La crise passion de la PAC 2023

, par Corentin Vinsonneau

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La crise passion de la PAC 2023

La nouvelle politique agricole commune (PAC) doit entrer en vigueur en janvier 2023, mais les débats sont tumultueux au sein des institutions européennes. Entre le choix fait par la Commission de donner un rôle accru aux États membres dans l’élaboration de la PAC dans le cadre du plan stratégique national, les débats sur les contours de la PAC ne manquent pas d’animer les débats. En Juin 2021, un accord politique a été conclu entre le Parlement européen et le Conseil permettant d’ouvrir la voie à une politique plus responsable, équitable, prenant en compte le “Green deal” et le bien-être animal. La nouvelle PAC garantira une meilleure répartition des aides. Ce dialogue institutionnel des 24 et 25 juin a donc permis d’obtenir un accord commun sur les textes de la PAC 2023-2027.

Les dessous d’une véritable entente sur la PAC

Le vote de la PAC en première lecture n’ayant pas reçu l’approbation du Parlement européen, la Commission a permis d’ouvrir la voie à une approche plus étatique. Les États membres étant chargés d’élaborer un plan stratégique national pour la mise en œuvre de la PAC sur leur territoire au cours des cinq prochaines années. Cette possibilité laissée à la discrétion des États permettra de prendre en considération leurs spécificités. Ces derniers ont jusqu’au 31 décembre 2021 pour soumettre leur plan stratégique devant être validé par la Commission qui disposera alors d’un délai de 6 mois pour les évaluer et les approuver. Un rapport annuel de performance devra être présenté par les États membres à la Commission dès la première année après la mise en place de la nouvelle PAC. L’exécutif européen procédera à un examen de la performance des plans stratégiques relevant de la PAC en 2025 et 2027, et pourra demander aux États membres de prendre des mesures correctrices. L’idée est de réguler ce marché, de rééquilibrer le secteur agroalimentaire, et de retrouver la gouvernance alimentaire européenne. Le marché veut renforcer la compétitivité des agriculteurs. La future PAC reste orientée vers les besoins du marché, à savoir que les agriculteurs de l’Union européenne s’adaptent aux signaux du marché tout en tirant parti des possibilités offertes par le commerce hors Union. Il faut noter que l’accord obtenu en juin a été validé par les ministres de l’agriculture réunis à Luxembourg le 28 juin, qui notons-le, étaient farouches à l’idée de placer sous le même prisme la PAC et le Green deal.

Une PAC au service de l’environnement

Les négociations ont abouti à l’intégration du “Green deal” dans la PAC. Frans Timmermans, vice-président de la commission, a déclaré que « Durant les négociations, la Commission a œuvré pour faire en sorte que la nouvelle politique agricole commune puisse soutenir le pacte vert. L’accord conclu aujourd’hui marque le début d’un véritable tournant dans la manière dont nous pratiquons l’agriculture partout en Europe…. ». La PAC permettra de prendre en considération les préoccupations sociales, les États membres devant respecter certains aspects du droit du travail européen afin de pouvoir recevoir des aides européennes. Ils redistribueront au moins 10 % de ces aides au profit des petites exploitations. Le soutien aux jeunes agriculteurs est accentué, puisque les États doivent maintenant leur réserver au minimum 3 % de leur enveloppe d’aide, y compris les aides à l’investissement et à l’installation. Le climat, l’environnement et le bien-être animal ne sont pas laissés de côté. La nouvelle PAC intégrera parfaitement la législation européenne en matière environnementale. Elle permettra une mise en œuvre conforme du pacte vert et de ses stratégies « De la ferme à la table » et « Biodiversité ». C’est en répondant de façon cohérente aux politiques environnementales et de biodiversité que les exploitants pourront obtenir les aides, restant à la charge des États de proposer des programmes écologiques sur leur territoire. Ainsi, dans chaque exploitation, au moins 3 % des terres arables seront consacrés à la biodiversité et à des éléments non productifs, avec la possibilité de recevoir une aide par l’intermédiaire de programmes écologiques pour atteindre 7 %. Le nouveau système permettra de récompenser les acteurs agricoles qui adoptent des pratiques vertueuses pour le climat et l’environnement.

