L’UE en retard sur ses objectifs d’efficacité énergétique

, par Théo Boucart

L'UE en retard sur ses objectifs d'efficacité énergétique
Kadri Simson, la nouvelle commissaire à l’énergie, aura la lourde tâche d’adapter le système énergétique européen aux ambitions du Green Deal. Source : Parlement européen

Quelques jours après avoir publié les chiffres sur les énergies renouvelables, Eurostat a dévoilé le 4 février dernier les chiffres de l’efficacité énergétique en 2018. L’Union européenne est en retard sur ses objectifs de 2020 et devra intensifier considérablement ses efforts pour atteindre la cible de 2030.

2020, une année charnière pour la politique climat-énergie en Europe. Les premières mesures du Green Deal vont être progressivement dévoilées cette année, en particulier la loi sur la neutralité climatique.

L’initiative phare de la commission d’Ursula von der Leyen ne saurait pourtant faire oublier que 2020 est le premier point d’étape dans l’évaluation du paquet climat-énergie. Ce plan d’action, voté en 2008 et amendé en 2014 et en 2018 pour intégrer des objectifs à l’horizon 2030, est la première stratégie européenne dans le domaine de la transition énergétique.

Celle-ci repose sur trois piliers : la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), le développement des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen et l’augmentation de l’efficacité énergétique.

C’est sur ce dernier objectif qu’Eurostat, l’agence statistique basée à Luxembourg-ville, a publié les progrès mesurés en 2018, à deux ans de la date fatidique. Avec 16% en moyenne, l’UE n’atteindra vraisemblablement pas son objectif de 20% d’efficacité énergétique en 2020.

Objectif complexe

Ou plutôt, les objectifs d’efficacité énergétique. Alors que la réduction des GES et le développement des énergies renouvelables peuvent s’appuyer sur un objectif simple (d’ici 2020, les GES doivent baisser de 20% par rapport à 1990 et les énergies vertes doivent représenter au moins 20% du mix énergétique de l’UE), la mesure de l’efficacité énergétique demeure complexe, en particulier au niveau européen. La notion s’applique en effet à la fois à la consommation primaire et à la consommation finale d’énergie.

Alors que la consommation finale mesure la demande totale en énergie dans un pays, la consommation finale se réfère à l’utilisation des consommateur « finaux » (les entreprises ou les ménages). La différence entre les deux mesures indique par exemple la consommation du secteur énergétique.

Consommation d’énergie primaire entre 1990 et 2018 avec les objectifs pour 2020 et 2030. En 2018, le niveau « d’amélioration » d’efficacité énergétique se situait à 4,9% de l’objectif-2020 et 22% de l’objectif-2030

Consommation d’énergie finale entre 1990 et 2018 avec les objectifs pour 2020 et 2030. En 2018, le niveau "d’amélioration" d’efficacité énergétique se situait à 3,2% de l’objectif-2020 et 17% de l’objectif-2030

L’efficacité énergétique est alors définie par l’optimisation de la consommation énergétique, que ce soit d’un bâtiment ou d’un service économique. Plus la quantité d’énergie nécessaire est faible, plus l’efficacité énergétique est importante. En Europe, on mesure « l’amélioration » de l’efficacité énergétique sur une période donnée par la différence entre deux tendances : l’évolution de la consommation énergétique avec des mesures destinées à économiser l’énergie et ce que serait cette évolution en l’absence de telles mesures.

La directive européenne de 2012 sur l’efficacité énergétique a donc fixé un objectif d’amélioration de l’efficacité énergétique européenne de 20%, par rapport à des projections réalisées en 2007, sur la base de la consommation mesurée en 2005. Ainsi, l’UE doit consommer environ 1480 millions de tonnes équivalent pétrole (si on prend la consommation primaire) en 2020, par rapport aux 1840 MTEP que les projections calculaient, ou bien environ 1085 MTEP (de consommation finale), par rapport au 1300 MTEP projetés.

Dernière complexité, la moyenne des objectifs nationaux peut ne pas être égale à l’objectif européen de 20%. C’est pour cela qu’il y a des différences dans les statistiques, aussi bien dans la consommation primaire que finale.

Hausse de la consommation depuis 2014

Le communiqué de presse d’Eurostat indique que la consommation d’énergie primaire comme finale a légèrement baissée entre 2017 et 2018, mais se situe respectivement à 4,9% et 3,2% en dessous des objectifs de 2020.

Une fois de plus, l’hétérogénéité est considérable au sein de l’Union. La consommation primaire a augmenté dans douze pays, est restée stable dans quatre pays, et a baissé dans les onze restants. Quant à la consommation finale, elle a augmenté dans quinze pays, est restée stable dans six pays, et a baissé dans les six restants.

De manière générale, les pays qui ont vu leur consommation augmenter le plus sont la Lettonie et le Luxembourg, tandis que les « bons élèves » sont à chercher du côté de la Grèce et de l’Allemagne.

L’étude pointe en outre l’augmentation de la consommation énergétique depuis 2014, après une tendance à la baisse entre 2006 et 2014 (durant la crise économique et financière qui a été particulièrement aiguë dans certains pays européens).

Pour connaître les chiffres précis fournis par l’étude, voici le communiqué de presse d’Eurostat (en anglais).

Faible contrainte sur les Etats

L’objectif d’efficacité énergétique est le seul volet du paquet climat-énergie 2020 qui ne soit pas contraignant, c’est-à-dire que les objectifs chiffrés détaillés ne figurent pas dans la législation européenne.

Au lieu de cela, les Etats membres ont dû fixer leurs propres objectifs nationaux indicatifs, en termes de consommation primaire, ou bien de consommation finale (la Commission a également laissé le choix de la mesure aux gouvernement nationaux). Des plans d’action nationaux relatifs à l’efficacité énergétique, assortis de rapports annuels, ont état ainsi mis en place dans chaque Etat.

2030 et 2050 en ligne de mire

Les objectifs de 2020 ne sont qu’une première étape dans la stratégie d’efficacité énergétique européenne. En 2018, la directive sur l’efficacité énergétique a été refondue pour intégrer les objectifs pour 2030 (l’amélioration passe de 20% à 32,5% par rapport aux augmentations tendancielles).

L’UE et les gouvernements nationaux devront intensifier considérablement leurs efforts pour atteindre les objectifs de 2030. Selon la Commission européenne, les objectifs 2020 nécessitent déjà entre 60 et 100 milliards d’euros d’investissements (les flux réels sont malheureusement inférieurs de moitié). Pour 2030, les investissements privés devront être cinq plus nombreux selon le groupe des institutions financières pour l’efficacité énergétique (EEFIG).

Les instruments financiers ne manquent pourtant pas. L’instrument de financement privé pour l’efficacité énergétique(Private Finance for Energy Efficiency en anglais – PF4EE), mené conjointement par la Commission européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI) depuis 2015, en est un exemple probant.

En tant que priorité centrale de la politique climat-énergie européenne, l’efficacité énergétique jouera un rôle décisif dans l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, objectif principal du Green Deal.

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