La mobilité, valeur (ajoutée) de l‘Europe

Dois-je être mobile pour réussir dans la vie ?

, par traduit par Delphine Gesché, Inga Wachsmann

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La mobilité, valeur (ajoutée) de l‘Europe
Androulla Vassiliou, membre de la CE chargée de l’Education, de la Culture, du Multilinguisme et de la Jeunesse © Services audiovisuels de la Commission européenne

La mobilité est un acquis majeur de l’unification européenne. Elle a par le passé permis la « réconciliation », qui pourra à l’avenir faire place à la « solidarité ». La mobilité est cruciale : nous, les JEF, en sommes convaincus. Depuis longtemps, nous demandons l’organisation d’échanges dans le cadre de la scolarité ou de la formation, ainsi que des cours sur l’Europe à différents niveaux de l’enseignement public.

L’importance de ce sujet est confirmée par l’intérêt que lui portent les premières initiatives citoyennes européennes – MEET (euroedtrust.eu) milite pour plus d’Europe à l’école primaire et Fraternité2020 pour un meilleur financement des programmes de mobilité dans le cadre de la formation. Mais à qui profite tout cela ? Et pourquoi chacun d’entre nous devrait-il essayer de recevoir sa part du gâteau de la mobilité ?

Pour qui ?

Presque tous les Européens sont déjà partis en vacances à l’étranger, y ont fait des courses virtuellement ou en personne ou ont tout simplement composé un numéro de téléphone d’un autre pays européen. Certains ont passé une partie de leurs études à l’étranger ou ont conversé avec d’autres Européens chez eux, à la maison, et onze millions d’Européens vivent et travaillent dans un autre État membre de l’Union européenne. Cette année, le programme d’échange « Erasmus » fête ses 25 ans. Près de trois millions d’étudiants y ont déjà participé. Tout cela se produit malgré la barrière linguistique, beaucoup plus présente en Europe qu’aux États-Unis, et malgré notre forte tradition d’ancrage local. Un succès, non ?

Étant donné que plus de 500 millions d’habitants peuplent l’Union européenne et compte tenu de leur attitude positive – les deux tiers d’entre eux indiquent être en principe prêts à s’établir dans un autre pays européen –, la proportion de citoyens ayant déjà vécu et/ou travaillé à l’étranger paraît basse (15 %). Par ailleurs, seuls 13 % de la population ont passé une partie de leur formation à l’étranger, et encore moins à l’intérieur même de l’Union européenne. Ces individus sont en général cultivés et aisés. En effet, 65 % des jeunes financent eux-mêmes leur séjour à l’étranger ! On ne peut donc pas parler d’une mobilité pour tous.

Pourquoi ?

Les libertés sont les valeurs centrales et le signe distinctif de l’Union européenne. Rendre ces libertés compréhensibles, abordables et accessibles à tous, tout en évitant de compromettre la sécurité, relève du défi. La mobilité consiste en la liberté, le droit de se déplacer librement, de s’installer, d’étudier, de travailler indépendamment des frontières. Tout le monde s’accorde sur ce point : la mobilité cultive le sentiment d’appartenance des Européens à l’Europe et contribue ainsi remarquablement à la solidarité au sein de l’Union européenne, que tout le monde considère aujourd’hui comme le projet d’avenir de l’UE. Pourtant, la mobilité ne peut pas devenir obligatoire !

Deux exemples illustrent à quel point le thème de la mobilité est actuel, controversé et multiple. Tout d’abord, le chômage des jeunes. Dans la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, les travailleurs, et plus particulièrement les jeunes, sont considérés comme des objets économiques. En clair, la question est de savoir si l’on peut exiger d’un chômeur espagnol qu’il cherche du travail en Allemagne. Certes, le chômage est la première motivation qui pousse les Européens à s’installer à l’étranger, mais elle n’est pas toujours compatible avec l’absence d’intérêt, la famille, les amis et la « patrie », qui constituent des raisons de rester. S’agit-il donc d’une liberté ou d’une obligation lorsqu’on peut/doit s’établir dans un autre pays pour le travail ? Deuxièmement, l’accord de Schengen est remis en cause par les vagues incessantes de réfugiés et le surmenage des États-Membres situés aux frontières de l’UE. L’argument de la sécurité devrait faciliter le rétablissement des contrôles aux frontières. Mais on n’évoque pas le véritable problème – la nécessité d’une politique européenne de migration. La concurrence entre la liberté et la sécurité ne remet pas seulement en question la mobilité en tant que liberté des Européens, mais concerne également la prétention de l’UE de donner le bon exemple en matière de droits de l’homme.

Comment ?

Peut-on envisager d’imposer la mobilité, par exemple en instaurant un échange scolaire obligatoire, ou cela va-t-il justement à l’encontre du droit à la mobilité ? Plonger dans l’eau froide ne fait de mal à personne, pour autant qu’on ait appris à nager auparavant et qu’on porte une combinaison adaptée à la température de l’eau. L’initiation à la nage en eau profonde passe certainement par l’apprentissage de la langue. Cela vaut pour la communication elle-même tout autant que pour les règles à appliquer lorsqu’on nage sous l’eau. Autre aspect : le soutien financier, permettant d’acquérir une combinaison étanche sans trous. Enfin, la reconnaissance du permis de plongée doit être garantie dans les environs de l’école de plongée, mais aussi à l’autre bout de l’Europe. Des programmes existent déjà à cet effet (par exemple le système de crédits ECTS, l’Europass), mais souvent, la réalité laisse à désirer.

