La décision est un premier pas important vers la sortie progressive du charbon. Le conseil des ministres allemand a approuvé le 29 janvier le rapport de la commission croissance, mutations structurelles et emploi (Kommission « Wachstum, Strukturwandel, Beschäftigung »), aussi appelée commission charbon (Kohlekommission).
Le rapport doit être également voté par le Bundestag et le Bundesrat, où certaines critiques ne manqueront pas de s’exprimer.
Cette commission charbon est composée d’experts (35 personnes, dont 28 ayant le droit de vote final) mandatés par le gouvernement fédéral pour réfléchir et proposer des solutions concrètes sur l’avenir du charbon en Allemagne, en particulier le lignite.
Celle-ci a rendu ses conclusions dans un rapport de 336 pages en janvier 2019. La diversité des intérêts représentés (des industriels, des personnalités politiques, des militants écologiques et des universitaires y figurent) a fait que les débats ont été houleux. Néanmoins, le texte final a été approuvé à la quasi-unanimité (27 voix pour, une abstention) et l’ensemble des parties a exprimé leur satisfaction [1].
Sortir du charbon en 2038
Concrètement, un plan d’action a été élaboré pour sortir progressivement du charbon d’ici 2038. Le calendrier est précis et propose de diminuer la capacité des centrales à charbon de 42,5 GW actuellement à 30 GW en 2022, 17 GW en 2030 puis un arrêt total de la production entre 2035 et 2038. Des compensations et des aides (à hauteur de 40 milliards d’euros) sont prévues pour soutenir la reconversion des régions concernées, comme la Rhénanie du Nord-Westphalie, la Saxe ou le Brandebourg.
L’objectif semble ambitieux, mais si l’Allemagne ne le respecte pas, elle aura beaucoup de mal à tenir ses engagements dans le cadre du paquet climat-énergie 2030. Le pays s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55% par rapport à 1990, selon son nouveau paquet climat présenté en octobre dernier.
Championne d’Europe du charbon
L’Allemagne est le premier producteur de charbon en Europe. Le lignite et la houille représentent encore 22% de son mix énergétique et 35% de son mix électrique.
Le charbon est le principal responsable dans l’échec de l’Allemagne à atteindre une partie de ses objectifs climatiques. Dès 2017, le gouvernement allemand avait annoncé qu’il ne serait pas capable de tenir ses propres objectifs nationaux de réduction de GES, les prévisions pour 2020 faisant état d’une réduction de 32% par rapport à 1990, contre une cible de 40%.
L’Allemagne est pourtant le meilleur élève européen sur la période 1990-2012 selon le bilan du protocole de Kyoto, le premier accord international visant à réduire les gaz à effet de serre. Sur ces 22 années, le pays a baissé ses émissions de 23,7% (à comparer au 16,8% de l’UE, et surtout à l’objectif initial du protocole de Kyoto pour l’Union, fixé à 8%).
Sortir du nucléaire puis du charbon
Notre voisin outre-Rhin a donc décidé de sortir progressivement du charbon, après avoir acté la sortie de l’énergie nucléaire.
Le gouvernement fédéral avait renoncé dès 2011 à l’utilisation de l’atome, ou plutôt était revenu sur sa décision de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires. Le gouvernement social-écologiste de Gerhard Schröder avait en effet décidé d’une première sortie progressive du nucléaire en 2000.
La sortie du nucléaire (Atomausstieg), décidée par le Bundestag en juin 2011, prévoit l’arrêt de toutes les centrales en 2022.
Si la décision a été saluée par la grande majorité des partis politiques, elle a pu faire grincer des dents en Europe. Les réseaux énergétiques étant de plus en plus européanisés, ce qu’il se passe dans un pays, a fortiori le premier consommateur d’énergie européen, a des répercussions chez les pays voisins.
Développement des énergies vertes
Le renoncement au nucléaire, puis au charbon, sur une période de 27 ans, représente un défi considérable. Pour compenser, un investissement considérable dans les énergies renouvelables est nécessaire. L’Allemagne est le pays d’Europe dotée de la plus grande capacité renouvelable. En 2019, l’électricité renouvelable représentait en moyenne 42,9% du mix électrique domestique, avec un pic à 52% en mars dernier. L’objectif pour 2030 est d’atteindre 65% d’électricité renouvelable.
Mix électrique allemand en 2016 et 2017. Le développement des renouvelables est spectaculaire.
Ainsi, malgré une baisse de régime de l’énergie éolienne, le développement des énergies vertes a été spectaculaire ces quinze dernières années. En 2004, elles représentaient 6,2% du mix énergétique allemand, contre 16,5% en 2018. Selon le rapport d’Eurostat sorti fin janvier, l’objectif de 18% en 2020 semble aisément atteignable, au vu de la dynamique des dernières années.
Mix énergétique allemand en 2016 et 2017. Le lignite et la houille sont les deux composantes principales du charbon.
