Le spatial et l’UE
L’espace n’est pas un domaine inconnu de l’Europe ni de l’UE. L’instauration d’un commissaire spécialisé illustre les nouveaux enjeux, mais aussi la volonté de la Commission de s’en saisir pour renforcer les acteurs européens. L’UE dispose déjà d’une expertise dans le spatial : elle met en œuvre un programme composé du système européen d’observation de la Terre Copernicus (depuis 1998), du système de navigation par satellite Galileo (depuis 2003), et du service de navigation par recouvrement géostationnaire EGNOS (depuis 2005).
Doté d’un budget de 15 milliards d’euros pour la période 2021-2027, le programme spatial de l’UE inclut également un programme de surveillance de l’espace, ainsi qu’un programme de connectivité lancé en 2023. Ce dernier vise à déployer IRIS² (Infrastructures de Résilience, d’Interconnectivité et de Sécurité par satellite), une constellation de satellites prévue d’ici 2027, pour assurer un service de communication ultra-rapide et sécurisé.
L’Agence spatiale européenne (ESA) met en œuvre ces projets en coordination avec l’UE. Cependant, ce qui fait la force de l’UE constitue aussi sa plus grande faiblesse : les politiques spatiales sont influencées par des logiques nationales concurrentes. Par ailleurs, certains pays ne disposent tout simplement pas de politique spatiale, les rendant dépendants d’acteurs extra-européens.
Des enjeux qui se multiplient
Le spatial devient un secteur de plus en plus disputé, où se multiplient acteurs étatiques et privés. D’après la Commission européenne, près de 11 000 satellites sont actuellement en orbite, et près de 50 000 pourraient être lancés d’ici 2035.
Les cyberattaques se multiplient, avec un coût estimé à plus d’un milliard d’euros pour l’industrie. Ces satellites sont cruciaux pour l’Union européenne, qu’il s’agisse d’observation de la Terre, de télécommunications, de navigation ou d’applications militaires. Ils sont aujourd’hui incontournables pour le fonctionnement des économies et la sécurité des États membres.
Au-delà des satellites, l’ESA estime que plus de 12 400 tonnes d’objets spatiaux orbitent autour de la Terre. Les risques de collision augmentent, compromettant l’efficacité des services spatiaux. D’un point de vue géopolitique, plus de 80 pays ont déjà enregistré au moins un satellite opérationnel.
Un secteur en croissance
Le rapport de Mario Draghi sur le futur de la compétitivité de l’UE présente l’espace comme l’un des secteurs à plus fort potentiel de croissance, mais aussi l’un des plus contestés. La valeur de l’économie spatiale mondiale a atteint 572 milliards d’euros en 2023, et pourrait croître en moyenne de 9 % par an jusqu’en 2035, pour atteindre 1 628 milliards d’euros. Le secteur privé s’impose dans plusieurs domaines de l’espace : par exemple, en 2023, SpaceX a assuré 98 des 109 lancements réalisés aux États-Unis. Toutefois, ce développement ne s’est pas traduit par une véritable ouverture des marchés spatiaux.
Le règlement sur l’espace vise donc à harmoniser les règles, à créer un marché unique et à renforcer la compétitivité des acteurs européens. L’espace devient un secteur stratégique, mêlant enjeux de souveraineté, environnementaux et sécuritaires.
Créer un marché unique
Le règlement s’inspire de deux communications conjointes, la première sur la gestion du trafic spatial (EU Approach for Space Traffic Management) et la seconde sur la stratégie de sécurité et de défense spatiale (EU Space Strategy for Security and Defence).
Ces communications ont mis en lumière la nécessité pour l’UE de légiférer et de proposer un cadre commun. L’objectif du règlement est de créer un marché unique, favorable à la croissance et à l’innovation, en simplifiant notamment les contraintes administratives. Toutes les entreprises sont concernées, dans un objectif de renforcement de l’autonomie stratégique européenne. Le règlement s’applique à tous les acteurs fournissant des services spatiaux dans l’UE.
Trois piliers
La proposition repose sur trois piliers : la résilience, la sécurité et la durabilité. Le nombre croissant de satellites en orbite augmente les risques de collisions et de débris spatiaux, menaçant la continuité des services spatiaux. Le règlement instaure des normes communes de gestion du trafic spatial.
La nouveauté du texte est la prise en compte de l’empreinte environnementale des activités spatiales. Il introduit une méthodologie européenne avec des critères de cycle de vie et de durabilité pour mieux la mesurer et la contrôler. Enfin, le règlement établit une base juridique commune, garantissant une égalité d’accès au marché spatial. Une obligation de certification est prévue, avec des sanctions pouvant aller jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires de l’entreprise en cas de non-respect.
Le règlement sur l’espace proposé par la Commission européenne illustre sa volonté de s’emparer de nouveaux enjeux stratégiques et de renforcer la position de l’UE dans un monde en mutation, où tous les secteurs deviennent des champs de concurrence. La proposition législative sera négociée dans le cadre de la procédure législative ordinaire par le Parlement européen et le Conseil.
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