Le renouvellement du Parlement européen en mai implique aussi celui de la Commission. Bien que majoritaire en terme de suffrages, le groupe S&D est derrière le PPE en sièges au Parlement européen. La faute à un mode de scrutin avantageant les petits pays au détriment d’une juste représentation démocratique. En conséquence, le S&D, qui n’a pu prétendre à la présidence de la Commission, a dû se contenter d’un poste moins important : la Haute-représentation de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi dénommé pour ne pas brusquer l’euroscepticisme britannique.
Le poste a donc échu à Federica Mogherini qui remplit un certain nombre de critères. Le quotidien français de référence Le Monde les ayant rappelés dans un article début septembre.
Federica Mogherini est donc nommée parce que (dans cet ordre) : inexpérimentée, méditerranéenne, femme, de gauche et que cela fait plaisir au président du Conseil italien. Reprenons donc cette étrange liste.
Un pot de fleurs ?
Federica Mogherini aurait été nommée pour ne pas faire d’ombre à la diplomatie des États-membres notamment la France et le Royaume-Uni tout comme Catherine Asthon. Et, en effet, comme Lady Ashton, elle est inexpérimentée. Il est vrai qu’elle n’était ministre des affaires étrangères d’Italie que depuis 6 mois, et qu’elle n’en était qu’à son 2e mandat de députée. Et même si elle était responsable des sujets d’affaires étrangères au sein de son parti (le Partito democratico), et qu’elle était membre de la commission de la défense au sein de la chambre basse italienne, elle n’apparaît pas comme possédant l’expertise nécessaire à l’exercice de ce portefeuille européen.
Toutefois, on aurait tort de la sous-estimer. Certes, elle manque d’expérience, mais « il faut bien commencer quelque part ». Une situation que bien des jeunes européens souhaiteraient avoir, eux à qui on demande constamment d’avoir de l’expérience alors qu’ils sont débutants.
Et contrairement à Ashton qui avait annoncé dès le début qu’elle ne comptait pas s’investir outre-mesure dans le poste, Federica Mogherini semble bien plus motivée. Enfin, contrairement à Ashton, elle est fédéraliste, a fait une partie de son cursus étudiant grâce au programme Erasmus en France à l’université d’Aix-en-Provence. Elle est donc polyglotte parlant couramment italien, français, anglais et parle un peu espagnol, le jour et la nuit comparée à celle qui l’a précédé.
Membre du « club med’ »
Italienne et donc membre du « club med’ », Federica Mogherini part avec un a priori négatif de la part des pays dit « du nord ». Craintes aussi parmi les États-membres de l’Est pour qui, ses nombreux voyages à Moscou comme ministre et son tropisme pro-russe pose problème en plein conflit ukrainien. Une inclination à considérer puisque l’Italie est dépendante des hydrocarbures russes via Eni (l’EDF et GDF local), dépendance renforcée depuis le basculement de la Libye dans l’anarchie.
Dans un contexte de sanctions européennes contre la Russie à la suite de la participation de militaires russes dans les mouvements séparatistes ukrainiens, une bonne connaissance des interlocuteurs russes pourrait toutefois s’avérer utile. Les pays européens n’ayant pas les moyens d’intervenir militairement, la voie diplomatique reste la seule issue.
Une femme de gauche
Federica Mogherini remplit aussi deux cases bien pratiques pour Jean-Claude Juncker et les États-membres : c’est une femme de gauche. Le Luxembourgeois avait fait de la présence de femmes un critère clé de sa future Commission, envisageant même d’atteindre la parité. Malheureusement, il n’a pas été entendu et seules 9 femmes sur 28 ont été désignées par leurs pays respectifs. Les femmes compétentes ne manquent pas mais les postes à responsabilité ont tendance à être confiés à des hommes comme le déplore l’eurodéputée centriste Sylvie Goulard, en parlant de « vieux messieurs aux cheveux blancs ».
Autre atout, son appartenance à la gauche européenne. Un état important puisque les autres postes clés de l’exécutif européen revienne à des membres du PPE (présidence de la Commission, présidence du Conseil, présidence de l’Eurogroupe). Une situation paradoxale puisque les sociaux-démocrates ont engrangé plus de voix que leurs homologues du PPE [1]. Cette situation s’explique par le fait que la majorité des gouvernements des États-membres sont issus de partis membres du PPE. Le problème se pose donc aussi de la nécessité de listes européennes partisanes reflétant non plus la réalité d’une mosaïque de pays mais bien d’une tendance politique européenne générale.
Victoire pour Renzi
En apparence, Matteo Renzi a remporté la partie en imposant sa candidate, qui plus est à un poste clé de l’exécutif européen. Problème, l’Italie n’a jamais vraiment été une puissance diplomatique reconnue. En délaissant ainsi des secteurs où elle excelle l’Italie de Renzi semble avoir sacrifié l’influence au prestige. Matteo Renzi a dû aussi se contenter de la promesse de vagues efforts en matière d’investissements au niveau européen pour contrer l’austérité pratiquée par les différents États-membres. Une situation qui pourrait durer malgré les critiques croissantes contre la ligne Merkel tant en Europe qu’au sein même de l’Allemagne.
L’Italie semble d’ailleurs isolée puisque François Hollande tente de se concilier les bonnes grâces de l’Allemagne pour des déficits qu’elle ne parvient toujours pas à contenir.
La nomination de Federica Mogherini semble être un choix risqué dans un contexte diplomatique tendu. Reste que parfois prendre des risques paie. Espérons qu’il en soit ainsi avec Federica Mogherini car plus que jamais, l’Europe a besoin d’une diplomatie active et déterminée.
1. Le 6 octobre 2014 à 18:29, par Fédéraliste31 En réponse à : L’évidence Mogherini ?
Analyse très intéressante et très juste de la situation actuelle de l’Union. Toutefois prenez garde à vérifier vos informations. En effet la présidence de l’Eurogroupe est assurée depuis 2013 par un néerlandais du nom de Jeroen Dijsselbloem qui appartient au parti travailliste (de tendance social-démocrate) et non pas au PPE.
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