La journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité

Article paru à l’occasion du 76ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz

, par Caroline Laforgue, Stefan Preiss

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La journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l'humanité
Arrivée au camp d’Auschwitz. Crédits : Stanislaw Mucha

Le 27 janvier qui marque l’anniversaire de la libération du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau est commémoré chaque année comme « la journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste ». A cette occasion, on souligne l’importance des valeurs telles que la paix, la tolérance et l’égalité en rappelant le côté sombre de l’histoire du XX siècle : celle d’un siècle de génocides.

Rendue possible par le progrès scientifique et technologique en combinaison avec la prépondérance intellectuelle des théories raciales et du nationalisme, l’extermination systématique d’ “un groupe ethnique, national, racial ou religieux” (d’après l’ONU) est une caractéristique du siècle dernier. C’est en 1943 que le juriste polonais Raphael Lemkin utilise le terme pour la première fois pour définir les crimes commis dans les camps de concentration nazis sur le territoire polonais. En 1948, les Nations-Unies passent la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui définit et condamne le génocide.

Les génocides officiellement reconnus comme tels sont les suivants :

Le premier génocide du XX siècle est aussi le plus ignoré : l’extermination des peuples des Hereros et des Namas par des militaires allemands dans la colonie d’Afrique du Sud-Ouest allemand, aujourd’hui Namibie, entre 1904 et 1908. En réaction à des soulèvements de ces peuples contre le colonialisme, 60 000 personnes ont été poussées au milieu du désert où elles mouraient de faim. Les survivants finissaient souvent dans des camps de concentration. L’Allemagne a reconnu ce génocide, mais des divergences politiques persistent concernant le paiement des réparations.

Pendant la Première guerre mondiale se produisit le génocide des Arméniens dans l’Empire ottoman. Les Arméniens avaient vécu partout en Orient pendant des siècles comme minorité, mais avec la montée du nationalisme chez la population turque et musulmane majoritaire et une attitude hostile envers les minorités chrétiennes, des pogroms se multipliaient à la fin du XIX siècle. Pendant la guerre, les Arméniens ont été soupçonnés d’espionnage pour la Russie. Le gouvernement des Jeunes-Turcs commence la déportation systématique des Arméniens en 1915 : La plupart des victimes meurent pendant des marches de la mort ou sont abandonnées dans le désert. Le nombre de victimes est globalement estimé à 800 000 personnes. Les Arméniens ont obtenu une reconnaissance internationale de ce génocide grâce au travail de la diaspora, très nombreuse dans le monde. En revanche, la Turquie ne reconnaît pas ce génocide et parle de mesures adéquates en temps de guerre.

Pour l’État arménien fondé en 1920 et qui regagne son indépendance en 1991, la mémoire du génocide est très marquante, par exemple pendant le conflit actuel avec l’Azerbaïdjan voisin qui est étroitement alliée avec la Turquie. En lien avec ces événements, on peut se souvenir également du génocide assyrien, qui s’est produit pendant la même période, et qui a coûté la vie d’environ 250 000 chrétiens de diverses confessions en Syrie et en Anatolie.

La Shoah ou Holocauste, l’extermination des juifs européens par l’Allemagne nazie et ses alliés peut-être quasiment considérée comme un paradigme des atrocités du XX siècle et occupe une place particulière parmi les génocides à cause de l’efficacité industrielle et de la précision technocratique avec laquelle elle a été organisée. Après des mesures antisémites consécutives depuis la prise du pouvoir du régime nazi en Allemagne en 1933, l’extermination systématique de la population juive commence en 1941 avec l’attaque militaire contre l’Union soviétique et ne se termine pas avant la libération des camps de concentration par les armées alliées début 1945.

