L’épineuse question du nucléaire en Europe

Un article de la série « énergies en Europe : un état des lieux »

, par Corentin Vinsonneau

L'épineuse question du nucléaire en Europe
Image : Markus Distelrath de Pixabay

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les États européens avaient plusieurs objectifs dont celui de retrouver une indépendance énergétique. En 1957 a été signé le traité EURATOM reposant sur un postulat, celui du développement rapide et généralisé de l’énergie nucléaire, ce qui aurait pu poser aux États européens des problèmes d’approvisionnement en matières premières. Le traité garantit un niveau élevé de sécurité pour la population, tout comme l’Agence internationale de l’énergie atomique consciente des risques du nucléaire. Cette question de sécurité est un enjeu fondamental après la catastrophe de Tchernobyl survenue en 1986 et de Fukushima en 2011 au Japon.

L’énergie produite par le nucléaire provient de la technologie de la fission nucléaire, c’est-à-dire la division du noyau de l’uranium et du plutonium. Cette source d’énergie n’émet pas d’émissions de gaz à effet de serre et elle est présente dans la moitié des pays européens.

Quid du nucléaire en Europe ?

Le nucléaire en Europe représente 26% de la production d’énergie avec plus de 126 réacteurs installés sur l’espace européen. Le plus grand parc nucléaire en Europe est présent en France, il se classe deuxième au niveau mondial derrière les États-Unis. Celui-ci représente, en 2016, 72,3% et 70,6% en 2019 du mix énergétique comprenant 58 réacteurs répartis sur le territoire.

On note un écart avec les autres parcs européens comparé à la France. En effet, selon les données de l’agence internationale de l’énergie atomique, l’Espagne ne possède que 7 réacteurs représentant 21,4% du mix énergétique national en 2019. La Belgique a également 7 réacteurs, soit 47,6% de son mix énergétique. La Suède possède 6 réacteurs, soit 34% de sa production énergétique. Les autres pays ayant un parc nucléaire sont la Tchéquie, la Finlande, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovénie et les Pays-Bas. Concernant l’Allemagne, celle-ci a fait le choix de stopper sa route vers le nucléaire d’ici 2020, depuis le dernier accident nucléaire au Japon. Anciennement européen, le Royaume-Uni disposait du deuxième parc européen avec 15 réacteurs nucléaires.

Cependant, l’Union européenne, depuis longtemps via sa politique de transition énergétique et climatique et encore plus avec le pacte Vert pour l’Europe, impose aux États dans ses paquets climat/énergie, une diminution de l’émission de CO2, une augmentation de la part des énergies renouvelables et une efficacité énergétique de plus en plus effective au sein des pays membres. Le paquet Climat/Énergie de 2009 à l’horizon 2020 comprenait 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, 20% d’amélioration de l’efficacité énergétique, 20% de réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. Le Conseil européen a décidé de nouveaux objectifs à l’horizon 2030 ; 32% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, 32% d’amélioration de l’efficacité énergétique et 40% de réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. La politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise dans un élan de principe de solidarité entre États membres à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie, sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union. Ensuite, le paquet Climat/Énergie de l’Union vise à promouvoir l’efficacité énergétique comme le développement des énergies nouvelles et renouvelables. Elle promeut l’interconnexion des réseaux énergétiques. La politique énergétique n’affecte pas le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement.

En France, l’intégration des normes européennes en matière environnementale s’est faite progressivement. La nouvelle loi dite de Transition énergétique pour la croissance verte, fixe de ramener la part de l’énergie nucléaire dans le mix de production électrique à 50% à l’horizon 2025. À cet effet, la Cour des comptes estimait que la production en France pourrait être réduite pour atteindre 50%, en arrêtant 17 à 20 réacteurs en France d’ici 2050 [1].

Cette intégration des énergies propres est une demande de la Commission dans une communication de 2016 intitulée « Une énergie propre pour tous les Européens » [2]. La Commission veut harmoniser les législations européennes sur les nouveaux objectifs climatiques et énergétiques à l’horizon 2030 et à rendre l’Union moins dépendante en approvisionnement énergétique hors UE. Cela ne veut pas dire un arrêt total de l’énergie nucléaire au sein de l’Union, car cette dernière est l’une des seules sources de création d’énergie n’émettant pas de gaz à effet de serre.

Quels enjeux en matière de déchet et de santé publique ?

Derrière l’efficacité de cette source d’énergie se pose la question de la gestion des déchets nucléaires et de son impact sur la santé publique. Actuellement dans le monde, seule la Finlande dispose d’un site de stockage géologique adapté destiné aux déchets radioactifs les plus dangereux. Pour les scientifiques, le stockage entreposé de ses déchets sous surveillance dans un environnement protégé serait plus responsable et plus pratique à mettre en place. Cependant, le parcours de la vie du déchet nucléaire est un défi entre le transport et le stockage. Actuellement les déchets nucléaires sont entreposés de manière temporaire et cela devrait se poursuivre durant quelques siècles, représentant un risque dans le futur [3].

Depuis la création du nucléaire, l’amas de déchets est gigantesque. En effet, avec 30 % de déchets produits, la France est la plus grande productrice de déchets nucléaires en Europe, suivie par le Royaume-Uni (20 %), l’Ukraine (18 %) et l’Allemagne (8 %). Ces quatre pays représentent plus de 75 % des déchets nucléaires européens [4]. La plupart des déchets nucléaires sont retraités cependant, certains pays européens (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Hongrie, Suède, Suisse, et plus récemment Royaume-Uni) ont arrêté définitivement le retraitement. Il faut également prendre en considération, que les centrales nucléaires ont une durée de vie limitée, de fait, leur démantèlement augmentera aussi le nombre de déchets.

Les déchets nucléaires représentent un risque pour la santé publique. Entre l’utilisation de l’uranium et le traitement dudit déchet, ils rejettent du gaz, et sont pour la plupart radioactifs. Pour les déchets dits de haute activité (HA), ils renferment plus de 90 % de la radioactivité contenue dans les déchets nucléaires. Leur stockage se fait sous l’eau dans des piscines installées à cet effet dans les centrales nucléaires. Le retraitement de ses déchets est susceptible « de dispersion de déchets nucléaires très dangereux, est source de problèmes accrus, dont les risques de prolifération, l’exposition élevée des travailleurs et de la population, et la contamination radioactive de l’environnement » [5].

Mots-clés
Notes

[1La maintenance des centrales nucléaires - Une politique remise à niveau, des incertitudes à lever (Rapport annuel - Chapitre 1), Cour des Comptes, février 2016, p.132

[2Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen, au comité des régions et à la banque européenne d’investissement - Une énergie propre pour tous les Européens – Bruxelles - 30 novembre 2016

[3Rapport mondial sur les déchets nucléaires - Focus sur l’Europe – novembre 2020 – p5

[4Rapport mondial sur les déchets nucléaires - Focus sur l’Europe – novembre 2020 – p6

[5Rapport mondial sur les déchets nucléaires - Focus sur l’Europe – novembre 2020 – p8

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