Une répartition des aides plus adaptées face à la concurrence

L’accord conclu répond à un besoin de renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire, en offrant à ces derniers davantage de moyens pour être compétitif et faire face à la concurrence. La PAC doit répondre au maintien du secteur agricole en Europe contre les importations massives des autres pays étrangers via les aides de la PAC. Lors de cette négociation s’est posée la question de la mise en place d’une véritable législation spécifique sur les résidus de pesticides interdits en Europe présents dans les produits importés à la charge de l’Union. Ce débat est d’autant plus légitime dans la mesure où l’Union interdit de nombreux pesticides mais conserve une dépendance à l’importation agricole encore importante comme l’attestent les importations de soja du Brésil et des États-Unis, héritage du plan Marshall, ou encore certains fruits parcourant de nombreux kilomètres impropres à notre santé. Cependant, l’UE elle-même est dans la tourmente avec l’utilisation des pesticides et la question de la réautorisation du glyphosate. Une nouvelle réserve agricole sera introduite pour financer les mesures de marché en temps de crise, dotée d’un budget annuel d’au moins 450 millions €. La nouvelle aide éco-régimes, est fixée à 25 % du budget du premier pilier, avec la possibilité pour les États de ne faire que 20 % en 2023 et 2024. À partir de 2025, si les 25 % ne sont pas atteints, les fonds pourront abonder le budget des éco-régimes d’ici 2027 ou être transférés vers des mesures du second pilier en faveur du climat et de l’environnement. Du côté du second pilier, 35 % du budget est réservé à l’environnement et au climat. Ces aides doivent permettre de solliciter les agriculteurs mettant en œuvre des pratiques vertueuses de l’environnement. L’idée est de revenir vers une politique alimentaire « de la ferme à l’assiette ». Une seule critique peut être envisageable, si l’idée est de renforcer la concurrence des agriculteurs européens et réguler ce marché, et ainsi retrouver notre souveraineté alimentaire sur le vieux continent, à quoi bon continuer de signer des accords de libre-échange abordant les questions alimentaires. L’idée germe depuis quelque temps de faire évoluer les accords de libre-échange entre l’Union européenne et les pays tiers.

L’application par le gouvernement français de la PAC : le mouvement des agriculteurs bio

L’application par le gouvernement français et plus précisément du ministère de l’Agriculture de la PAC dans leur plan stratégique national concernant les aides aux agriculteurs bio a suscité de nombreux cris d’alarmes de cette filière. Pour les agriculteurs bio c’est l’effroi, la France ne soutiendra pas davantage l’agriculture bio. Pour eux, elle n’en prend pas le chemin, car à l’entrée en vigueur de la PAC 2023 les aides européennes dont ils bénéficient seront divisées par deux, selon un scénario prêté au ministère de l’Agriculture par la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Les agriculteurs bio estiment qu’en perdant ces aides au bio, ils ne pourront pas rivaliser avec leurs rendements inférieurs à ceux de l’agriculture consommatrice d’engrais et pesticides chimiques. Dans la nouvelle version des aides, le Gouvernement Français prévoit en effet une augmentation des aides à la conversion mais ne versera plus d’aide au maintien au bio. Cependant, l’aide de base du premier pilier la PAC sera revalorisée. L’une des principales nouveautés de la prochaine PAC réside dans l’instauration d’un « éco-régime ». Il est prévu de conditionner le versement de plus ou moins un quart des aides directes à des pratiques vertueuses sur le plan environnemental. Cet éco-régime remplacera le « paiement vert » qui était accordé à de nombreux agriculteurs bio. L’idée de la politique agricole française est d’augmenter le nombre d’exploitations biologiques avec une augmentation des certifications environnementales afin d’augmenter l’offre de bio en France et ainsi faire diminuer de facto les prix au vu de la demande toujours en augmentation sur ce type de produit. Pour la FNAB, l’éco-régime ne permettra pas de compenser la perte du paiement vert issu de l’ancienne PAC. Elle juge en outre que l’accès à l’éco-régime n’est pas assez sélectif. Le ministre de l’Agriculture français, Julien Denormandie promet en effet un éco-régime accessible à au moins 70 % des agriculteurs français. Le gouvernement a également activé des leviers afin de soutenir l’agriculture biologique (crédit d’impôt, augmentation du fonds avenir bio via le plan de relance).

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