L’anglais, langue commune. Et puis quoi encore ?

, par Rémi Laurent

L'anglais, langue commune. Et puis quoi encore ?
En 2012, le Parlement européen employait 700 traducteurs et 260 assistants pour traduire plus de 100 000 pages chaque mois © European Union 2012 EP / Pietro Naj-Oleari / Flickr

Récemment, l’édition anglophone du Taurillon, the New Federalist, reproduisait une tribune défendant l’anglais comme langue européenne commune. Une idée qui semble au premier abord séduisante et intéressante mais qui en réalité n’est pas envisageable.

Un pragmatisme fantasmé

L’anglais comme langue commune ? Voilà qui doit réjouir bien des fonctionnaires bruxellois qui ont adopté depuis bien longtemps le réflexe de l’anglais ou plutôt du globbish, sorte d’anglais primaire sans nuance totalement galvaudé qui suscite l’ire des anglais eux-mêmes, c’est dire.

Cet « anglais pauvre » a des conséquences désastreuses pour l’Union Européenne et surtout pour les Européens. Loin de faciliter la compréhension entre les uns et les autres, cette facilité a conduit à un appauvrissement de la pensée et une réduction du droit. Le concept français de service public est par exemple totalement intraduisible en anglais. On peut le traduire par « commodities », « publics services » ou d’autres expressions mais aucune de ces expressions ne traduit la réalité du concept. Quant à traduire la chose en suédois depuis le français, il faut s’accrocher puisque le concept de « service public » recouvre cinq concepts différents en suédois.

L’usage du « globbish » a engendré un fainéantise considérable de la Commission et des institutions européennes qui ne prennent même la peine de traduire leurs sites internet, leurs positions ou leurs documents de travail en français, en allemand ou en espagnol qui sont pourtant parlés par des millions de locuteurs en Europe.

Loin de rapprocher les peuples, l’usage du « globbish » a surtout creusé le gouffre entre une élite européenne qui le parle, souvent mal, et une majorité d’Européens qui ne le parle pas.

Le français, une langue d’avenir

Une langue commune serait une erreur, mais quitte à devoir utiliser une langue de travail autant utiliser le français. Le français est LA langue diplomatique. Tous les grands traités internationaux ont été rédigés en français, même chez les anglais dont le royaume a lui-même été fondé en 1066 par des français. La France est le seul pays européen qui a envahi tous ses voisins et une bonne partie de l’Europe.

Et tous les pays européens qui ont reçu l’aimable passage des armées napoléoniennes au XIXe siècle ont aussi reçu en héritage le système métrique, le code civil et des réformes institutionnelles issues de la Révolution française qui ont contribué au raffermissement des monarchies locales, une fois l’armée française rentrée chez elle.

Mieux, ainsi que l’a déclaré, le Président de la Commission européenne, l’anglais n’est pas une langue très porteuse avec le Brexit tandis que le français semble être porteur de réelles perspectives. Et puis, n’oublions pas que le français est une langue riche en onomatopées, calembours et autres expressions fleuries toujours fort utiles en cas de négociations européennes difficiles.

En somme, le français est d’un indiscutable intérêt.

L’unité dans la diversité

Nos voisins anglais ayant décidé de nous quitter, nous allons enfin pouvoir décider ensemble, sans être dérangés par leurs refus systématiques d’approfondir la construction européenne ou pire encore de la saboter de l’intérieur. L’utilisation d’une langue n’est jamais neutre. Plus que des mots, une langue véhicule une pensée, un cadre idéologique. Dans le cas de l’anglais, la langue a véhiculé une pensée dite « néo-libérale » dont nous avons constaté les dégâts avec la crise des subprimes en 2007-2008 et son pendant de la crise des dettes publiques européennes. Une pensée massivement rejetée par l’Europe continentale et ses populations qui ont remis en cause à plusieurs reprises l’influence de cette pensée sur l’UE et sa législation.

Plus que l’usage de l’anglais, ce dont l’Europe a besoin, c’est donc d’en revenir à l’usage du français comme langue diplomatique et surtout d’un usage réel des diverses langues existantes. L’Europe est riche de plus de 20 langues nationales véhiculant de nombreuses idées différentes qui constituent autant de possibilités de construction, d’enrichissement des uns et des autres, de possibilités. Nous assujettir à un anglais appauvri, ce n’est pas seulement perdre notre identité, c’est perdre notre faculté de pensée, notre créativité, notre possibilité d’envisager l’avenir autrement. En somme, adopter l’anglais, c’est nous perdre nous-mêmes.

