71 ans et toutes ses dents !
Créée le 4 avril 1949, l’OTAN visait pour les États-Unis d’Amérique (EUA), à apporter un soutien défensif aux États européens, et plus précisément à établir une coopération plus étroite pour répondre au blocus d’une cité de Berlin alors divisée, instauré par les soviétiques en 1948-1949. Les EUA ont ainsi pu ouvrir de nombreuses bases sur le Vieux continent, au plus proche des frontières de l’Union indestructible des républiques libres. Évidemment, en plein contexte de guerre froide, seuls les États occidentaux acceptèrent, l’URSS et ses satellites de l’Est ont répondu par la signature du Pacte de Varsovie en 1955. C’est la naissance des blocs soviétique et occidental. Malgré l’implosion de l’URSS en 1991, l’OTAN s’est maintenue et a réussi à trouver de nouveaux terrains de guerre. Parmi ses interventions les plus importantes –en termes d’effectifs, non en termes de réussite– on peut citer la Bosnie de 1992 à 1994, la Serbie et le Kosovo depuis 1992, l’Afghanistan entre 2001 et 2014 et le Pakistan entre 2005 et 2006.
L’Organisation s’est encore agrandie le 30 mars dernier. En effet, la Macédoine du Nord est devenue le trentième membre de l’OTAN. Pour cet Etat candidat depuis 2008, les négociations d’adhésion étaient bloquées par la Grèce en raison du litige lié à la dénomination de sa voisine. Ce n’est qu’en 2018 que les deux pays se sont mis d’accord à l’issue de l’Accord de Prespa : La Macédoine devient Macédoine du Nord et la Grèce lève son véto à son adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne. Cette adhésion confirme l’élargissement de l’Alliance atlantique vers les Balkans occidentaux puisque le Monténégro est entré en 2017 et l’Albanie et la Croatie en 2009.
La Bosnie-Herzégovine est à ce jour le dernier État qui souhaite adhérer à l’OTAN. Pour cette candidate depuis 2010, les négociations se concentrent principalement sur des transformations démocratiques et institutionnelles du pays. Le pays participe néanmoins à quelques missions notamment en Afghanistan. Toutefois, la Bosnie-Herzégovine est unique dans sa gestion gouvernementale : elle est dirigée par un collège de trois présidents pour chacune des composantes (croate, bosniaque et serbe) du pays. Or Milorad Dodik, représentant serbe, est loin de soutenir cette candidature, puisqu’il rêve d’indépendance, voire de rattachement à la Serbie voisine.
La Finlande compte parmi les alliés les plus proches de l’OTAN, malgré sa neutralité. En effet, depuis son intervention à peine cachée dans l’est de l’Ukraine et l’annexion illégale de la Crimée, la Russie a montré qu’elle constituait toujours une menace pour ses voisins. C’est pour cette raison qu’en 2014, la Finlande signe avec son éternelle alliée la Suède et les États-Unis d’Amérique l’Accord de la Nation Hôte (Host Nation Support) qui autorise l’assistance des troupes de l’OTAN en cas de menace à la sécurité des pays et « s’ils le demandent », ce qui est suffisamment large et flou pour convenir à de nombreuses situations. Cette alliance qui ne porte pas son nom est complétée en 2018 par un accord de coopération militaire entre les trois mêmes pays, juridiquement non contraignant mais politiquement significatif. D’après un sondage de 2018, si les Suédois soutiennent désormais (43% contre 37%) toute adhésion à l’OTAN, les deux-tiers des Finnois continuent de rejeter l’alliance atlantique (62%).
71 ans et du plomb dans l’aile…
Parmi les membres de l’OTAN, il en est un particulièrement turbulent et dont certains se passeraient volontiers. Depuis le coup d’État manqué de 2015, la Turquie prend un virage autoritaire sous l’impulsion du Président Erdoğan, notamment par des dérives judiciaires qui font bondir –suffisamment ?– la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Du point de vue de l’OTAN, la Turquie reste malgré tout un partenaire stratégique dans la région, véritable tête de pont de l’Alliance atlantique au Moyen-Orient. Cette vision militaire et utilitariste est cependant difficile à tenir quand ce même allié intervient unilatéralement en Syrie pour détruire l’opposition kurde au régime de Damas. L’intervention a d’autant plus scandalisé que les Kurdes sont censé être soutenus par l’Occident.
Comme beaucoup d’autres États et organisations internationales, Donald Trump a beaucoup bousculé l’OTAN. Pour le Président étasunien, l’alliance atlantique était devenue « obsolète ». C’était sans compter sur l’imprévisibilité du locataire de la Maison-Blanche qui la qualifiait ensuite de « rempart pour la paix internationale ». De plus, le géant orange, par la voix de son Secrétaire d’État, a sermonné ses partenaires européens qui ne respectaient pas la règle des 2% : en effet, depuis 2014 les États membres se sont engagés à consacrer 2% de leur PIB national à la défense, ce que ne respectent que les États-Unis d’Amérique, le Royaume-Uni, la Pologne, la Grèce et l’Estonie. Plus surprenant, en janvier 2020, le Président Trump évoque son souhait d’accueillir des pays du Moyen-Orient au sein de l’Alliance, allant jusqu’à proposer un nouveau nom NATOME (pour North Atlantic Organization & Middle East), et ce afin de donner une base solide aux opérations militaires sur le terrain et conforter ses alliés sur place, notamment l’Arabie Saoudite.
Les déstabilisations de l’Alliance atlantique par Donald Trump ont eu un effet inattendu : les Européens, poussés par le Président Macron notamment ont accéléré l’établissement d’une défense européenne. L’article 42 du Traité sur l’Union européenne dispose l’assistance mutuelle en cas d’agression armée, tout en précisant se conformer au cadre de l’OTAN, même si cinq États ne sont pas membres de l’Alliance atlantique (Suède, Finlande, Autriche, Malte, Chypre).
Les critiques proférées par Donald Trump à l’encontre de ses partenaires européens ont sonné comme un avertissement et ont poussé certains de ces derniers à, enfin, approfondir une politique oubliée de l’UE, la politique de la défense. Vieux serpent de mer, l’idée d’une armée européenne a été réactivée ces dernières années, et même si la consécration est encore lointaine, très lointaine, des pas, des petits pas, ont été fait en ce sens. Ainsi, une coopération structurée permanente a été impulsée entre quelques pays en 2017, et l’Initiative Européenne d’Intervention regroupe aujourd’hui treize États du Nord Ouest européen. Petit à petit, l’oiseau européen construit son char.
Aujourd’hui, les détracteurs de l’OTAN sont partout. À l’extérieur, les Russes voient les exercices militaires dans les États baltes comme autant de provocations, les autorités et les citoyens des pays comme le Pakistan ou l’Afghanistan rejettent aujourd’hui la présence de soldats occidentaux dans leur pays, après des années de combats et de bombardements meurtriers. À l’intérieur, certaines voix s’élèvent contre l’interventionnisme occidental, dans le cadre de l’OTAN ou non.
L’interventionnisme à l’étranger est vu comme un moyen pour les États de préserver leurs intérêts économiques et stratégiques. Les populations locales déplorent elles les nombreuses victimes « collatérales ». Aujourd’hui, les terroristes qui opèrent directement en Europe justifient leurs actes odieux par les morts causés par l’intervention des puissances occidentales au Proche Orient notamment. Accepterions-nous que la Russie, le Brésil ou même l’Afrique du Sud envoient des soldats et des chars en France pour, mettons, protéger entreprises locales ?
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