Élargissement

La Bulgarie dans l’Union européenne : quels enjeux ?

Regard critique sur le nouvel État-membre.

, par Traduit par Emmanuel Vallens, Teodor Voinikov

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La Bulgarie dans l'Union européenne : quels enjeux ?

Depuis dix-sept ans, la Bulgarie a connu une transformation politique radicale et bénéficie d’une croissance économique durable, d’une stabilité macroéconomique et de perspectives géopolitiques claires. Les problèmes n’en restent pas moins nombreux : faibles salaires, réformes lentes dans les domaines de l’éducation et du système de santé, administration pléthorique, paperasserie, corruption, système judiciaire inefficace, minorité rom importante et non intégrée, nationalisme en plein développement, pour ne citer que les plus importants.

Mais sous la surface, des mécanismes cachés expliquent bien souvent la situation actuelle. Un coup d’oeil rapide sur quelques liens historiques, préjugés, clichés et tendances récentes révèle les spécificités d’une nation en transition et des défis auxquels elle doit faire face.

Un euroscepticisme répandu

Avec l’adhésion de la Bulgarie à l’Union le 1er janvier 2007, 18 nouveaux députés représenteront notre pays au Parlement européen. Ainsi la Bulgarie aura-t-elle sur les questions européennes la même influence que l’Autriche – un pays comparable à la Bulgarie à bien des points de vue, sauf deux : son PIB annuel et le poids qui en découle. C’est un formidable bond dans le temps pour un pays qui, selon la plupart des estimations, aura besoin de plusieurs dizaines d’années pour s’aligner sur la moyenne européenne en termes de salaires et de niveau de vie. Super. Mais cela n’impressionne pas les Bulgares. Pourquoi ?
Premièrement, les médias diffusent des prévisions choquantes d’augmentations rapides de prix dès le 1er janvier.
Deuxièmement, la peur d’être un membre de second rang et d’être relégué dans l’arrière-cour de l’Europe ne sont pas sans effet sur des gens qui ont grandit sous la domination communiste, dans un pays connu comme étant le plus servile de tous les satellites de l’URSS. Bien que ces deux prévisions – une vie chère et un statut de deuxième classe – soient très largement exagérés, ils pourraient alimenter l’euroscepticisme et menacer l’identité bulgare comme sujet politique dans l’Union.

La réalité sans fard

L’un des principaux défis posés à la Bulgarie dans un avenir prévisible concerne le choc entre d’une part la mentalité traditionnelle et les habitudes de travail d’un autre âge et d’autre part les exigences de la modernité. Les Bulgares cherchent un réconfort à leurs difficultés quotidiennes dans un passé lointain, se plongent dans une sensiblerie nostalgique d’une société communiste faite de protectionnisme et de sécurité, et se divisent dans l’attitude à adopter face à la participation d’anciens agents des services secrets dans l’activité économique et politique du jour. Beaucoup ne semblent absolument pas préparés aux exigences d’un environnement de plus en plus mondialisé et concurrentiel, si l’on considère leur faible niveau d’éducation, leurs mauvaises connaissances linguistiques, leur esprit de clocher et leur approche paternaliste de la vie, dont ils ont hérités du régime précédent.

Le débat sur le rôle occupé par le communisme dans l’histoire de la Bulgarie continue, mais l’image est brouillée et encore aujourd’hui, la plupart des gens sont embrouillés par les diverses théories qui circulent dans l’espace public.

L’adhésion de la Bulgarie à l’Union ne mettra pas fin aux interrogations sur l’identité nationale, l’intérêt commun et l’avenir partagé. La Bulgarie n’a pas d’idée claire sur la route qu’elle veut prendre.

Celle d’une économie de service ou d’un paradis du tourisme ? Une pépinière de travailleurs bon marché pour les tigres qui délocalisent ou un cordon sanitaire ? Nous affrontons également une grave crise d’identité. Qui sommes-nous ? Européens ? Bulgares ? Slaves ? Que voulons-nous ? Où allons-nous ? Les concepts d’identité, d’origine et de nationalité doivent être redéfinis dans le contexte de la mondialisation et d’un pluralisme en plein développement.

Des signaux contradictoires

La Bulgarie continue à avoir des difficultés à adopter une attitude cohérente vis-à-vis de ses partenaires en Europe et dans l’Otan. Le gouvernement de coalition tripartite dirigé par le Parti Socialiste a adopté un projet controversé de construction d’une deuxième centrale nucléaire à Belene, et en a attribué la réalisation à une société russe, renforçant ainsi la dépendance de l’économie bulgare vis-à-vis du Kremlin. Cette démarche, qui s’ajoute aux autres concessions faites à la Russie, a conforté les doutes de l’Europe sur la loyauté bulgare et sape les tentatives des États européens pour diversifier leur approvisionnement en énergie et mettre en place une politique commune et pan-européenne de l’énergie. L’élite politique bulgare doit répondre au défi posé par cette approche hypocrite, et inventer une doctrine nationale qui définira clairement l’intérêt de la Bulgarie comme composante à part entière d’un intérêt européen commun plus large. Sans quoi nous ne rempliront jamais nos obligations de partenaire européen et nous nous transformerons en cheval de Troie pour le Kremlin, selon les propres termes (et souhaits) de l’actuel ambassadeur de Russie auprès de l’UE, Vladimir Cijov.

Renouveau nationaliste : un engouement provisoire ?

Les résultats des élections et les sondages de ces dernières années, mis dans une perspective historique, montrent que de plus en plus de Bulgares accordent leurs faveurs aux principes de la « main de fer », aux leaders charismatiques et au populisme pur.

C’est là une menace pour l’avenir démocratique de la Bulgarie et, avec un nationalisme agressif, cela ajoute au spectre politique fragmenté et à la perte de confiance dans les partis politiques traditionnels. C’est à une nouvelle générations d’hommes et de femmes politiques de restaurer la confiance du peuple et d’injecter une nouvelle vie un nouveau sens aux questions politiques.

Un avenir radieux

Pour la Bulgarie, le plus grand défi est de trouver sa vraie place dans l’Union sans perdre son identité, ce qui implique d’assumer son rôle traditionnel de petit pays sans ambition de leadership, tout en restant ferme sur ses droits et ses intérêt, si nécessaire. Il est de la responsabilité d’une nouvelle génération de jeunes décideurs – en politique comme en économie – de mieux tirer parti des ressources de l’État et du potentiel des jeunes pour tracer le chemin d’une société de tolérance et de bien-être social.

Article traduit de l’anglais par Emmanuel Vallens, Rédacteur en chef du Jungstier, Magazin der Europabürger.

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