Un rêve européen qui prend forme
Depuis son adhésion à l’Union européenne en 2007, Sofia aspire à rejoindre le cœur économique européen. Mais ce chemin a été marqué par de nombreux obstacles. Entre corruption, fragilités institutionnelles et instabilité politique, l’échéance a été repoussée au fur et à mesure. Ce n’est qu’en 2020 que la Bulgarie intègre le Mécanisme de change européen (MCE II), l’étape obligatoire avant l’adhésion à l’euro. Depuis, le gouvernement bulgare a mené une politique de rigueur budgétaire, s’efforçant de remplir les critères de Maastricht : inflation maîtrisée, déficit public sous contrôle, dette faible et stabilité monétaire. La Banque centrale européenne salue aujourd’hui « l’engagement sans faille » de Sofia, tout en rappelant la nécessité de lutter contre le blanchiment d’argent et la corruption.
L’euro, promesse de stabilité ou source d’inquiétude ?
À Sofia, le gouvernement du Premier ministre Rossen Jeliazkov se félicite d’un “jour exceptionnel”. L’euro est présenté comme un facteur de stabilité qui attire les investisseurs et permet d’accélérer la convergence économique avec l’Ouest. Pourtant, le débat sur l’euro a révélé de nombreuses divisions. Lors des discussions parlementaires, des scènes de violence ont éclaté entre les députés pro-européens et les élus du parti nationaliste Vazrazhdane, fortement opposés à l’euro.
Dans la rue, l’enthousiasme est également loin d’être unanime. Selon un sondage mené par Alpha Research, 46,5% de la population était en faveur de l’adhésion du pays à l’euro contre 46,8% des sondés qui y étaient opposés. Pour la directrice de l’institut, Boriana Dimitrova, cette prudence face à la monnaie unique s’explique avant tout par une “méfiance envers les institutions”, provoquée par le chaos politique des dernières années. Selon elle, “les pauvres ont peur de devenir encore plus pauvres”. En effet, les craintes sont vives : flambée des prix, perte de souveraineté monétaire, sentiment de ne pas être entendu à Bruxelles. La peur d’une hausse des prix, déjà observée lors du passage à l’euro dans d’autres pays, reste omniprésente.
Le peuple bulgare reste attaché à l’Union européenne, mais il reste en proie à une forme de désillusion. Si la majeure partie des Bulgares estiment que l’UE a eu un impact positif sur leur pays, une grande partie reste tout de même critique sur leur influence réelle sur les décisions européennes. L’UE reste synonyme de stabilité et de protection face aux crises régionales, mais la lenteur des progrès sociaux et la persistance des inégalités nourrissent la défiance bulgare. Les partis nationalistes, comme Vazrazhdane, se nourrissent de ce mécontentement, pour dénoncer une perte de souveraineté et une soumission face aux décisions prises à Bruxelles.
Un message d’union parmi les tensions
Le passage à l’euro s’effectuera à un taux fixe de 1,95583 lev pour un euro, déjà en vigueur depuis 1999. Durant le mois de janvier 2026, les deux monnaies cohabiteront, avant la disparition définitive du lev. Pour prévenir les abus, une vaste campagne d’information a été lancée, afin de rassurer la population et d’éviter toute dérive inflationniste. La Commission européenne et la BCE rappellent que la discipline budgétaire et la poursuite des réformes restent des conditions essentielles à la réussite de cette transition.
L’entrée de la Bulgarie dans la zone euro intervient à un moment où l’Union européenne cherche à renforcer son unité face aux tensions géopolitiques. Pour Bruxelles, cette adhésion peut être perçue comme un signe de confiance dans la capacité du projet européen à s’étendre et à résister aux crises. La Bulgarie, située à la frontière orientale de l’UE, incarne un pont entre l’Europe centrale et les Balkans, et son accession à la monnaie unique pourrait encourager d’autres pays, comme la Roumanie, à accélérer leur propre processus d’adhésion.
L’adhésion à l’euro est saluée par les institutions européennes et le gouvernement bulgare comme une étape cruciale vers la prospérité et une meilleure intégration. Mais elle reste par-dessus tout un pari social et politique. La réussite de cette transition dépendra notamment de la capacité des autorités à protéger le pouvoir d’achat des ménages et de poursuivre les réformes structurelles nécessaires à la stabilité du pays. Les prochains mois seront décisifs pour convaincre une population encore hésitante et assurer une adoption sereine de la monnaie unique.
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