Une Histoire franc-comtoise…et bourguignone, et autrichienne, et espagnole, et française
La région franc-comtoise n’a pas toujours été française, loin de là. La Franche-Comté n’est liée à la France que depuis le XVIIème siècle. Avant, elle a connu une relative autonomie au sein des Etats bourguignons, un ensemble de territoires unis sous la bannière des Valois-Bourgogne, de Besançon jusqu’aux actuels Pays-Bas. Au sein de cet ensemble, la Franche-Comté possédait un statut particulier : dépendance d’un vassal du Roi de France, elle était également soumise à l’autorité de l’Empereur du Saint-Empire romain-germanique.
Cette double vassalité prit fin lors d’un bouleversement européen : la mort de Charles le Téméraire. Cet événement partagea les territoires bourguignons entre la France et l’Autriche : la Bourgogne et les Flandres au Roi de France, les Pays-Bas et la Franche-Comté à l’Empereur d’Autriche. Dès lors, les Habsbourgs d’Autriche (1477-1530) puis la Couronne espagnole (1530-1674) ont dominé la Franche-Comté. Loin d’être passifs, les Franc-Comtois ont participé à l’administration de leur territoire, disposant alors d’une large autonomie de la part de Vienne puis de Madrid ; mieux, certains possédaient une place centrale dans le maillage administratif espagnol. Ce fut ainsi le cas de Nicolas Perrenot de Granvelle, né à Ornans, il réussit à se hisser au titre de Chancelier et garde des Sceaux du Saint Empire de Charles Quint.
Dès lors, la France et l’empire des Habsbourgs vont entrer dans des guerres successives et destructrices qui se concluront pour la Franche-Comté, à la conquête de la province par la France en 1674.
Depuis, la Franche-Comté resta française bon gré mal gré les péripéties historiques. La province est alors séparée de l’espace germanique et alpin qui avait fait sa singularité. Aujourd’hui, la région comtoise a été fusionnée à la Bourgogne voisine, et rivale. Une fusion qui n’empêche pas Besançon d’être plus près (du moins géographiquement) de Francfort et de Milan que de Paris. Le territoire reste frontalier, non plus de la France ou de l’Allemagne, mais de la Suisse. Faisant d’elle un véritable carrefour européen : entre l’Union européenne et la Suisse, et entre les espaces rhénan et rhodanien.
Franche-Comté : la tentation nationaliste française
Malgré son histoire (on l’a vu) européenne, la Franche-Comté semble perdre peu à peu son identité européenne.
Comme l’indique un sondage commandé par nos confrères de Ouest France, les habitants de la région Bourgogne-Franche-Comté étaient seulement 54% à se dire “fiers d’être Européens”, un pourcentage en-deça des près de 60% de Français à se déclarer comme tels. L’évolution n’est pas non plus rassurante, puisque le nombre de personnes se déclarant “fiers d’être Européennes” diminue enquête après enquête.
Un chiffre à mettre en lien avec celui du vote nationaliste en Franche-Comté. A la suite des élections législatives de 2024, cinq des douze députés élus de Franche-Comté étaient issus du Rassemblement national, faisant du parti d’extrême droite le premier parti de la région, en siège comme en voix. Le parti nationaliste a gagné cette région rurale, dans les zones les plus paupérisées comme en Haute-Saône, mais également dans des territoires dynamiques et plus favorisés comme l’espace industriel de Belfort-Montbelliard ou le Haut-Doubs, frontalier de la Suisse.
Une dynamique politique qui pose une question : au-delà du mécontentement des Franc-Comtois pour la politique intérieure française, la Franche-Comté aurait-elle perdu une partie de son âme européenne ?
Une Europe bien présente et nécessaire
Malgré ce constat politique relativement récent, l’Europe est plutôt bien perçue par les Franc-Comtois, elle est même devenue omniprésente, voire nécessaire pour les défis auxquels leur région doit faire face.
Entre 2021 et 2027, la région dans son ensemble a perçu et percevra 739 millions d’euro de subventions européennes au titre des fonds de l’UE du Feder, du FSE+, et du Fedear. Des aides vouées à développer les projets liés à l’innovation et à la recherche, ainsi qu’au développement des PME et à la transition énergétique et environnementale de la région, auxquels il faut bien évidemment ajouter les subventions de la PAC pour cette région essentiellement rurale et agricole.
Ces subventions sont à l’image de l’Union européenne pour la région : critiquées, mais toujours bienvenues. Car oui. L’Union européenne a beau être critiquée, elle n’en reste pas moins la bienvenue au regard des défis que laisse présager le présent et le futur pour la Franche-Comté. Le région comtoise est soumise à de nombreuses problématiques liées à la protection de l’environnement et de la biodiversité, à l’image de l’effondrement de la biodiversité et de la qualité des eaux franc-comtoises, liées à l’agriculture, comme le démontre les sécheresses dans les terres agricoles haut-saônoises, ou encore liées à l’attractivité économique de la régions par le développement de ses infrastructures et de ses liens transfrontaliers avec la Suisse.
Dans tous ces domaines, l’Union européenne est devenue essentielle. Et la Franche-Comté ne pourra les dépasser que par son soutien, par la résilience franc-comtoise. La Franche-Comté peut-elle retrouver une partie de son âme européenne ?
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