La Commission européenne à l’offensive face aux GAFA

, par La Rédaction du Taurillon

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La Commission européenne à l'offensive face aux GAFA
Margrethe Vestager en conférence de presse pour expliquer la décision de la Commission qui considère injustifié l’arrangement fiscal entre la République d’Irlande et Apple. 4 octobre 2017. © European Union , 2017 / Source : EC - Audiovisual Service / Photo : Lukasz Kobus

Régulation des plateformes en ligne, taxe du numérique, protection des données personnelles : la Commission européenne s’attaque sur tous les fronts aux géants du numérique, GAFA en tête. Une volonté politique qu’on ne peut qu’applaudir, et qui sera capitale dans l’élaboration d’une souveraineté européenne à l’ère du numérique.

Promouvoir plus de transparence et d’équité à l’ère de l’économie numérique : c’est en ces termes que la Commission européenne a présenté le jeudi 26 avril sa proposition de règlement relative aux rapports commerciaux entre plateformes en ligne et entreprises (« platform-to-business » ou P2B) [1]. Les nouvelles règles proposées par la Commission ont pour objectif de mettre en place des obligations accrues en matière de transparence pour les plateformes du Web, ainsi que de créer des voies de recours pour leurs clients en cas de différend. Une proposition bienvenue, qui s’insère dans une stratégie cohérente.

Des normes communes strictes

Cette proposition de la Commission s’applique notamment aux géants américains que sont Google, Facebook et Amazon, au néerlandais Booking.com ou encore aux app stores. Elle vise à protéger les entreprises qui utilisent les services de ces plateformes pour être référencées sur le net, comme les hôtels, les marchands en ligne ou les développeurs d’applications. Selon une enquête Eurobaromètre de juin 2016 [2], près de la moitié des PME interrogées en Europe utilisent les plateformes en ligne pour vendre leurs produits et services.

Avec les nouvelles règles proposées par la Commission, les plateformes du Web seront contraintes de présenter clairement leurs conditions d’utilisation, qu’elles ne pourront modifier sans prévenir leurs utilisateurs. Ceux-ci disposeront alors de quinze jours pour s’adapter aux changements. En outre, toute plateforme qui déciderait de priver un utilisateur de ses services devra désormais justifier sa décision.

Ces nouvelles dispositions revêtent une importance capitale pour toute entreprise en ligne, dont le chiffre d’affaires dépend directement du nombre de visiteurs qui atterrissent sur son site. Combien de fois avez-vous déjà cliqué sur la deuxième, voire la troisième page de votre recherche Google ? La Commission s’empare ainsi du sujet du référencement : l’article 5 oblige les plateformes à expliciter leurs paramètres de hiérarchisation des résultats et à préciser si la rémunération entre en jeu.

Margrethe Vestager, Jedi du numérique

Les abus des plateformes en ligne sont un sujet bien connu de la Commission. Margrethe Vestager, la Commissaire européenne à la concurrence, mène une bataille acharnée contre les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) qui cherchent à contourner les règles européennes. C’est sous son impulsion que la Commission a condamné Google en juin 2017 à payer une amende record de 2,42 milliards d’euros pour abus de position dominante. Le géant américain était accusé d’utiliser son moteur de recherche pour favoriser son propre comparateur d’achat, Google Shopping, au détriment de ses concurrents, qui étaient systématiquement relégués en fin de recherche. La Commission a également ouvert deux enquêtes supplémentaires sur le service publicitaire de Google, AdSense, et sur son célèbre système d’exploitation Android.

En outre, les services de la Commissaire danoise se sont attaqués à une autre spécialité des géants américains du numérique : l’évitement fiscal. Amazon et Apple ont ainsi été condamnés à rembourser 250 millions et 13 milliards d’euros respectivement au Luxembourg et à l’Irlande, considérés par la Commission comme des avantages fiscaux indus. Bien que contestées par les Etats membres en question, ces décisions illustrent à quel point l’échelon européen est adéquat pour combattre le dumping fiscal.

Une stratégie cohérente, autour de valeurs communes

Ces initiatives de la Commission s’insèrent dans une stratégie plus globale résolument tournée vers les consommateurs, les PME et les citoyens. Ainsi, en mars, la Commission a proposé la création d’une « taxe du numérique » [3], afin de mettre à contribution les géants du Web qui exploitent nos données personnelles sans payer d’impôts sur les profits générés. Une proposition très critiquée par l’administration américaine, qui y voit une mesure protectionniste européenne, mais nécessaire au vu des montants effarants qui échappent actuellement à l’impôt.

Ces mêmes données personnelles sont désormais protégées par le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui entrera en vigueur le 25 mai prochain. Un sujet plus que jamais d’actualité depuis le scandale Cambridge Analytica et l’utilisation des données personnelles de 87 millions d’utilisateurs Facebook pour les élections américaines et le Brexit. Mark Zuckerberg en personne a qualifié les règles européennes de « très positives » pour Internet [4]. Les droits en ligne des consommateurs européens ont également été renforcés avec le « New Deal for Consumers », publié le 11 avril dernier par la Commission [5], qui vient compléter la proposition de règlementation des plateformes P2B.

En matière de lutte contre les fake news, la Commission se montre beaucoup plus frileuse. Les mesures contre la désinformation en ligne proposées le 26 avril dernier privilégient l’approche de l’autorégulation des plateformes. La Commission a ainsi publié un « guide de bonnes pratiques » visant à responsabiliser le secteur, de peur d’être accusée d’introduire une forme de censure. La Commission réfléchit actuellement à une approche similaire concernant les contenus nuisibles pour les mineurs, ou encore les contenus terroristes.

Ces initiatives sont aussi bienvenues que nécessaires à l’heure où les rapports personnels comme commerciaux sont régis par les infrastructures essentielles que sont devenues les plateformes en ligne. Le numérique devient enfin une priorité politique de la Commission, comme le montre le nouveau cadre financier pluriannuel présenté mercredi 2 mai. L’élaboration de normes communes fortes en la matière, si elle montre la capacité de l’Union à avancer unie sur des sujets conséquents, est capitale si nous voulons établir une véritable souveraineté européenne à l’ère du numérique.

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