Le nouveau programme de l’UE « Youth on the Move » devrait permettre d’encourager encore davantage la mobilité dans le cadre de la formation ou de l’engagement bénévole. Pour atteindre de nouveaux groupes cibles, il ne pourra sans aucun doute pas se passer des initiatives citoyennes européennes déjà évoquées ni des actions comme l’appel « L’Europe, c’est nous ! Manifeste pour la création d’une nouvelle Europe par le bas », initié par le sociologue Ulrich Beck et le député européen Daniel Cohn-Bendit début mai 2012 pour inviter les institutions politiques européennes et nationales à mettre en place les cadres juridiques et les moyens financiers — avec la participation du secteur économique — pour une année européenne de volontariat pour tous. Dans notre monde interconnecté, la mobilité est une nécessité. Vivre la mobilité comme une chance et non comme une obligation grâce à des expériences positives l’est également.

Cet article a paru dans la nouvelle version imprimée de Treffpunkt Europa, magazine des JEF-Allemagne. Le numéro actuel est consacré à l’importance de la mobilité pour l’Europe et est téléchargeable gratuitement.

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Vos commentaires
  • Le 8 décembre 2012 à 16:12, par Florent Beck En réponse à : La mobilité, valeur (ajoutée) de l‘Europe

    La mobilité européenne serait sans doute favorisée par « plus d’Europe à l’école », j’en suis effectivement convaincu.

    J’ai un parcours européen parce que j’aime les langues étrangères, la rencontre d’un nouveau pays et je bouge personnellement beaucoup (interrégionalement et internationalement dans l’UE). Mais je constate dans mon entourage que beaucoup de personnes ont énormément de difficultés - si ce n’est une sainte horreur - des langues étrangères. Trop compliqué, temps d’apprentissage trop long, enseignement scolaire dur à remobiliser, si ce n’est celui-là même qui en dégoutte plus d’un de continuer (cours / méthode / prof ennuyant, pas motivant) ...

     A quand une politique d’enseignement linguistique ambitieuse et à la hauteur du « défi européen » ?

    L’argument « marché du travail » ne semble valoir que pour les emplois peu voir non qualifiés, car en effet s’il est difficile de trouver du travail dans son propre pays, comment imaginer que ce soit plus aisé dans un pays dont on maîtrise mal ou ne connaît pas la langue, en concurrence avec les natifs ?

     A quand une politique d’enseignement linguistique accessible à tous ? (Prix des cours de langue hors contexte scolaire/universitaire ...)

    Ajouter à cela la ribambelle des mythes et préjugés associés aux autres pays, aux « étrangers »...

    Il y a encore un très long chemin à accomplir avant de parvenir à une solidarité réelle. Et les différents replis nationalistes partout en Europe en sont bien la preuve.

     A l’école, des cours sur la vie de concitoyens européens ? Plus d’émissions sur l’Europe ? Favoriser les chaînes de télé polyglottes libres (type Arte) ?

    Mais avant de chercher par quels moyens l’ « européanisme » peut se construire et s’installer dans le cœur des européens, il faudrait peut-être commencer à leur démontrer que l’Europe s’intéresse vraiment à eux, et pas seulement à leur porte-monnaie.

    A quoi bon plus d’euro-économie sans plus d’euro-politique ? A quoi bon le marché unique, la liberté de se déplacer (limitée à 3 mois ?! quelle blague), l’euro, la PAC, Natura 2000, Erasmus et tuti quanti si nos politiques continus de se pointer du doigt les uns les autres au premier problème venu ?

     Quand nous donnerons-nous les moyens de mettre les politiques face à leurs responsabilités européennes ?

    La mobilité étudiante, oui mais comment ? Les crédits ECTS ? Un mensonge qui ne sert à rien ! Erasmus ? Une belle utopie avec plein de bâtons dans les roues ! La reconnaissance des diplômes européens dans son pays d’origine ? On est loin de l’automatisme ! Et puis ne faut-il offrir l’Europe qu’aux étudiants ? D’ailleurs ceux-ci sont souvent déjà privilégiés vu le seul coût des inscriptions universitaires en Europe...

    Il faut arrêter de jeter des roses aux pseudo-réussites européennes et exiger un peu plus de sérieux, d’ambition et de cohérence de la part des politiques, surtout des politiques nationaux.

    Fédéralisme maintenant !

  • Le 10 décembre 2012 à 18:41, par Bernard Giroud En réponse à : La mobilité, valeur (ajoutée) de l‘Europe

    Merci Florent de ta magnifique intervention ;

    Nous sommes effectivement , un certain nombre à partager ton point de vue. Pour ma part, notre comité de jumelage a entamé depuis plusieurs année le développement des cours de langues ; Dans notre petite commune il y a deux enseignements différents pour les adultes : Anglais et italien. Nous aurions besoin d’un coup de main de la part de l’institution scolaire (publique ou privée) dans un exemple très simple et très concret de communication (par internet ou postale) entre un professeur italien de la région de Padoue, en français, avec des correspondants scolaires (collège) ici en France ; He bien, c’est une galère ! Pas moyen de mettre en route ce type d’échange simple, malgré notre recherche dans les collèges alentour.

    C’est là que nous comprenons bien ton exclamation : "A quand une politique d’enseignement linguistique ambitieuse et à la hauteur du « défi européen » ? Si ce petit mot pouvait être une sorte d’interpellation à qui peut mettre en route cette petite œuvre dans notre petit secteur au sud de Lyon dans l’isère, nous n’aurions pas perdu notre temps ; En tout cas félicitation et bon courage.

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