aux accents folk. Dans la même trempe, un duo estonien, Elina Born et Stig Rästa chantent Goodbye to Yesterday sur une boucle de guitare ponctuée d’instruments divers, dont une section cuivres. La Grèce a misé sur une chanteuse à la voix puissante Maria-Elena Kyriakou, qui candidate avec la chanson One Last Breath, une sorte de Lara Fabian grecque, dans le même style que Rise like a Phoenix de Conchita Wurst. Dans la mouvance des « lovers » de ce concours, le candidat chypriote John Karayiannis, qui interprète One Thing I Should Have Done, une petite balade à la guitare saupoudrée de violon. Dans le même ton, la Hongrie, qui mise sur la simplicité et la spontanéité d’un duo accompagné à la guitare avec Wars For Nothing de Boggie.
Le duo slovène Maraaya explore quant à lui une pop rythmée sur une chanson réglée, Here For You. La Belgique propose un chanteur au teint livide, Loïc Nottet avec Rhythm Inside, un titre à l’electro pop épurée et puissante avec un beat assez prononcé sans artifice. L’Allemagne a privilégié une pop bien à elle sans superflu avec la chanteuse Ann Sophie au timbre particulier, sur Black Smoke, et qui a été retenue à la suite du désistement du vainqueur des sélections allemandes.
Entre pop rock et electro pop
S’aventurant sur des terrains plus pop rock, la Roumanie soutient un titre en roumain et en anglais, Voltaj interprète De la capăt / All Over Again. Quant à l’Autriche, le pays hôte et donc directement qualifiée, elle rempile avec I’m Yours du groupe The Makemakes au chanteur barbu aux cheveux longs au piano acoustique dans un style pop rock aux accents soul.
Dans une déclinaison plus electro pop, voire dance, une liste impressionnante s’étale dans le palmarès : de la Lettonie avec Aminata sur Love Injected, à la Géorgie avec Warrior interprété par Nina Sublatti, en passant par la Serbie et l’Espagne, qui ne brille pas par son clip en espagnol aux codes un peu dépassés. La Russie joue sur les mêmes éléments electro pop avec une chanteuse au blond clair et à la voix pure, Polina Gagarina, qui a ses chances avec A Million Voices, une chanson qui chante la paix. Ce n’est pas l’avis du patriarche de Moscou qui souhaite la défaite de la candidate russe.
Le Nord fait la course en tête
Comme chaque année, la Suède fait figure de favorite. Cette année, c’est un titre electro efficace, Heroes interprété par Måns Zelmerlöw, qui représentera la péninsule scandinave. Un tube qui montera sans doute sur le podium s’il ne rafle pas la victoire. Le voisin norvégien a quant à lui miser sur une pop épurée et intense du duo talentueux Mørland & Debrah Scarlett sur A Monster Like Me.
De plus, ils bénéficieront des votes attribués habituellement au Danemark et à la Finlande, qui avait proposé un groupe de punks trisomiques, non qualifiés pour cette finale.
Un invité qui fait figure de favori
L’Australie est l’invité exceptionnel de cette 60e édition. Faisant partie de la compétition, elle propose un titre anglo-saxon bien loin des standards européens. Tonight Again porté par Guy Sebastian s’inscrit dans une tendance soul et RnB avec une section cuivres claquante. Un titre efficace qui a retenu l’attention du jury. Il pourrait bien venir s’installer sur l’une des marches du podium.
L’originalité qui pourrait payer
Dans la tradition italienne, trois jeunes ténors représenteront l’Italie sur une chanson en italienne chantant le « Grand Amour », Grande Amore de Il Volo. Le jury a salué leur prestation aux répétitions et les classe parmi les favoris du concours. Ils monteront sur scène en dernier.
Du côté de l’archipel britannique, les Irlandais ayant été éliminés dès les demies-finales, seul le groupe du Royaume-Uni est encore en lice. Avec un charleston revisité et réactualisé dans une tendance electro retro, le groupe mise sur l’originalité et son duo de chanteurs, ainsi que le band qui les accompagne et les danseurs. Electro Velvet interprétera ce soir Still In Love With You.
Longtemps décriée en France pour son décalage totale avec les styles musicaux représentés à l’Eurovision, la chanson « N’oubliez pas » interprétée par Lisa Angell a séduite les observateurs avertis à Vienne. Certains parlent d’une place dans le top 10. La mise en scène, utilisant les dernières techniques de l’image de synthèse, spécialité française, et la performance vocale de Lisa Angell viennent contrebalancer une chanson uniquement en français et dans la plus pure variété française. La chanson joue sur le thème des désastres de la guerre et l’espoir de la paix en commémorant le premier conflit mondial. Un thème qui a inspiré une autre délégation.
Ceux qui osent la carte géopolitique
L’année dernière, la victoire de Conchita Wurst avait déclenché la polémique à travers le continent. La Russie, qui mène ouvertement une politique homophobe, menaçait de quitter le concours, dénonçant la décadence de la civilisation occidentale. Certains Etats dans la mouvance « illibérale » de Vladimir Poutine, tels que la Turquie et la Hongrie, avaient alimenté la critique.
Cette année, c’est une toute autre polémique qui pourrait faire son apparition. Même si la chanson a peu de chances de remporter la victoire ce soir, l’Arménie a choisi de commémorer les 10 ans du génocide arménien de 1915, génocide non reconnu par une partie de la communauté internationale. Sur un rock lyrique, 6 chanteurs des cinq continents, Genealogy, entonnent un hymne aux victimes, Face The Shadow. Inga Arshakyan, célèbre chanteuse arménienne, fait partie du lot. Les autres ont été sélectionnés pour leur ascendance arménienne, descendants des familles qui ont quitté l’Arménie au moment du génocide. Un choix qui risque de ne pas faire l’unanimité.
Malgré les estimations des jurys et les pronostics vocaux, l’issue du concours reste incertaine, car bien souvent entre en jeu des éléments de géopolitique parmi les critères d’évaluation officiels tels que la mise en scène, la performance vocale, l’originalité ou la qualité musicale de la chanson. Pour la France, régulièrement bonne dernière, il y a au moins un artiste français qui est à l’honneur chaque année et que personne ne viendra détrôner. C’est Charpentier, dont le Te Deum est le jingle officiel de l’Eurovision. Rendez-vous ce soir, devant votre poste de télévision pour savourer en famille ou entre amis cette 60e édition du concours.
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