La Transylvanie, une « Suisse de l’Est »
La Transylvanie est une région roumaine séparée du reste de la Roumanie par sa géographie mais également par son Histoire. En effet, elle est encerclée d’un côté par les frontières nationales de l’Ukraine, de la Hongrie et de la Serbie, et de l’autre par la chaîne montagneuse des Carpates qui la sépare du reste de la Roumanie appelé Regatul ou Roumanie moldavo-valaque. Cette séparation géographique s’accompagne d’un changement de paysage de part et d’autre des Carpates : d’un côté des plaines et de l’autre, en Transylvanie, des forêts d’où elle tire son nom, « au-delà des forêts » en latin « trans sylvam ».
La Transylvanie a, de par cette différence géographique, une histoire bien différente de la Roumanie moldavo-valaque. En effet, cette région a longtemps été sous domination de la famille impériale d’Autriche, les Habsbourg, qui ont contrôlé la Transylvanie, d’abord par l’Empire puis par l’intermédiaire du Royaume de Hongrie, composante de la monarchie bicéphale austro-hongroise. Dès lors, les notables saxons (allemands et autrichiens) et magyars (hongrois) vont diriger le territoire au détriment de la population roumaine pourtant majoritaire. C’est la Première Guerre mondiale qui vient chambouler l’ordre établi. L’empire des Habsbourg s’effondre et laisse place à une multitude d’états nations, qui par une longue histoire de mélanges de cultures, demeurent plurinationaux. La Transylvanie se rattache alors à la Roumanie, officieusement par le plébiscite de 1918, officiellement par le traité du Trianon de 1919. Le territoire espère ainsi conserver une certaine autonomie notamment en mettant en avant ses aspects particuliers et plurinationaux. La Transylvanie compte alors des roumains, des magyars, des saxons, des roms, des ukrainiens, des polonais, des slovaques, des serbes, et plusieurs confessions : orthodoxes, catholiquess juifs en faisant un “espace” pluriethnique et pluriconfessionnel. Or, ce souhait va se heurter à la tradition jacobine de la Principauté de Roumanie, devenue « République socialiste de Roumanie » suite au second conflit mondial. La Transylvanie est alors partagée en 16 Județe, des circonscriptions administratives, et se retrouve roumanisée et centralisée par la dictature communiste de Ceausescu. La chute de la dictature et du communisme va remettre au centre du débat les projets d’autonomie voire d’indépendance de la région.
L’indépendance, un fantasme plus qu’une réalité
La région transylvanienne est la partie la plus développée et la plus riche de Roumanie. De plus, le refus de l’autonomie par les dirigeants roumains, les crises politiques à répétition de l’État central et le particularisme culturel et géographique de la région poussent certains transylvains à souhaiter l’indépendance de leur territoire. On pourrait alors penser que la montée des nationalismes et des régionalismes partout en Europe, et notamment en Europe centrale, cause prochainement son indépendance. Or, il n’en est rien. Cela est dû à plusieurs facteurs mais à un particulièrement : il n’existe pas à proprement dit de « nationalisme transylvanien » (à l’exception de certaines opinions très minoritaires).
En effet, comme nous l’avons rappelé, il a existé différentes nationalités - et il existe encore bien que dans des proportions bien moindres - différentes nationalités qui cohabitent au sein de la région, mais aucune ne souhaite réellement l’indépendance de la région tout entière par peur de se retrouver marginalisé au détriment d’un autre groupe ethnique. C’est ainsi que les différentes personnalités politiques transylvaniennes, notamment roumaines ou saxonnes comme le Président de la République Klaus Ioahnnis, refusent tout débat sur la sécession du territoire qui plongerait l’ensemble des transylvains dans l’incertitude, lui préférant un statu quo imparfait mais dont les répercussions sont connues.
Le choix de l’autonomie !
Le choix de la Transylvanie est donc plus tourné vers l’autonomie du territoire, statut dans lequel les Județe lacomposant seraient réunifiés. Ce débat subit les mêmes défis que celui sur l’indépendance : une autonomie au sein de la Roumanie oui ! Mais comment ? Quel territoire pour quel(s) peuple(s) ? Ces questions sont considérées par tous les transylvains favorables à une autonomie culturelle, politique mais également économique, la région étant la plus riche du pays. Or chaque minorité souhaite un état autonome ou celle-ci serait majoritaire. Les magyars de Transylvanie cherchent, par exemple, à former un état autonome qui couvrirait un tiers du territoire transylvanien, dénommé « Pays sicule » ou « Székelyföld ». Cet état autonome permettrait ainsi aux magyars de retrouver une action politique autonome de Bucarest, mais cela mettrait dès lors les saxons, roms, slovaques et surtout roumains, en minorité.
Pour le moment, le débat est évité, il est même devenu tabou dans les instances politiques du pouvoir central. Or, ignorer ce sujet, c’est le laisser au seul profit d’acteurs, pouvant “extrémiser” et instrumentaliser un débat qui ne concerne en réalité que les transylvains eux-mêmes. La preuve en est dans les déclarations récentes de Viktor Orban, Premier ministre hongrois, qui a décidé récemment de donner la nationalité et le droit de vote à l’ensemble des hongrois « d’outre-frontière », notamment ceux du Pays sicule, encourageant de fait les aspirations les plus sécessionnistes d’entre eux !
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