Les sondages de micro-trottoirs avec des citoyen(ne)s de l’UE à Bruxelles ont montré que beaucoup pensent qu’une langue commune est une bonne idée pour renforcer une identité européenne. Cependant, ils voient des difficultés dans la mise en œuvre d’une telle langue et peuvent plutôt l’imaginer pour les générations futures. La majorité estime également que l’anglais joue déjà ce rôle de langue commune.
Une langue commune européenne n’appartenant à aucun pays ni peuple existe-t-elle aujourd’hui ?
Une langue européenne indépendante des peuples existe déjà ! L’espéranto a été construite en 1887 et a comme objectif principal de faciliter la communication internationale et de promouvoir la paix entre les peuples. Cette langue se caractérise par une grammaire simple et un vocabulaire emprunté aux langues européennes ce qui permet de l’apprendre très facilement. Malgré son statut de langue artificielle, l’espéranto est parlé par environ deux millions de personnes dans le monde. Selon Bernard Régis Larue, président de l’association d’espéranto de Bruxelles, cette estimation reste toutefois incertaine. Il explique que tous
tes les locuteurs et locutrices de l’espéranto ne sont de loin pas recensé e s, et que de telles estimations ne peuvent donc être que très approximatives.INTERVIEW :
Pouvez-vous vous présenter ?
Bernard : Je m’appelle Bernard Régis Larue, j’ai 60 ans, je suis officiellement français mais mes ancêtres sont belges. J’habite entre la Belgique et l’Allemagne.
Je suis président du club espérantiste de Bruxelles. J’ai commencé à apprendre l’espéranto à l’adolescence, à 17 ans. Et bien plus tard, j’ai appris que mon arrière-grand-père était déjà espérantiste au début du vingtième siècle !
Qu’est-ce que l’espéranto ?
Bernard : L’espéranto est un outil pour communiquer avec plus de personnes et le faire sur un pied d’égalité en étant à l’aise dans une langue commune. C’est aussi énormément d’opportunités et de projets : des livres, des groupes de musique, des rencontres. C’est dans le cadre de l’espéranto que j’ai rencontré ma compagne. L’espéranto est la langue de notre couple, c’est maintenant notre quotidien !
Et parlez-vous espéranto à vos enfants ?
Bernard : J’ai tenté de leur apprendre mais ce n’était pas si facile que ça. Ils ont tous su parler mais ne pratiquent plus.
En parlant espéranto, est-ce que vous faites un acte politique ? Voyez-vous cette langue comme une revendication ou une passion ?
Bernard : Je ne suis pas très actif sur le plan politique mais c’est vrai que ce serait une bonne chose que l’espéranto soit plus répandu. D’abord parce que c’est une langue neutre, il n’y a pas un pays qui impose sa langue aux autres. Aussi, l’espéranto c’est facile à apprendre, plus régulier que les autres langues donc on atteint un niveau de communication, de nuance plus important et c’est une richesse pour les communautés.
Est-ce que l’espéranto est un facteur de paix selon vous ? Dans le cas de Bruxelles par exemple, où cohabitent deux communautés linguistiques ?
Bernard : Ce n’est jamais qu’un outil qui permet une meilleure compréhension. Mais ça aide à se parler, à apprendre à se connaître, à se rencontrer. Après l’un n’empêche pas l’autre. Je connais au moins une esperantiste nationaliste flamande à Antwerp, une autre à Bruxelles donc ça n’efface pas tout.
Et dans le cas de l’Union européenne et ses 24 langues officielles, est-ce que l’esperanto permettrait aux 27 de se renforcer ?
Bernard : Évidemment il y a déjà l’anglais qui semble être parlé partout dans le monde. Mais dans ce cas pourquoi ⅔ du budget de la Commission est dédié aux interprètes et aux traductions ? Si nos représentants ont besoin d’interprètes et de traducteurs, c’est peut-être la preuve que l’anglais ne fonctionne pas si bien.
On sait aussi que le “tout à l’anglais” donne des avantages économiques qui se comptent en centaine de milliards pour les pays anglo-saxons et il n’y a pas de raison de donner un avantage à l’un plutôt qu’à l’autre. Aussi, utiliser l’espéranto pour les textes officiels serait bénéfique. D’une part parce que l’anglais ne traduit pas bien les 24 langues de l’UE, l’espéranto est beaucoup plus précis. D’autre part c’est sûr que si tout le monde parle espéranto, le dialogue sera plus simple.
Est-ce réaliste de faire apprendre l’espéranto ?
Bernard : Oui ! C’est bien plus rapide à apprendre que n’importe quelle autre langue et beaucoup d’études montrent à quel point parler espéranto aide pour l’apprentissage d’autres langues. Une expérience au Japon a comparé la vitesse d’apprentissage de l’espéranto et de l’anglais et pour les Japonais, l’espéranto s’apprend 10 fois plus vite que l’anglais ! Dix fois plus vite ! Alors que dans les deux cas se sont des langues indo-européennes. Je pense qu’un projet d’une langue plus simple à apprendre est forcément réaliste.
Comment voyez-vous l’UE aujourd’hui ? Et ses potentiels élargissements ?
Bernard : Je trouve le projet européen très chouette. Selon moi, c’est très important de s’unir et d’être plus nombreux pour plus d’échange. L’Histoire nous a montré qu’il valait mieux être ensemble que s’exclure. Étant officiellement français mais aussi belge et vivant en Allemagne, je vois l’Europe comme quelque chose d’évident.
Malgré le fait que l’apprentissage de l’Espéranto soit vu comme irréaliste pour une majorité d’européen
ne s, elle pourrait être le vecteur d’une identité européenne commune qui faciliterait la communication. Une nouvelle langue commune serait en revanche envisageable pour les générations futures. Comme l’anglais, celles-ci pourraient l’apprendre plus facilement dès l’école. Pour autant, l’espéranto peine à se faire connaître et son nombre de locuteurs et locutrices diminue dans l’Union européenne. Aux élections européennes de 2024, la liste française espérantiste a récolté 0,04% des voix.
1. Le 12 juillet à 15:25, par Pierre Dieumegard En réponse à : L’espéranto pour renforcer l’UE
Très bon article. C’est vrai que le score de la liste « Espéranto langue commune » a été très faible, beaucoup plus faible qu’en 2019. Une explication en est la forte tension politique lors du scrutin, et beaucoup d’électeurs ont « voté utile ». Je connais plusieurs activistes de Europe Démocratie Espéranto (candidats, administrateurs, colleurs d’affiches, etc.) qui ont voté pour une autre liste, en particulier pour la liste écologiste dans le but (réussi) de lui faire dépasser le seuil de 5% nécessaire en France pour avoir des eurodéputés. Pierre DIEUMEGARD, président de Europe-Démocratie-Espéranto (EDE-France)
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