Pendant que les camps d’extermination avec leurs chambres à gaz comme Sobibor, Treblinka ou notamment Auschwitz sont devenus des symboles des atrocités de la Shoah, il est à noter que presque deux tiers des victimes ont été fusillées par des commandos militaires. Au total, 6 millions de juifs sont tués pendant la Shoah et la culture juive de l’Europe centrale a presque été anéantie. Plutôt ignoré par le grand public dans l’après-guerre immédiate, une forte médiatisation a fait que les horreurs de la Shoah sont un élément central de la mémoire historique allemande, européenne et mondiale. En lien avec la Shoah, il y a également le génocide des Roms en Europe, appelé porajmos (engloutissement) avec 200 000 victimes et le génocide commis par le régime collaborationniste et fasciste de l’Oustacha en Croatie qui a coûté la vie à 200 000 Serbes, juifs et roms.

Le génocide au Rwanda en 1994 a été commis par le gouvernement et des milices issues de l’ethnie des Hutus envers la minorité des Tutsis. En l’espace de trois mois, 800 000 Tutsi, ce qui équivaut à 75 % de leur population totale dans le pays, ainsi que des Hutus qui ne voulaient pas participer aux massacres ont été tués. Le fait que ces massacres ont été en partie commis avec de simples couteaux évoquent une idée de barbarie et sauvagerie propre à l’Afrique. Cependant, le conflit entre Hutus et Tutsis est loin d’être un combat ancien de tribus, mais est un conflit social qui trouve ses origines dans une politique de « divide et impera » des pouvoirs coloniaux européens. Quelques années avant, les mêmes problématiques avaient déjà été la cause de deux événements au Burundi voisin, qualifiés eux aussi de génocides, où des Tutsis ont tué entre 100 000 et 300 000 Hutus en 1965 et en 1972.

Le massacre de Srebrenica en 1995 est le triste paroxysme de la guerre sanglante qui a opposé Serbes, Croates et Bosniaques pendant le processus de démembrement de l’ancienne Yougoslavie à partir de 1991. Des milices serbes massacrent 8000 Bosniaques, notamment des hommes, de confession musulmane, pendant que les soldats envoyés par les Nations-Unies (Casques bleus), pour la plupart des Néerlandais, restent inactifs.

Parmi les génocides du XX siècle, on peut aussi citer les massacres commis par le gouvernement pakistanais et des milices islamistes au Pakistan oriental, aujourd’hui le Bangladesh, contre les partisans de l’indépendance et notamment contre la minorité religieuse des Hindous en 1971-1972 avec 3 millions de morts. Encore moins connu est le génocide des tribus arabes de la région de Cyrénaïque en Libye commis par l’Italie fasciste pendant l’expansion coloniale de ce dernier qui a coûté la vie de 60 000 à 70 000 personnes entre 1927 et 1934. L’Ukraine s’engage pour que le Holodomor soit également inclus dans la liste des génocides reconnus officiellement. Cette grande famine en 1932 et 1933 causée par la politique stalinienne contre les paysans ukrainiens a causé la mort d’au moins 2,5 millions de personnes et elle a eu des conséquences traumatisantes sur le pays.

Des efforts considérables ont été faits par les Nations-Unies ainsi que par de nombreuses ONG pour sanctionner des génocides et éviter que de tels crimes se reproduisent. En 2003 a été fondée la Cour pénale internationale à La Haye pour juger des responsables politiques ou militaires qui ont contribué à commettre des génocides, mais des grands pouvoirs comme les Etats-Unis, la Russie, la Chine ou l’Inde n’ont pas ratifié le statut de cette Cour. C’est aussi sur cette volonté d’éviter que des génocides se reproduisent en Europe qu’a été fondée l’Union européenne : L’historien Tony Judt définit la mémoire de la Shoah et la proscription des génocides comme un élément constitutif d’une identité commune européenne. Des cas très récents comme le génocide commis par la milice djihadiste Daesh (« Etat islamique ») envers les Yézidis, minorité religieuse au nord de l’Irak, qui a coûté la vie de 5000 personnes en août 2014, ou encore le traitement des Ouïghours en Chine occidentale montrent que le spectre du génocide n’est malheureusement pas banni de notre monde.

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