La misère pour dénominateur commun
Ils n’ont jamais été aussi nombreux à risquer leur vie pour rejoindre l’Europe. 276 000 clandestins sont parvenus à rallier l’Union européenne en 2014 dont plus de 207 000 en traversant dangereusement la mer Méditerranée. En 2013, sur les 435 000 demandes d’asile recensées, 112 730 seulement ont reçu une réponse positive. Fuyant la guerre, la dictature ou la pauvreté, ils viennent en premier lieu de Syrie ou d’Érythrée. Ils arrivent par le Sud du continent, souvent dans de très mauvaises conditions, après d’interminables périples ne cessant de se diversifier et de les soumettre au dictat des passeurs et de leurs trafics.
Leur chemin de croix ne s’arrête pas là pour autant. Les premiers pays qu’ils rencontrent demeurent engorgés et ne peuvent pas les accueillir dans de bonnes conditions. Le règlement Dublin de l’Union européenne oblige les réfugiés à demander un unique droit d’asile dans le premier pays d’arrivée. Ils continuent donc à progresser, vers le Nord, en s’abstenant de demander l’asile et restent dans la clandestinité sans profiter de l’espace Schengen censé abolir ses frontières intérieures.
Chacun pour soi
En matière d’immigration, les coopérations européennes restent minces. Les États gardent la main sur les institutions très peu compétentes et les décisions se prennent à l’unanimité au Conseil de l’Union européenne. Seule la lutte contre l’immigration illégale mobilise quelque peu les acteurs européens qui investissent en masse dans ce domaine au détriment de la protection des migrants. Rien qu’en 2014, on dénombre ainsi environ 3 500 personnes noyées en Méditerranée, un chiffre probablement sous-évalué.
La solidarité, le sel de la construction européenne, reste ici un fantasme et c’est le chacun pour soi qui prévaut. A l’instar de l’opération « Mare Nostrum », visant à sauver les embarcations de migrants en perdition en Méditerranée, abandonnée par l’Italie incapable de la subventionner et ignorée par ses voisins européens. Les États du Nord de l’Europe refusent d’épauler financièrement et en équipements les pays du Sud qu’ils accusent de laxisme.
Le réfugié criminalisé
L’Union privilégie la mission Triton visant à sécuriser les frontières européennes. Elle est menée par l’agence Frontex, qui gère en toute opacité et sans contrôle du Parlement européen la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de ses Etats membres. Avec toujours plus de missions et disposant d’un matériel mis à disposition par les États volontaires, l’agence manque de moyens et préfère la politique du chiffre à la protection des confins européens. Quoi qu’il en soit, les passeurs réinventent sans cesse de nouveaux itinéraires que les barbelés et autres frontières intelligentes ne détectent pas.
Le migrant n’est plus à sauver, mais doit être surveillé. Il est considéré comme un criminel en puissance à défaut d’être un réfugié. Il est d’ailleurs suivi dès qu’il entre sur le territoire européen grâce au fichier Eurodac qui recense ses empruntes génétiques. Par-dessus le marché, l’Europe en oublie parfois de respecter ses droits fondamentaux.
L’Europe reste une terre d’accueil mais abandonne les êtres humains qui désirent s’y établir. Elle verse des larmes lorsque des embarcations surchargées font naufrages sans transformer l’essai de ces communications spectacles. Qui plus est, ces hésitations et rivalités étatiques et institutionnels contribuent à faire le lit des partis eurosceptiques et europhobes qui dénoncent une invasion que l’Europe est incapable de juguler.
« L’opinion publique est celle de ceux qui n’ont pas d’idées », disait Oscar Wilde. S’agissant de l’immigration, les Européens n’en ont pas. Ils refusent de trouver des solutions et s’en remettent à la xénophobie croissante d’une partie de ses peuples. Cet inertie électoraliste demeure politiquement périlleuse pour l’Europe qui doit pourtant définir une stratégie commune et prendre à bras le corps ce domaine de compétence que les États ne sont plus en mesure d’assurer.
1. Le 31 janvier 2015 à 17:36, par solange Marin En réponse à : L’Europe accueille mais ne recueille point
*Comment diable un gouvernement ou les « élites » d’un pays peuvent-ils se débarrasser de leur opinion publique,émanation d’un peuple bien encombrant mais qu’une démocratie se doit de ménager, ne serait-ce que pour espérer sa réélection. Mais je suis bien d’accord que l’Europe devrait adopter une stratégie commune face à l’immigration incontrôlée et à bien d’autres questions qui lui sont posées et restent sans réponse . Ne sommes-nous donc qu’un conglomérat de nations où chacun voit midi à sa porte et se fout des problèmes de son voisin pendant que le Commission gère péniblement sa bureaucratie . Il est temps de faire face aux difficultés qui s’amoncellent avant le sauve-qui-peut .
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