Lors de cette session, deux problématiques majeures ont émergé, à savoir la difficulté pour les médias de définir le domaine d’une actualité ou d’un sujet européen. De l’autre, la difficulté des institutions européennes à produire une communication efficace.
Établir une distinction entre des sujets nationaux et des sujets européens ou encore savoir sous quel angle aborder un sujet « européen », semble être une question qui se pose quotidiennement en rédaction, du fait de la transdisciplinarité des affaires européennes. À La Libre Belgique, par exemple, tout dépend du sujet qui est traité car il n’existe pas de rubrique dédiée uniquement à l’Europe mais plutôt des pages économie, internationale, etc. Les sujets les plus généraux vont ainsi être couverts par la rubrique internationale mais certaines actualités nécessitent cependant d’être abordées dans différentes rubriques afin d’être étudiées dans leur entièreté. Ce fut notamment le cas du sujet de la Politique Agricole Commune menée par l’Europe. Il fut d’abord traité par la page économie afin d’en poser les bases et expliquer ce qui était en jeu, puis la page internationale a pris le relais en énumérant tous les rapports de force qu’il y a pu avoir entre les différentes institutions.
Quant à la différence entre les sujets dits nationaux et européens, Maria Udrescu illustre ce dilemme grâce à la récente décision de la Cour Constitutionnelle polonaise d’abolir dans sa quasi-entièreté le droit à l’avortement pour les femmes. Ce sujet apparaît à première vue comme un sujet national ; Cependant, la Cour Constitutionnelle polonaise a été inféodée au pouvoir et cela s’inscrit dans le débat de l’État de droit de l’Union européenne. Il s’agit donc bien d’un sujet qui concerne également l’Europe. C’est en effet une décision qui a été prise par une institution politisée et qui est totalement contraire aux droits de l’Homme. Tout ceci souligne donc l’importance cruciale de remettre chaque sujet dans son contexte afin de le rendre compréhensible, et ainsi permettre aux lecteurs d’être le plus informé possible.
Cependant, « informer n’est pas communiquer » comme le disait le spécialiste en communication Dominique Wolton. Informer, c’est le travail propre des journalistes, qui repose sur une méthodologie et des critères professionnels de validation, de contrôle et de vérification. Mais leur travail n’est certainement pas de communiquer. En effet, la communication est un métier qui vise à faciliter la compréhension du travail d’une organisation. Elle se concentre sur l’opinion afin de faire évoluer les jugements et les représentations. C’est précisément la mission des institutions européennes lorsqu’elles relatent leurs actions. Or aujourd’hui, les communicants européens ne parviennent plus à exploiter les moyens spécifiques que possèdent les institutions européennes, comme ils ont pu le faire dans le passé. Prenons l’exemple du discours sur l’État de l’Union, un outil de communication permettant de relayer les différents messages de l’Union européenne. Cependant, le premier discours de la nouvelle Présidente de la Commission Européenne, Ursula Von der Leyen, a entraîné une indifférence générale en Europe, sauf dans la sphère très fermée des Bruxellois. Cet outil qui à l’origine a pour ambition de faire de la communication européenne en manipulant les symboles européens, s’est donc révélé être un véritable échec. Serait-ce à cause de la forme trop institutionnelle de l’Europe ? Ou encore que, contrairement aux États-Unis, qu’il n’existe pas de réel Président européen ?
Avant toute chose il faut, pour une bonne communication, un bon récit et donc qu’il y ait quelque chose à raconter. Il est important d’expliquer ce que la construction européenne est en train d’accomplir. Mais actuellement, aucun acteur majeur, aucun leader n’est capable de scénariser ou de créer un intérêt particulier autour de ce récit. Ce n’est donc pas une question de bonne ou mauvaise communication, c’est une question d’attiser un quelconque intérêt des citoyens pour l’Europe. Pour le moment, les institutions communiquent dans l’indifférence générale.
Un autre élément qui crée ce désintérêt est le manque d’organisation des institutions dans leur manière de communiquer. En effet, les institutions font preuve d’un manque de synthèse dans leurs annonces et ne cessent de les multiplier. Ceci résulte en un trop plein d’informations à traiter, dans lesquelles on ne parvient pas nécessairement à distinguer les éléments essentiels de ceux futiles.
Il devient donc difficile pour les journalistes de savoir quand et comment traiter de l’actualité européenne, ce qui rend davantage difficile de construire des articles. Tous ces effets d’annonce ont donc une influence limitée à la sphère européenne et ne sont pas connus par le grand public. Or, ce manque d’information des citoyens européens est malheureusement susceptible d’entraîner chez eux un désintérêt et une certaine lassitude concernant l’Europe.
Retrouvez l’enregistrement vidéo de cette conférence à cette adresse.
Suivre les commentaires : |