Guy Verhofstadt : ses propositions pour l’Europe

, par Jérémy Lebourgeois

Guy Verhofstadt : ses propositions pour l'Europe
Guy Verhofstadt, lors d’une conférence de presse à Strasbourg (Juin 2016). CC Flickr / ALDE Communication

Alors que le trio Rome-Berlin-Paris se réunissait à Ventotene pour trouver une issue à la crise politique européenne amplifiée par le Brexit, certains ont déjà pensé la question et proposent dès à présent leurs idées. C’est le cas de Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge de 1999 à 2008, il est aujourd’hui l’un des députés européens les plus influents [1] et a été designé par le Parlement Européen pour le représenter dans les négociations entre l’Union Européenne et le Royaume-Uni. Détails et analyses de ses propositions.

Une Union moins bureaucratique pour plus de démocratie et d’efficacité

L’Europe est lente et toujours en train de chercher des solutions à des crises interminables, qu’il s’agisse de la crise économique de 2008 ou de celle des réfugiés et c’est avant-tout dû à sa structure institutionnelle selon Guy Verhofstadt. C’est pourquoi, il propose de remplacer la Commission Européenne par un Gouvernement Européen à 12 ministres au lieu des 28 commissaires actuels. Certes, simplifier le processus décisionnel pourrait être une bonne chose pour rendre l’Union Européenne plus efficace, d’autant plus qu’avoir 12 représentants ne manquerait pas de symbolique au vu des 12 étoiles qu’arbore le drapeau européen. Cependant, passer de 28 représentants à seulement 12 pose une question de taille : chaque État membre doit-il être représenté dans chaque institution de l’Union Européenne ? Une telle proposition peut en effet être facilement contestée car elle laisserait 16 États-membres en dehors de ce gouvernement. Pour autant, l’exécutif européen se doit-il de représenter les 28 États-membres alors que le Conseil Européen s’en charge déjà ?

En outre, cet exécutif réduit, serait dirigé par un président démocratiquement élu lors des élections européennes où chaque citoyen européen aurait deux bulletins de vote : l’un pour élire ses députés, l’autre pour voter pour un parti européen. Le parti européen réunissant le plus de votes à la fin du scrutin, verrait son candidat tête-de-liste devenir président.

Afin de rendre plus efficace, plus démocratique et plus transparent ce Gouvernement Européen, l’ancien Premier ministre belge recommande, d’une part, d’augmenter les pouvoirs de Parlement Européen notamment sur le contrôle du budget et des décisions de ce gouvernement et, d’autre part, de réunir toutes les institutions dans un seul endroit, plutôt que de les éparpiller géographiquement.

Une Union Européenne plus forte pour une Europe plus sûre

La sécurité en Europe n’a jamais été autant questionnée que depuis ces derniers mois. Or, l’Union Européenne ne dispose pas des moyens nécessaires pour réellement aider les citoyens et leurs États à lutter contre le terrorisme et le crime organisé. Europol ne sert aujourd’hui que de messager, transférant des informations d’un État-membre à un autre. Guy Verhofstadt voudrait rapprocher Europol des prérogatives qu’a le FBI aux États-Unis. Autrement dit, il veut qu’Europol puisse mener des enquêtes et conduire des opérations à travers tout le territoire de l’Union, sans être confronté aux barrières étatiques qui l’en empêchent actuellement. Quant aux frontières du territoire européen, il préconise la création d’un corps européen de gardes-frontières et de garde-côtes, dont la présence sur le terrain serait avérée afin de réellement donner aux Etats européens les moyens de contrôler leurs frontières.

Alors que le poids des Européens sur la scène internationale ne fait que diminuer à mesure que les nouvelles puissances mondiales s’affirment, le président de l’Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l’Europe (ALDE) au Parlement européen, propose de freiner ce déclin en donnant à l’Union Eurpéenne les moyens de s’affirmer militairement. Selon lui, nous dépensons la moitié du budget des États-Unis dans notre système de défense mais nous ne réalisons que l’équivalent de 15% de leurs opérations. Un écart qui, selon le député, pourrait être réduit si l’UE se dotait d’une véritable force armée à travers une Armée européenne dirigée par une Unité de commandement. Pour lui, seule une Communauté de Défense Européenne serait capable de lutter contre l’État islamique, de tenir tête à la Russie et de devenir une alternative crédible aux États-Unis.

Une telle proposition a-t-elle des chances de voir le jour alors que le mirage d’une armée européenne perdure depuis des décennies ? Et bien, oui et non. En effet, si le Brexit se concrétise, une plus grande collaboration et une plus grande unification des forces armées pourraient s’enclencher. Les Britanniques étaient en effet, de stricts opposants à toute forme de militarisation à l’échelle de l’Union Européenne. Pour autant, les opinions nationales demeurent très frileuses quant à toute fédéralisation militaire, restant attachées au concept d’armée nationale et effrayées par ce qui peut apparaître comme une perte de souveraineté.

