Journées de la Presse européenne 2020 : Médias en Europe, droit et protection

, par Ellyn Guignaud, Le Canari

Journées de la Presse européenne 2020 : Médias en Europe, droit et protection
Jérôme Flury, rédacteur en chef du Taurillon (en haut, à gauche), Apolline Convain (rédactrice en cheffe du Canari), Emmanuel Derieux, enseignant spécialiste en droit des médias (en bas)

La deuxième Journée de la Presse européenne s’est inaugurée avec un débat sur le droit européen des médias et les dangers qui peuvent l’entourer. Un débat arborescent entre Emmanuel Derieux, enseignant spécialiste en droit des médias et Apolline Convain, présidente du journal étudiant de l’École européenne des sciences politiques et sociales (Espol), Le Canari.

La considération de ce qu’on appelle communément les « médias » s’étend aujourd’hui à « l’ensemble des moyens de communication publique », nous rappelle Emmanuel Derieux en introduisant ce débat. Radio, télévision, internet : voilà ce à quoi touchent les médias et ce à quoi nous ferons référence tout au long de cet article. Rapide rappel ensuite sur l’histoire de l’Europe et ses débuts en tant qu’organisation exclusivement économique. Aujourd’hui, les médias ne sont plus empreints de frontières. Les informations circulent, et ce de plus en plus vite et de plus en plus loin. Ainsi, le droit national auquel les médias se référaient jusqu’alors s’avère insuffisant. Une réponse internationale à ce besoin de législation autour des médias s’est révélée être impossible au vu de l’ampleur des diversités politiques et économiques qui jalonnent le monde. La communauté européenne, a contrario, est parvenue à répondre à ce besoin d’instauration d’un « droit des médias ».

Aujourd’hui, l’Europe est bien plus qu’une simple organisation économique et rapidement, ceux qu’on appelle « les 27 », ont pris conscience que la libre circulation des produits, des services, des informations avait un impact irrémédiable sur l’activité médiatique. Est apparue alors cette nécessité d’encadrer les libertés pour qu’elles ne s’empêchent d’exister mutuellement.

L’Europe a ainsi adopté des directives et construit des règlements pour constituer une législation autour des questions de droits d’auteurs, d’initiative, de protection des données … Ces directives européennes se sont installées et ont au fil du temps dû se parer de nouveaux termes pour continuer d’encadrer les révolutions médiatiques qui ont pu se produire. Par exemple, la « directive de la télévision sans frontières » apparue en 1989 peu après la popularisation des postes de télévisions, s’est transformée aujourd’hui en « directive sur les services des médias audiovisuels ».

De ces tentatives d’encadrement des activités médiatiques est née une importante jurisprudence de la Cour européenne. Autrement dit, la Cour a construit ce droit au fur et à mesure de l’apparition de cas de litiges. Cette dernière, aussi bien que la Cour européenne des droits de l’homme peuvent être saisies par chaque citoyen européen lorsque les voies législatives internes ne sont plus suffisantes : c’est la question préjudicielle. Chaque juridiction nationale au sein de l’Europe est d’ailleurs soumise à son uniformisation par rapport au droit européen.

Malgré cet encadrement qui grandit au gré de l’expérience, certaines nations semblent rester à l’écart d’un véritable respect des demandes européennes quant au droit des médias. La Hongrie tombe par exemple à la 89ème place dans le classement de la liberté de la presse écrite publié par Reporters sans frontières. Un État, lorsqu’il entre au sein de l’Union européenne, s’engage à faire prévaloir les textes fondamentaux européens sur ses dispositions nationales, et c’est globalement le cas. En ce qui concerne les droits des médias, la liberté, l’indépendance et le pluralisme de la presse sont des principes fondamentaux. De la même manière, la protection de la source journalistique est également un aspect essentiel.

Alors que la France a pu mettre sur écoute certains journalistes ou demander des perquisitions, le droit européen est venu se substituer à ces décisions, et les interdire. En cas de condamnations excessives des médias ou de pressions envers ces derniers, la Cour de Justice européenne est en mesure de soumettre les pays à des sanctions (ni pécuniaires, ni carcérales évidemment) mais sous forme de contraintes obligeant l’État à la conformité européenne. Cependant, les décisions juridiques européennes sont en réalité relativement longues à être prises, ce qui entache l’efficacité de son action pour limiter les dérives. Il vaut néanmoins mieux attendre une décision qui permettra de réduire les atteintes aux libertés des médias plutôt que de les laisser sans recours. De la même manière, Emmanuel Derieux relativise les écarts constatés en Hongrie en termes de liberté de la presse : n’est-il ainsi pas préférable que ce pays ne soit pas totalement en règle mais qu’il appartienne à l’Union européenne ? En effet, cette appartenance lui permettra de se conformer de facto au droit européen, même si cette évolution peut prendre du temps. Les institutions judiciaires ont un moyen de pression et d’intervention sur la protection des droits des médias.

Par ailleurs, des pays développés et largement engagés dans l’Union européenne se voient parfois condamner par la Cour européenne des droits de l’Homme sur les questions de liberté d’expression et par la Cour européenne de justice sur les droits médiatiques. Ce droit est donc en perpétuelle évolution et aucun pays européen ne se voit exempt de la surveillance européenne. Ces deux entités font du système européen de justice un système tout à fait spécial par rapport au droit international.

Ce dernier peut par ailleurs avoir des influences sur le système international. Par exemple, le transfert des données de l’Europe vers les « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon) a été refusé tant que le niveau de protection ne serait pas renforcé. Ainsi, dans une vision optimiste, on peut espérer que le droit européen des médias puisse contribuer à un renforcement de ces droits à travers le monde via le développement des relations internationales. L’Europe a donc bel et bien un rôle dans la protection des droits des médias et contribue à limiter leurs atteintes.

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