L’indéniable besoin de renforcer la zone euro

Mini-série sur la réforme de la Zone euro : épisode 2 : « La caisse à outils du plombier de la zone euro »

, par Antoine Granier

L'indéniable besoin de renforcer la zone euro

Après avoir proposé et développé les arguments en faveur de la mise en place d’un réel gouvernement pour la zone euro, je poursuis mon analyse de la zone euro en expliquant comment selon moi, celle-ci pourrait être consolidée grâce à de nouveaux mécanismes. En l’absence d’un réel gouvernement et d’une consolidation, la zone euro sera rapidement et facilement sujette à de nouvelles crises.

Ce terme de « plombier de la zone euro » est notamment utilisé par l’ancien ministre belge et actuel député européen, Guy Verhofstadt. Cette expression illustre comment Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), à malgré tout sauvé la zone euro de la crise financière. Seul, il ne pouvait que colmater les fuites du système de la zone euro au fur et à mesure de leur apparition au lieu de changer toute la tuyauterie, faute de capacité. Seul, il menait des petites politiques sur des problèmes précis pour maintenir la tête de l’eurozone hors de l’eau sans pouvoir s’attaquer aux racines des troubles de l’euro. Pour y parvenir, de nombreuses propositions émergent un peu partout, que nous pourrions regrouper comme suit : la création d’un Trésor public commun, qui pourrait notamment émettre des euro-obligations, et enfin l’instauration d’une véritable union bancaire.

Pourquoi un Trésor public commun ?

Les trésors publics existent dans tous les États membres. Ce sont les trésoreries nationales qui perçoivent des recettes (impôts) et qui empruntent pour honorer les paiements nationaux. Avoir un Trésor public européen permettrait plusieurs éléments indispensables à la stabilisation durable de l’union économique.

Constituer un bien meilleur budget européen

En effet, au lieu d’avoir d’un faible budget représentant 1% des richesses de chaque État membre, ce Trésor pourrait percevoir des impôts directement auprès des entreprises et des citoyens. Ces impôts pourraient être par exemple : l’impôt sur les sociétés ; l’impôt sur le revenu ; taxe sur les opérations financières ; la taxe sur les émissions de CO2 ou bien encore une TVA européenne déduite de la TVA nationale qui serait la même dans tous les États membres.

Le montant de cette perception directe remplacerait naturellement l’aumône versée actuellement par les États membres. Les citoyens européens connaîtraient la somme exacte qu’ils versent à l’Union européenne ainsi que l’utilisation qui en est faite. L’Union européenne disposerait d’un véritable budget européen conséquent pour atteindre réellement les objectifs qui lui sont fixés par les États membres, sans chercher des compromis politiques sur la base de l’argument « payeur net / receveur net », argument absurde et à contre-courant de l’esprit de l’Union européenne.

Garantir une évolution parallèle de nos économies nationales et leur convergence progressive

Pour assurer la prospérité d’une monnaie commune, les États membres de la zone euro doivent impérativement faire converger leur économie (et non harmoniser, car les écarts sont actuellement beaucoup trop importants). Pour cela, comme nous l’avons montré dans l’article précédent, le ministre européen des finances promulguera une sorte de « code de convergence pour l’Euro ». Celui-ci fixerait les objectifs économiques à atteindre pour tous les pays membres de la zone euro. Les États membres choisiraient encore souverainement de la manière de faire pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés. Le Trésor aurait ici pour rôle de mettre en place une politique de stimulation entraînant la convergence des économies nationales. Par exemple, cela peut très bien se faire par le biais d’une participation au financement de réformes structurelles nécessaires pour atteindre les objectifs fixés.

Le sauvetage des États membres en difficultés

Dans une zone économique telle que la zone euro, les économies nationales se doivent d’être solidaires les unes envers les autres, car un membre en difficulté, voire pire, en faillite, mettrait en difficulté la zone toute entière et donc les autres économies nationales. Il faut donc agir très vite pour endiguer ces difficultés. Pour cela, le Trésor public européen pourrait financer les dettes publiques des États en difficulté ou remettre à flots leurs banques.

Pourquoi des euro-obligations ?

Aujourd’hui, chaque État gère sa dette chacun de son côté. Les demandes de prêts pour financer leurs dettes, par le biais d’émissions d’obligations, sont multipliées par le nombre d’États membres. Comme sur chaque marché, plus il y a de demandes pour un même volume d’offres, les prix, enfin ici les taux d’intérêt, augmentent. Donc en mutualisant la gestion (et non le paiement) des dettes des États membres de la zone euro, nous pouvons raisonnablement escompter obtenir des prêts à de meilleures conditions et à de meilleurs taux.