Raviver l’économie européenne par davantage de confiance dans l’ Eurozone

L’Eurozone rime actuellement plus avec austérité qu’avec confiance. Pour autant, l’euro est un facteur de stabilité, de croissance et d’emploi non-négligeable. Afin de rétablir la confiance envers notre monnaie commune, Guy Verhofstadt préconise de créer une nouvelle échelle de gouvernance à l’échelle de l’Union monétaire en y attribuant un ministre des Finances, un nouveau budget et une trésorerie propre. En outre, afin de restaurer les investissements au sein de l’Union Européenne, l’eurodéputé appelle à compléter l’Union bancaire, pour s’assurer que les banques puissent prêter à nos entreprises.

Finaliser le marché commun pour booster l’innovation

Le marché commun européen est certes l’un des plus avancés au monde. Cependant, un certain nombre de barrières perdurent et mettent un frein au développement de projets à l’échelle européenne. Un jeune entrepreneur se doit en effet de négocier à chaque fois avec chacune des 28 instances nationales pour pouvoir commercialiser son produit dans toute l’Union. Autrement dit, pour que son produit soit proposé aux 507 millions d’Européens, il se doit de mener un combat administratif qui ruinera son projet avant qu’il n’ait réellement commencé. Selon G. Verhofstadt, seul 35% de nos biens et services circulent réellement à travers toute l’Europe. Le député européen encourage donc fermement à ce que l’on complète et termine notre marché européen en réduisant et supprimant les barrières non-nécessaires.

En finir avec l’Europe à la carte : dedans ou dehors

L’Union se mine de l’intérieur par un ensemble de règles d’exemption, tous les États-membres ne se voient pas accorder les mêmes droits et les mêmes obligations car certains décident de ne pas participer à certaines politiques européennes. Au cœur de ce jeu où chaque État-membre a un pied dedans, un pied dehors : le système d’unanimité. Si un seul État est contre une politique, mais que les 27 autres sont pour, celle-ci n’est pas adoptée. Pour éviter la paralysie, bien souvent, des concessions ont été faites à ces États réfractaires. Guy Verhofstadt veut en finir avec cette Europe à la carte et propose que toutes ces exemptions soient réduites à un seul choix : appartenir à l’Union Européenne ou bien avoir le statut d’État associé. En somme, chaque État-membre devrait faire le choix entre une adhésion complète ou l’obtention d’un statut d’État-tiers. L’un oblige à participer à toutes les politiques européennes et permet d’en récolter tous les bénéfices et les droits, l’autre choix, moins contraignant, ne donnerait accès qu’au marché commun, à un certain nombre de conditions et procurerait donc moins de droits pour les citoyens de ces « États-associés ».

L’application de cette proposition, plus radicale, semble peu probable. En effet, l’enjeu diplomatique d’un tel ultimatum serait considérable, il n’y aurait guère que sous la pression exercée par d’autres États-membres qu’un pays se retrouverait contraint à une telle décision. En outre, ce serait aussi encombrer les débats pour des années. Le Brexit, aux dernières estimations, ne serait effectif qu’au plus tôt en 2019. Si chaque pays sortant se doit de négocier pendant plus de trois ans ses termes de départ, l’UE ne se paralyserait-elle pas par elle-même alors qu’elle est attendue sur d’autres terrains ? Qui plus est, si la solution proposée par l’ancien Premier ministre clarifierait certes les situations au sein de l’Union Européenne, elle poserait tout de même une question de taille : l’Union Européenne respecterait-elle encore sa devise « Unis dans la diversité » alors qu’elle imposerait à certains États de se conformer aux autres, sous peine de devoir prendre le large ?

Ne faudrait-il pas plutôt passer par une voie adjacente : redynamiser l’Union Européenne pour donner à ses États-membres toutes les justifications et la motivation de s’harmoniser aux politiques communes ? Des idées ouvertes au débat, Guy Verhofstadt répondant aux suggestions et critiques de chacun lors de live-chat [2] ou dans les commentaires de ses vidéos de présentation [3]. L’ancien Premier-ministre n’hésite pas à récolter toutes les opinions sur son plan [4] pour réformer l’Union afin de pouvoir le faire évoluer et le défendre au mieux lorsqu’il sera débattu en séance au Parlement Européen.

Vos commentaires
  • Le 23 septembre 2016 à 10:24, par NAVARRO En réponse à : Guy Verhofstadt : ses propositions pour l’Europe

    je soutiens Guy VERHOFSTAD

  • Le 29 septembre 2016 à 13:56, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : Guy Verhofstadt : ses propositions pour l’Europe

    Comment, en effet, ne pas être d’accord avec lui ? Comment, en France, et surtout en France, ne pas être d’accord avec lui ? Pourquoi « stigmatiser » la France ? Tout simplement parce que c’est l’état européen qui exige le plus de tous ses citoyens, ses nationaux, d’être « de vrais français », d’authentiques gaulois ! Pourquoi l’Europe ne pourrait-elle l’exiger de ses citoyens ? Pourquoi devrait-elle exclure l’assimilation quand d’autres la revendiquent pour eux ? VERHOFSTADT plaide tout simplement pour un minimum de cohérence, interne à l’Europe et si spécifique à la France !

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