Une prise de conscience dès l’enfance
Mary Wollstonecraft est au Royaume-Uni ce que Olympe de Gouges est à la France : une pionnière du féminisme malheureusement tombée dans l’oubli. Née en 1759 à Londres, Mary Wollstonecraft grandit dans une famille plutôt aisée mais ayant très vite plongé dans les difficultés financières en raison des fréquentes spéculations de son père. Homme violent et alcoolique, Edward Wollstonecraft bat régulièrement sa femme, ce qui pousse Mary à protéger sa mère. Comme pour bon nombre de filles à cette époque, l’éducation de Mary est laissée pour compte, elle ne peut bénéficier de l’enseignement secondaire, contrairement à son frère cadet.
L’adolescence de Mary est marquée par deux rencontres décisives : celle avec Jane Arden, sa compagne de lecture et de conférences, et celle avec Fanny Blood, avec qui elle mènera ses projets à dimension féministe. En 1778, alors qu’elle n’a que 19 ans, Mary Wollstonecraft quitte le domicile familial pour devenir demoiselle de compagnie à Bath, chez Mme Sarah Dawson. Près de dix ans plus tard, en 1787, elle raconte son expérience dans son ouvrage Pensées sur l’éducation des filles.
Quelques années passent et Mary Wollstonecraft quitte son travail pour s’occuper de sa mère mourante, puis, après le décès de celle-ci, part finalement s’installer chez la famille de Fanny Blood. Là-bas, elle se voit confrontée à une vision du rôle des femmes dans la société totalement opposée à la sienne. Fanny Blood et elle décident d’ouvrir une école pour jeunes filles, mais bientôt la santé de famille se dégrade sensiblement et il devient de plus en plus compliqué de maintenir le projet. La mort de la jeune femme en 1785 met un terme à l’initiative des deux jeunes femmes.
Une plume féministe
Après le décès de Fanny Blood, Mary Wollstonecraft s’installe en Irlande pour travailler en tant que gouvernante chez les Kingsborough. Mais malgré le soin qu’elle prend à éduquer les deux jeunes filles de la famille, Mary quitte la maison Kingsborough au bout d’un an seulement et décide de se consacrer entièrement à l’écriture. A l’époque, il était rare que les femmes puissent vivre de leurs écrits. Toutefois, Mary Wollstonecraft persévère et rédige des critiques littéraires et effectue même des traductions grâce à son apprentissage du français et de l’allemand. La jeune femme se nourrit alors des œuvres pour lesquelles elle écrit des critiques et perfectionne ainsi sa culture. Elle fait par ailleurs la connaissance du philosophe William Goldwin dans les cercles littéraires qu’elle fréquente.
Après la Révolution française, ses écrits commencent à prendre une tournure bien plus politique, et surtout bien plus féministe : en 1790, elle rédige A Vindication of the Rights of Men, qui défend le républicanisme, en réponse aux Réflexions sur la Révolution de France du philosophe irlandais Edmund Burke, qui défend la monarchie. Deux ans plus tard, Mary Wollstonecraft publie ce qui est considéré comme l’un des tout premiers ouvrages féministes, à savoir Défense des droits des femmes. Essai féministe, pamphlet contre la société patriarcale de l’époque, Défense des droits des femmes (en anglais, A Vindication of the Rights of Women) a été rédigé en réaction au rapport de Talleyrand à l’Assemblée constituante en 1791 qui préconisait une éducation strictement domestique pour les femmes. Dans son texte, Mary Wollstonecraft demande justement l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, notamment en matière d’éducation.
Les dernières années
Mary Wollstonecraft s’installe ensuite à Paris où elle rencontre un certain Gilbert Imlay, un officier qui deviendra bientôt le père de son premier enfant, Fanny. Le bonheur du ménage finit par battre de l’aile et, lorsque Gilbert Imlay prend la décision de quitter Mary, c’est une jeune femme dépressive que l’on découvre. Elle retourne à Londres et, échouant à reconquérir son partenaire, fait deux tentatives de suicide. Après sa convalescence, la femme de lettres fréquente à nouveau les cercles littéraires de la capitale britannique dans lesquels elle retrouve William Goldwin.
Elle aura un premier enfant avec lui, illégitime car conçu hors mariage – un scandale pour la société d’alors. Le 30 août 1797, Mary accouche d’un deuxième enfant, une petite fille qui portera son nom, mais meurt d’une septicémie onze jours plus tard dans d’affreuses souffrances. Sa fille ne sera autre que Mary Wollstonecraft Goldwin, plus connue sous le nom de Mary Shelley, la célèbre autrice du roman Frankenstein. L’année suivante, William Goldwin décide de rendre hommage à son épouse décédée en publiant l’histoire de sa vie, intitulée Memoirs of the Author of A Vindication of the Right of Woman. Mais au lieu de mettre plus particulièrement en lumière le combat féministe de Mary Wollstonecraft, l’oeuvre souligne aussi le passé et les relations de la femme de lettres – ce que le lectorat retiendra seulement de ce texte.
Pendant longtemps donc, la pensée de Mary Wollstonecraft tombera dans l’oubli, jusqu’à ce que l’écrivaine et militante féministe française Flora Tristan la redécouvre en 1840. Elle déclare alors à son sujet : « Mary Wollstonecraft s’élève contre les écrivains qui considèrent la femme comme un être de nature subordonnée et destinée aux plaisirs de l’homme. A ce sujet, elle fait une critique très juste de Rousseau, qui établit que la femme doit être faible et passive et l’homme actif et fort. […] Mary Wollstonecraft s’élève avec courage et énergie contre toute espèce d’abus« .
Et cette déclaration de Flora Tristan explique parfaitement la position féministe de Mary Wollstonecraft, à savoir que les hommes et les femmes ont les mêmes facultés intellectuelles et que les femmes ne sont en rien inférieures aux hommes, et ne leur sont pas supérieures non plus. Cette philosophie inspirera les futures grandes figures du féminisme que nous connaissons bien aujourd’hui, telles que Virginia Woolf ou Milicent Garrant Fawcett. A présent, regardez bien autour de vous la prochaine fois que vous vous rendrez en librairie : vous verrez que Défense des droits des femmes y est désormais mis en avant sur les étagères.
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