Vos commentaires
  • Le 6 septembre 2017 à 14:11, par Michel078 En réponse à : L’anglais, langue commune. Et puis quoi encore ?

    L’anglais ne peut évidemment être langue commune de l’Europe car il disparaîtra des institutions européennes en 2019. En effet, l’Irlande a choisi le gaélique comme langue de communication avec l’UE et Malte le maltais. Cela signifie que lorsque le Royaume-Uni sortira de l’UE en 2019, l’anglais perdra automatiquement son officialité, et ceci au regard des textes en vigueur (un pays, une langue). Cette disparition de l’anglais profitera ensuite fortement au français, qui deviendra mécaniquement la langue véhiculaire au sein des institutions européennes, et par ricochet celle des Européens, car les trois capitales de l’Europe (Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg) sont francophones et de nombreux pays européens font partie de l’Organisation internationale de la Francophonie ou veulent en faire partie. Voir la jolie carte suivante : https://www.francophonie.org/IMG/pdf/carte_francophonie_mai_2017.pdf

    L’enseignement du français va ainsi fortement se développer en Europe et, par ricochet, dans les zones limitrophes de l’Europe. L’anglais, quant à lui, sera définitivement marginalisé en Europe, tant par le retrait du Royaume-Uni de l’UE que par la politique isolationniste de M. Trump.

    Le retour en force du français va également reposer sur les deux éléments géopolitiques suivants :

    1) Le nombre de locuteurs du français dans le monde ne cesse d’augmenter et atteindra 700 millions en 2050, entre autres du fait de la démographie africaine et des progrès de la scolarisation. Peu de gens savent, par exemple, que le pays francophone le plus peuplé au monde n’est plus la France mais la République démocratique du Congo, avec 85 millions d’habitants (180 millions en 2050).

    2) Selon l’’institut de conjoncture économique allemand de Cologne, la France supplantera l’’Allemagne sur le plan économique au plus tard en 2035, grâce à sa croissance démographique. Cette enquête montre également que la population française devrait atteindre la barre des 78,9 millions d’habitants à l’horizon 2050 alors que celle de l’Allemagne ne dépassera pas 71,4 millions d’habitants : http://www.jeuneafrique.com/Article/ARCH-LIN25027parisnenilr0.xml/

    Le français va ainsi acquérir beaucoup plus de prestige, avec toutes les conséquences positives que l’on imagine sur son enseignement et même sur le budget de la France. Car je rappelle que l’hégémonie actuelle de l’anglais en Europe rapporte dix milliards d’euros par an au Royaume-Uni. Voir l’entretien du professeur Grin : https://www.letemps.ch/societe/2005/06/22/anglais-mauvaise-solution

    Ces dix milliards, ce serait bien que ce soit la France qui les reçoive à l’avenir.

  • Le 30 septembre 2017 à 20:38, par Giuseppe Marrosu En réponse à : L’anglais, langue commune. Et puis quoi encore ?

    « La France est le seul pays européen qui a envahi tous ses voisins et une bonne partie de l’Europe ». Il semble que, pour l’auteur, l’aggressivité qu’un peuple a manifestée pendent les siècles doit etre récompensée par des honneurs. Il est vrai que le role de l’anglais comme langue internationale donne au Royaume Uni des avantages immerités, culturels mais économiques aussi. Mais ça, c’est inévitable lorsque on choisit n’importe quelle langue commune. Et si le français arrivait à remplacer l’anglais, par consequence la France,elle, aurait ces avantages immeritées. Il est vrai aussi que l’anglais qui on parle comme deuxiéme langue est souvent maivais et agaçant pour les anglais. Alors pourqoi veut-on que la langue de Molière soit destinée à une brutalisation pareille ? On se plaigne que l’importance de l’anglais fait que ceux qui le connaissent soient avantagés ; le Français n’est pas moin complex de l’anglais et la problème se réproduiserait avec le Français langue commune.

    On dit que le français et la France seront de plus en plus important. Il semble que la problème de l’auteur, c’est n’est pas de trouver le moyen de s’entendre entre européens mais d’affirmer une hégèmonie français. C’est n’est pas la méthode européenne.

    Tandis que chaque pays mette son interet avant l’interet comun on n’arrivera jamais à une solution.

  • Le 10 juin 2022 à 12:14, par Matthias Sauvergeat En réponse à : L’anglais, langue commune. Et puis quoi encore ?

    Et l’espéranto alors !

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