Cela est principalement imputable à la « loi sur les énergies renouvelables » (Erneuerbare Energien Gesetz) promulgée par le gouvernement fédéral en 2000. Cette loi a notamment mis en place une « incitation financière » (EEG-Umlage) permettant à l’Etat de fortement subventionner les installations renouvelables.
Néanmoins, les énergies vertes doivent affronter de nombreux défis. La loi sur les énergies renouvelables n’a pas avantagé les technologies les plus performantes, et donc l’innovation technologiques. Les prix de l’électricité ont en outre augmenté, ce qui fait que les ménages allemands payent les factures les plus élevées d’Europe.
La question des infrastructures se pose également. Si la majorité des capacités de production sont au Nord (en ce qui concerne l’éolien offshore du moins), les centres de consommation sont surtout au Sud (la Bavière et le Bade-Wurtemberg) et à l’Ouest (la Rhénanie). Le gouvernement a tenté, dans les dernières réformes de la loi sur les énergies renouvelables, de limiter l’expansion des énergies renouvelables pour permettre un meilleur développement des infrastructures.
De plus, même si les sondages montrent une forte adhésion de la population à la transition énergétique, des collectifs citoyens se forment un peu partout dans le pays pour protester contre la construction de parcs éoliens, parfois soutenus par certains ministères fédéraux, comme le ministère de l’économie. Soutenir les énergies renouvelables est autant une question sociale qu’une question technologique.
Dépendance énergétique
Cependant, il semble pour le moment inconcevable de produire de l’électricité exclusivement à partir de sources renouvelables et intermittentes (le soleil ne brille pas à toute heure, le vent ne souffle pas continuellement). Quand bien même nous disposons de l’ensemble de la technologie nécessaire, le stockage de l’électricité n’en est qu’à ses balbutiements industriels, et il est nécessaire de se reposer sur des énergies plus « sûres ».
Entre le nucléaire et le gaz naturel, l’Allemagne a très tôt choisi le dernier.
Le gaz est en effet bien moins carboné que le pétrole et le charbon, mais des infrastructures de transport coûteuses sont nécessaires. La Russie apparaît comme un partenaire énergétique incontournable (environ 35% du gaz consommé en Allemagne provient de Sibérie), ce qui représente un défi géopolitique important. De nombreux pays européen, en particulier ceux situés entre l’Allemagne et la Russie, craignent une dépendante énergétique croissante de l’Union européenne vis-à-vis de son grand voisin de l’Est.
Une crainte attisée par la construction du gazoduc Nord Stream II reliant directement la Russie à l’Allemagne, sans passer par l’Ukraine, qui perd là une source de revenues substantielle.
Berlin comme Moscou insistent sur la nécessité de ce projet. Le gaz naturel est appelé à jouer un rôle dans la transition énergétique, même si les institutions européennes décident de ne plus subventionner le gaz naturel dans le cadre de la transition énergétique.
1. Le 14 février 2020 à 14:49, par student En réponse à : L’Allemagne, quels schémas énergétiques pour demain ?
Hypocrite Allemagne. Elle feint de se préoccuper du climat et de l’impact désastreux de ces centrales au lignite, mais préfère d’abord arrêter son nucléaire, en s’appuyant sur son gigantesque parc au charbon sale. Voyant que ses éoliennes ne produisent qu’une énergie intermittente, elle a conservé ce parc, et même l’a développé. Dans une impasse puisque ses émissions de CO2 ne décroissent pas, elle a choisi de remplacer ses centrales au charbon par des centrales au gaz, en créant ainsi un lien de subordination à la Russie. Or, le gaz n’est pas « bien moins carboné que le charbon » comme dit dans l’article, mais juste deux fois moins carboné. Ce qui est loin de faire le compte et qui va conduire nos voisins dans une nouvelle impasse quand il leur faudra sortir du gaz. On se souviendra que EELV est né en Allemagne, et a essaimé en France. Et que gagner les quelques % de voix de ce parti très minoritaire (et extrémiste sur le nucléaire), Hollande lui a sacrifié la centrale de Fessenheim qui va s’arrêter dans quelques jours, et va engendrer 4 milliards d’euros d’indemnisation d’EDF. Bref, que l’Allemagne sous couvert de Bruxelles où son lobbying est bien plus efficace que le nôtre, aura cherché à entraîner notre pays dans sa volonté mortifère de mettre fin à l’énergie nucléaire civile, quitte à empoisonner toute l’Europe de son charbon, puis bientôt la planète avec le CO2 issu de son gaz Russe. La politique a ses raisons qui sont bien éloignées de l’optimum économique et même écologique, et en tout état de cause de l’intérêt général. C’est pour cela que nous régressons dans tous les classements et que les pays de l’Europe du Nord et l’Allemagne nous surclassent depuis trois décennies. Et là où l’Allemagne a fait fausse route, c’est à dire dans son choix politique de sortir du nucléaire, elle s’est efforcée et s’efforce toujours de nous entrainer avec elle, de peur que la France en tire avantage. Pourquoi nos dirigeants laissent-ils ainsi faire ???
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