La Hongrie durcit son arsenal législatif contre les droits des personnes LGBTQ+
En 2021, le Parlement hongrois a adopté une loi visant à interdire la « promotion » de l’homosexualité et du changement de sexe auprès des mineurs. Présentée par le gouvernement comme une mesure de protection de l’enfance et de lutte contre la pédophilie, cette loi interditpour les moins de 18 ans « la pornographie ainsi que les contenus qui représentent la sexualité ou promeuvent la déviation de l’identité de genre, le changement de sexe et l’homosexualité ». Concrètement, elle interdit la représentation des personnes LGBTQ+ ou des relations impliquant des mineurs dans l’éducation, les médias et la publicité. Par ailleurs, les livres contenant des représentations de relations homosexuelles doivent, suite à cela, être vendus emballés et scellés sous film plastique dans les librairies.
Cette politique répressive s’est une nouvelle fois accentuée en mars 2025, lorsque le Parlement hongrois a approuvé un texte visant à bannir la marche des fiertés. Le texte « interdit la tenue d’un rassemblement qui violerait la législation » de 2021 et autorise les autorités à utiliser un logiciel de reconnaissance faciale afin d’identifier les participants et ainsi leur infliger des amendes. Même si la marche n’est pas formellement interdite, y participer sera considéré comme une infraction. Ainsi, la participation à la Pride de Budapest, prévue le 28 juin, pourra entraîner une amende allant jusqu’à 200 000 forints hongrois, soit environ 500 euros. De plus, le gouvernement hongrois a publié, ce vendredi 6 juin, un décret interdisant l’affichage de symboles évoquant les minorités sexuelles sur les bâtiments publics.
Un virage autoritaire au nom des « valeurs chrétiennes traditionnelles »
Pendant longtemps, la Hongrie était l’un des pays les plus progressistes d’Europe de l’Est en matière de droits LGBTQ+. L’homosexualité y avait été dépénalisée au début des années 1960 et l’union civile entre conjoints de même sexe reconnue dès 1996. Cependant, depuis son retour au pouvoir en 2010, le premier ministre hongrois Viktor Orbán a adopté une ligne conservatrice marquée par un durcissement progressif de la législation. Le Premier ministre justifie cette répression en invoquant la défense des « valeurs chrétiennes traditionnelles » face à ce qu’il qualifie de « libéralisme occidental ».
La législation de 2021 s’inspire largement des législations russes sur la « propagande anti-LGBTQ+ ». Depuis 2013, la loi russe punit la promotion de l’homosexualité auprès des mineurs, et depuis 2022, toute forme de « propagande » LGBTQ+ est interdite. La Hongrie de Viktor Orbán cultive par ailleurs une proximité avec la Russie, qu’il met en avant pour affirmer son opposition à l’Union européenne, en étant, par exemple, le seul pays à s’opposer à la demande d’adhésion de l’Ukraine.
L’Union européenne réagit aux atteintes hongroises aux droits fondamentaux
Membre de l’Union européenne depuis 2004, la Hongrie est soumise à la Charte des droits fondamentaux de l’UE, qui interdit toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. La loi hongroise de 2021 fait ainsi l’objet d’une action en justice devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), lancée conjointement par la Commission avec 16 États membres ainsi que le Parlement européen. Dans un avis juridique rendu ce 5 juin, Tamara Ćapeta, une avocate générale de la CJUE, soutient cette procédure et estime que la loi hongroise viole le droit européen. Elle considère qu’elle constitue une atteinte directe à plusieurs dispositions protégées par la Charte des droits fondamentaux de l’UE, comme la non-discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, le respect de la vie privée, la liberté d’expression et la dignité humaine. Bien que cet avis ne soit pas juridiquement contraignant, si les juges de la Cour partagent l’avis de Tamara Ćapeta, la Hongrie pourrait être obligée de modifier sa législation et risquer des sanctions financières.
En mai, dans une lettre, 26 eurodéputés issus de la gauche, de la droite et du centre ont appelé la Commission à geler tous les fonds destinés à la Hongrie, accusant le gouvernement de « violations » répétées des lois européennes, en particulier à travers l’interdiction des marches des fiertés. En outre, 20 pays de l’Union ont signé une déclaration commune dénonçant l’interdiction de la Pride de Budapest, affirmant qu’elle enfreint le droit de l’UE, notamment les valeurs du respect de la dignité humaine, de la liberté, de l’égalité et du respect des droits de l’homme, telles qu’énoncées à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne. Ces Etats exigent la levée de l’interdiction et appellent la Commission européenne à utiliser pleinement sa boîte à outils en matière d’Etat de droit si la Hongrie ne modifie pas sa législation. En cas de condamnation, Budapest pourrait être exposé à une lourde amende et faire face à une procédure pouvant aller jusqu’à la suspension de ses droits de vote au sein du Conseil de l’Union, conformément à l’article 7 du Traité sur l’Union européenne.
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