Une annonce choc dans un contexte diplomatique tendu
État-partie de la Cour pénale internationale depuis le 30 novembre 2001, la Hongrie de Viktor Orban a annoncé ce jeudi 3 avril 2025 sa volonté de se retirer du Statut de Rome. Cette annonce s’inscrit dans le contexte de la visite de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, qui a fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI le 24 novembre 2024 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Une décision que le gouvernement magyar a, à plusieurs reprises, dénoncée. Bien que le mandat n’ait pas été rendu public, les États-parties sont tout de même tenus de le livrer à la CPI.
« La Cour pénale internationale s’est discréditée non seulement elle-même, mais aussi l’ensemble du système judiciaire international par sa décision ouvertement antisémite de délivrer un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Szijjártó dans un communiqué.
Si cette annonce a pu en choquer certains, elle résonne néanmoins avec la ligne politique suivie par le Premier ministre hongrois. De la visite au Kremlin début juillet 2024, à la visite du chef du Gouvernement israélien, la Hongrie d’Orban ne se cache plus de son rapprochement avec des régimes ou personnalités controversés, au risque d’irriter ses voisins européens.
Un retrait à la portée juridique limitée
Néanmoins, et à l’image d’un grand nombre d’organisations internationales, il ne faut pas oublier que le retrait d’un traité international est souvent plus complexe qu’il n’y paraît.
Dans le cas de la CPI, la procédure de retrait est prévue dans l’article 127 du Statut de Rome, mais doit d’abord passer par une procédure nationale, comme pour tout retrait d’un traité international. Ainsi, la Hongrie devra attendre le vote du Parlement prévu pour fin mai, avant de notifier officiellement les Nations Unies de sa volonté de sortir du Statut (article 127 (1) du Statut). Une fois les Nations Unies informées, la Hongrie restera membre de la CPI pendant un an et restera soumise à ses obligations d’État-partie (article 127 (2) du Statut).
Qui plus est, en se retirant du Statut de Rome, la Hongrie ne pourra plus être condamnée pour des crimes d’agression (article 15 bis (5) du Statut), bien qu’à ce jour, la Hongrie ne fasse l’objet d’aucune accusation ni enquête.
Il est cependant évident que le Gouvernement hongrois est conscient de la procédure de retrait, ce qui laisse penser que cette annonce n’a pas vocation à avoir des effets immédiats, mais se fonde principalement sur des raisons politiques et diplomatiques, au profit du renforcement des relations hongro-israéliennes, voire hongro-russes.
Une décision aux implications politiques inquiétantes
Un retrait complet ferait de la Hongrie le troisième État-partie à dénoncer le Statut de Rome, suivant les exemples du Burundi en 2017 et des Philippines en 2019.
La sortie de la Hongrie du Statut de Rome en dit long sur la conception de l’État de droit et la place accordée au droit international. Le Statut de Rome ne prévoit d’ailleurs aucun moyen concret de sanction ou de contrainte dans le cas où un État-partie ne coopère pas avec la CPI, en dehors de voies diplomatiques. On a pu dernièrement constater cette absence de sanction à la suite de la visite de Vladimir Poutine en Mongolie (État-membre de la CPI). Cela conforte l’hypothèse d’un geste diplomatique en faveur d’Israël, voire d’un rapprochement avec la Russie.
Cette situation préoccupante illustre un tournant autoritaire de la Hongrie et fragilise l’avenir de la CPI. Si la Hongrie est un des premiers États, qui n’est pas visés par des accusations de la CPI, à s’opposer de cette manière à la Cour et par conséquent, à l’ordre international, d’autres États pourraient être tentés de suivre cet exemple, affaiblissant davantage l’autorité de la CPI.
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