L’Union et la crise afghane

, par Corentin Vinsonneau

L'Union et la crise afghane

Les récentes crises dans la région du Moyen-Orient, symbolisées par le renversement du gouvernement Afghan, a marqué l’échec de la communauté internationale dans le cadre du maintien de la paix dans cette région. C’est également un échec à plusieurs niveaux pour l’Union européenne, jusqu’ici présente sur ce continent pour contribuer à la paix, apporter son aide humanitaire et favoriser le respect des engagements internationaux du en matière de droits fondamentaux. Pour l’heure, l’Union mesure toutes les conséquences de cette crise et son manque d’autonomie pour venir en aide à cette région gravement touchée par le terrorisme, la corruption et le trafic de drogue et d’armes.

L’échec du maintien de la paix par la Communauté internationale

Kaboul est tombée ! Les tensions de ces dernières semaines par les talibans dans la région ont amené à un renversement du gouvernement en place. Les habitants, terrorisés par des situations de tensions à travers le pays qui ont provoqué de nombreux morts, fuient le pays.

Alors que la communauté internationale s’interroge sur cette situation préoccupante et qu’elle est présente fortement depuis une vingtaine d’années dans la région, la donné n’a pu être inversée. Cela s’explique en partie par une influence réduite des américains dans la région et par le faible poids de l’Union en matière diplomatique. L’Afghanistan connaît depuis son indépendance des situations de crise et l’attentat à l’aéroport de Kaboul a montré que l’Afghanistan reste un foyer pour l’expansion et le développement du terrorisme.

L’instauration du système onusien de promotion de la paix né à la fin du XIXème siècle voit la volonté d’une valorisation de la paix au détriment de la guerre et le développement d’un mouvement d’idées de plus en plus fort qui va promouvoir l’idée d’un ordre national fondé sur la paix. Cela doit conduire à restreindre la guerre dans des limites définies a priori conduisant à terme à la faire disparaître. Or, le développement des trafics d’armes, de drogues et le développement du terrorisme a troublé l’aspiration à cet ordre de paix mondial. Le rôle des Nations-Unies dans cette crise a été durablement important et a été l’objet d’un travail avec les institutions spécialisées pour relever les défis en Afghanistan. La situation chaotique du pays a été montrée du doigt par un rapport du chef de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés en Afghanistan notamment concernant l’aide humanitaire et les moyens qu’il reste à employer. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont coordoné leurs forces ainsi qu’avec d’autres partenaires et organisations régionales dans le cadre du G7 et du G20. Sans succès...

Un échec européen …

La présence européenne sur le sol Afghan remonte à l’après 11 septembre afin de venir en aide aux États-Unis attaqués sur leur sol par Al-Qaïda. Les Etats membres de l’Union ont déclenché à cette époque, en tant que membres de l’OTAN, l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. Celui-ci prévoit que si un membre subit une attaque, tous se considèrent attaqués. La présence européenne dans la région était avant tout stratégique, s’incarnant surtout d’un point de vue militaire et humanitaire. Cet épisode fut la première utilisation de l’OTAN.

L’Union a même développé un fond dédié à la promotion de la paix en Afghanistan. La première phase du projet de soutien à la paix en Afghanistan de l’Union européenne (MSAP UE) a été lancée en juin 2019. L’objectif était clair, respecter l’engagement de l’Union à soutenir le processus de paix afghan. Ce mécanisme de fond a été remis pour une période de décembre 2020 jusqu’à juin 2022 mené par l’Union européenne et le ministère suédois des Affaires étrangères, via l’agence suédoise de coopération au développement international avec une enveloppe globale de 8.154.381 euros.

La crise a marqué un coup d’arrêt global à l’action européenne sur le territoire afghan et dans la région. L’Union, promotrice de la paix et des droits fondamentaux, a raté sa cible. Cela met en exergue le manque de visibilité au niveau international de l’Europe. Il n’y a pas de parole européenne au niveau international. On avait déjà pu le constater avec la crise en Irak faisant apparaître deux Europe, une interventionniste et l’autre non. La non-réponse commune de l’Europe marque ainsi son faible poids diplomatique sur la scène internationale envers les autres puissances mondiales et sa dépendance vis-à-vis des Etats-Unis.