Cette mutualisation passe par l’émission d’euro-obligations. Cependant, ces euro-obligations seraient conditionnées à une grande convergence des politiques budgétaires et économiques. Seuls les pays respectant le « Code de convergence pour l’euro » pourraient émettre des euro-obligations. Par ce biais, les mauvais élèves se sanctionneraient eux-mêmes, car ils ne pourraient pas emprunter au taux intéressant permis par les euro-obligations. Ce mécanisme, notamment soutenu par Mariano Rajoy, permettrait de soutenir des réformes structurelles des pays en difficulté ce qui éviteraient que les pays les plus riches et leurs contribuables payent les dettes des pays en faillite qui font preuve de mauvaise gestion.

Pour une union bancaire

Cette union est ouverte à tous les pays membres de la zone euro naturellement, mais aussi aux pays « volontaires ». Il y a sur ce sujet un débat au Danemark et en Suède quant à leur adhésion. Les chefs d’État et de gouvernement devront à ce sujet régler un débat épineux, à savoir s’ils donnent la priorité à la réduction du risque ou à la mutualisation des dépôts. La Commission européenne, quant à elle, propose de réduire le volume des créances douteuses des banques, tout en introduisant graduellement un Programme européen d’assurance des dépôts. De plus, les économistes sont formels : il y aura une nouvelle crise financière, ce n’est qu’une question de temps. Pour se préparer à y faire face, l’union bancaire aurait deux principales fonctions pour empêcher une nouvelle crise bancaire au sein de la zone euro :

Un fonds de sauvetage substantiel

Il viendrait remplacer le Fonds de Résolution Unique (FRU). Ce système peine à maintenir une banque hors de l’eau. Le fonds de sauvetage devrait, quant à lui, pouvoir sauver au moins simultanément deux des plus grands groupes bancaires européens. Il serait toujours financé par toutes les banques soumises au contrôle direct et indirect de la BCE. Cependant, ce financement devrait être pondéré par banque de 0,8 à 1,2 en fonction de leur statut à risque. Cela récompenserait les bons élèves et sanctionnerait les mauvais.

Un système intégré d’assurance de dépôts

C’est une proposition de réforme visant à diminuer les risques bancaires en protégeant les banques contre une éventuelle restructuration de dette publique et « contre le risque de panique des déposants ». Ce système permettrait de « pénaliser les banques dont l’actif est trop concentré sur une unique signature souveraine, tout en protégeant mieux les déposants européens ». [1] Des États comme les Pays-Bas s’y opposent déjà fortement.

Pour que ces reformes puissent voir le jour, il y a la « nécessité » d’un « triangle d’or », à savoir l’alignement des positions de Paris, Berlin et Bruxelles pour avancer sur l’Europe et la zone euro. La réforme de cette dernière suscite néanmoins quelques désaccords entre la France et l’Allemagne. Principal point de tension : l’idée d’un budget commun de la zone euro. Cependant, dans l’accord de coalition provisoire obtenu le 12 janvier, le SPD et la CSU déclarent vouloir travailler « en étroite collaboration avec la France » pour « renforcer » et « réformer » la zone euro. La création d’un poste de ministre des Finances de la zone euro n’a cependant pas été validée par l’accord de coalition à Berlin. Si la chancelière allemande n’a pas exclu l’idée d’un ministre de la zone euro, cette réforme n’est pas mentionnée dans l’accord de coalition entre la CDU/CSU et le SPD, qui se borne à promettre d’examiner les propositions françaises.

Au vu des nombreuses divergences d’opinions, de nombreuses négociations et de nombreux compromis devront être nécessaires sur chacun des éléments évoqués précédemment. L’objectif sera d’adopter une nouvelle feuille de route de réformes pour la zone euro en juin pour le sommet formel de la zone euro. Une date qui convient à Berlin, qui devrait avoir réglé ses difficultés internes d’ici là. « Nous avons la volonté, nous trouverons le moyen », a indiqué Angela Merkel, rappelant qu’il avait également fallu faire preuve de beaucoup de bonne volonté pour s’accorder sur une vision commune aux premiers jours de la monnaie unique. « La volonté est là, et c’est essentiel », a-t-elle insisté. Enfin, contre les détracteurs de l’approfondissement de la zone euro sur l’unique argument « Nous ne voulons pas une Europe de première classe (la zone euro) et une Europe de seconde classe (le reste du marché unique) », il est bon de leur rappeler que, conformément à la déclaration 52 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tous les États membres de l’Union européenne (en dehors du Danemark et de feu le Royaume-Uni) ont vocation à rentrer dans la zone euro, lorsqu’ils rempliront les critères d’adhésion définit à l’article 140 paragraphe 1 du même traité.

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