Depuis des années, l’Europe se construit sous l’impulsion des sommets des chefs d’Etats et de gouvernements. L’institutionnalisation du Conseil européen dans le traité de Lisbonne a été la consécration de cette réalité. L’Europe des diplomates a ainsi encore plus pris le pas sur la Commission et le Parlement.
C’est encore le cas sur la question de la réaction à la tentative d’attentat ayant eu lieu dans le Thalys. Le porte-parole de la Commission explique au journaliste Christian Spillmann qu’il ne « voit pas de conflit entre ces rencontres [bilatérales] et les processus communautaires » (vers 8’05). C’est une réponse pragmatique... du fait de la faiblesse de la Commission sur cette question face aux Etats membres.
En effet, dans une Europe à 28, le processus décisionnel est considérablement alourdi par le consensus à obtenir. C’est difficile de se mettre d’accord à deux, à vingt-huit, cela l’est encore plus. Par conséquent, il y a une tendance forte à ce que les réunions bilatérales aient lieu avant pour maximiser les chances de consensus avant la réunion officielle.
Sur le papier, pourquoi pas. Seulement, en réalité, il s’agit d’un encouragement au morcellement de l’Europe. Par exemple, l’ancien ambassadeur de Suède a développé une théorie selon laquelle les « PME » (les « petits et moyens pays » européens) devaient se méfier du couple franco-allemand. A raison, le poids économique de Berlin et Paris est tel qu’une fois qu’ils ont pris une décision, difficile pour les autres de contre-carrer leur position.
Or, ceci n’est pas une démocratie. Certes, cela respecte les lois de la démocratie internationale dans cette Europe-ONU que devient jour après jour l’Union européenne. Mais ceci ne permet pas de trouver de réelles solutions politiques. Surtout en cas d’urgence. Par exemple sur les migrants, malgré les 3000 personnes mortes en Méditerranée en 2014, il n’y a toujours pas de décisions prises. Ceci est logique dans le cadre de discussions entre diplomates ou techniciens. La Commission a beau avoir mis des propositions sur la table, il n’y a toujours pas de solution européenne. Pire, on s’écharpe sur 40 000 réfugiés alors que nous sommes 500 millions d’Européens. La Hongrie dresse un mur avec un potentiel futur Etat membre, la Serbie. En Allemagne, des centres d’accueil pour les réfugiés sont régulièrement brûlés.
L’Europe du bilatéralisme n’est donc ni juste vis-à-vis des pays plus petits que la France et l’Allemagne, ni utile pour aboutir rapidement à des solutions. Ce qui nous amène aussi à constater qu’il n’y a pas réellement de stratégie européenne sur les migrants. Ni Europe forteresse, ni Europe accueillante, chaque pays décide comment il gère cette question. Cette absence d’Europe est catastrophique et est en train de casser toute solidarité européenne.
Ce qui manque aujourd’hui à l’Union européenne, c’est une visibilité politique. Pour les citoyens, rien n’est clair et ils ont en plus le sentiment qu’ils n’ont pas de prise sur ce sujet. On voudrait faire le terreau du nationalisme, on ne s’y prendrait pas autrement.
1. Le 28 août 2015 à 17:40, par POTY Jacqueline et François En réponse à : L’Europe du bilatéralisme, est-ce vraiment l’Europe ?
Tant qu’il n’y aura pas d’Europe une majorité démocratique conduite par la France et l’Allemagne essaiera de s’entendre sur un minimum de solution. Les autres pays européens pourront choisir entre les solutions utopiques et conservatrices.Qui est responsable pour la politique européenne pour être jugé par l’histoire ?
2. Le 28 août 2015 à 17:52, par POTY Jacqueline et François En réponse à : L’Europe du bilatéralisme, est-ce vraiment l’Europe ?
Tant qu’il n’y aura pas d’Europe politique la majorité démocratique se constituera autour de la France et de l’Allemagne et les solutions minima seront adoptées. Le reste de l’Europe pourra se promener entre les solutions les plus utopiques ou les plus archaïques. Qui dirige la politique de l’Europe ? L’histoire aura bien du mal à juger le responsable !
3. Le 30 août 2015 à 16:07, par GIRAUD jean-guy En réponse à : L’Europe du bilatéralisme, est-ce vraiment l’Europe ?
Il ne revient effectivement pas à un quelconque État membre de prendre l’initiative, organiser, gérer et présider une réunion des 28 États membres - ne serait-ce que de façon « informelle » et à titre « préparatoire ». Il y a effectivement une dérive intergouvernementale dans une telle procédure. D’autre part, le pays « organisateur » (la France en l’occurrence) n’aucun titre particulier pour ce faire, n’étant même pas la Présidence en exercice du Conseil. On distingue d’ailleurs aisément les motifs de politique intérieure qui animent les dirigeants français en place dans cette affaire. Enfin, si le même attentat terroriste avait eu lieu au Portugal, la réunion des 28 aurait-elle eu lieu à Lisbonne, sous présidence portugaise ? Cette conception intergouvernementale de la gouvernance européenne a été clairement exposée par le Président français dans son discours à l’adresse de la « Conférence annuelle des ambassadeurs » le 24 août à Paris. Elle doit être publiquement dénoncée et combattue. JGG
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