Cela ne remet pas en question l’engagement des Etats membres européens pour la sécurité et la défense des droits fondamentaux des Afghanes et des Afghans. Cela impose des solutions tant opérationnelles que géopolitiques, notamment pour l’accès indispensable à l’aide humanitaire et aux personnels qui en assurent l’organisation et l’acheminement. Mais cela doit également concerner l’accompagnement du respect par l’Afghanistan de ses obligations internationales, notamment en matière de lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue.

L’Europe et le dialogue pour le maintien de la paix et du défis migratoire

L’aide européenne doit passer par un dialogue renoué avec les pays voisins de l’Afghanistan et d’autres pays de la région. Ils n’ont pas tous la même vision géopolitique ou les mêmes normes juridiques et démocratiques mais ils ont une réelle influence sur le maintien de la paix dans la région. L’Union craint toutefois une instabilité si le nouveau gouvernement taliban ne respecte pas ses obligations.

La question de la sécurité est au cœur des préoccupations européennes et le dialogue avec les pays tiers est crucial. Ce dialogue est aussi important à effectuer avec le nouveau gouvernement Afghan, ce qui ne veut pas dire reconnaissance de ce dernier. Une telle reconnaissance se fera si et seulement si le nouveau gouvernement respecte ses engagements multiples.

Ne laissons pas la situation en Afghanistan réécrire l’histoire de la crise migratoire qu’a connue l’Union entre 2015 et 2016. A cette époque c’est plus d’un million de personnes qui sont arrivées dans l’Union européenne, la plupart d’entre elles ayant fui la guerre et le terrorisme qui frappait et frappe toujours la Syrie ainsi que d’autres pays. La position des Etats membres n’était pas la même au vu de l’afflux et l’accompagnement de l’Union dans certains dispositifs a été important. L’Union, à cet effet, collabore avec cinq pays d’origine et de transit importants en Afrique (Éthiopie, Mali, Niger, Nigeria et Sénégal). L’intérêt des pays membres repose aussi sur les erreurs du passé avec un meilleur contrôle des frontières extérieures de l’Union avec la participation de l’agence Frontex.

Au travers de la crise afghane, l’Union européenne est prête à soutenir les migrants fuyant l’Afghanistan comme elle a pu déjà le faire dans le passé. Mais cette aide doit également passer par un soutien aux pays voisins de l’Afghanistan dans l’accueil des réfugiés. Parmi les pays d’accueil se trouve le Pakistan qui compte près de 3 millions de réfugiés mais qui subit depuis quelques semaines des attaques des talibans sur son territoire ce qui rend la région encore plus instable. L’Union devrait débloquer des fonds pour l’Afghanistan et les pays tiers qui accueilleront des réfugiés afin de garantir une aide humanitaire durable.

La question de l’autonomie stratégique de l’Union

Une notion qui tend à s’imposer de plus en plus dans les discours des hauts représentants européens, est celle de l’autonomie stratégique de l’Union. La situation en Afghanistan a montré que l’Europe ne peut pas grand chose seule. La preuve en est, l’intervention quasi systématique des Etats-Unis dans toute crise internationale qui s’est soldée, chaque fois, par un échec. La critique de l’absence d’une réelle diplomatie européenne amène l’Union à revoir toute une partie de sa politique extérieure mais également à chercher à créer un consensus autour de la future création d’une véritable armée européenne, remettant ainsi en question notre adhésion à l’OTAN. Remise en cause basée également sur l’existence d’une alliance internationale, le QUAD (alliance militaire entre les Etats-Unis, Royaume-Uni, Inde et Australie) pour contrer les opérations militaires chinoises en mer de Chine en présence de bateaux militaires français mais sans la faire intégrer l’alliance. Encore un exemple concret de la non-présence européenne sur la scène internationale.

« Cette crise afghane nous impose un exercice grandeur nature d’autonomie stratégique », énonce Charles Michel, président du Conseil européen et ce à juste titre. En outre, comment faire de l’Europe une puissance autonome dans ses interventions extérieure sans l’appel d’autres pays développés et puissants ? Comment faire en sorte de lever notre voix à 27 en n’en formant qu’une seule ? L’Union et ses États membres doivent impérativement peser davantage dans le monde afin de défendre les intérêts européens et nos citoyens présents à travers le globe.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom