La parité homme-femme dans les institutions de l’Union européenne : un combat inachevé ?

Le courrier d’Europe

, par Alice Rossi, Le Courrier d’Europe

La parité homme-femme dans les institutions de l'Union européenne : un combat inachevé ?
Photo de Tim Mossholder sur Unsplash

Ce samedi 8 mars, comme tous les ans, le monde célébrera la journée internationale des droits des femmes. Un évènement important, d’autant plus pour l’Union européenne qui a fait de l’égalité homme-femme un de ses principes fondamentaux. En 2023, l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes lui attribuait un score de 70,2/100 avec son indice d’égalité de genre, soit 1,6 de plus qu’en 2022. Mais que signifie réellement ce score ?

Bien que les chiffres sur la féminisation du pouvoir dans l’Union soient difficiles à trouver, le Parlement étant la seule institution à renseigner clairement ces informations, il est pertinent de se pencher sur l’histoire des droits des femmes au sein de l’UE, en particulier après une année 2024 riche en changements et renouvellements pour l’UE.

Un paysage institutionnel longtemps dominé par les hommes

Dès les débuts de la CEE en 1957, le principe d’égalité homme-femme est inscrit dans le Traité de Rome, assurant aux citoyens européens des salaires égaux. Ce principe sera érigé en objectif-clé dans le Traité de Maastricht en 1992 et le Traité de Lisbonne, en 2007, en fera une des valeurs fondamentales de l’UE.

Malgré la présence de ce principe dans les Traités fondateurs de ce qu’on appelle à l’époque la CEE, il faudra attendre vingt ans avant de voir une femme prendre la tête d’une institution européenne. En effet, ce n’est qu’en 1979 que Simone Veil est élue présidente du Parlement européen à l’occasion des toutes premières élections européennes au suffrage universel. Cette même année, Margaret Thatcher devient d’ailleurs la première femme cheffe de gouvernement en Europe. Il faut toutefois attendre 1989 avant de voir une femme à la Commission, et 1995 avant d’en voir plusieurs. La première femme à présider l’exécutif européen est Ursula von der Leyen en 2019.

Depuis, la part des femmes dans la politique européenne ne cesse d’augmenter - mais sa progression est lente. Ainsi, en 2025, l’UE est toujours loin de la parité. Le Parlement européen, réélu en juin dernier, compte aujourd’hui 39,8% d’eurodéputées contre 30% en 2000 et seulement 15,2% en 1979, lors de sa première élection. Quant à la Commission, dont le collège a également été renouvelé cet été, 11 des 27 commissaires sont des femmes, une de moins qu’au mandat précédent. Von der Leyen avait pourtant demandé aux pays membres de présenter chacun deux potentiels commissaires, un homme et une femme, mais seule la Bulgarie s’est prêtée au jeu.

Il est intéressant de noter que les six pays fondateurs de l’Union figurent parmi les plus mauvais élèves en terme de parité. La France, par exemple, a présenté 34 commissaires depuis la création de la Commission dont seulement 3 femmes contrairement à la Suède qui, depuis son adhésion, n’a présenté que des femmes. Pour ce qui est du Conseil européen et du Conseil de l’Union, leur composition dépend des gouvernements nationaux.

Une prise de conscience trop lente

Aujourd’hui, les femmes représentent une plus grande part de population que les hommes et pourtant, malgré les avancées législatives, elles continuent de se heurter à des obstacles perpétrés par des stéréotypes de genres et des pratiques discriminatoires, limitant leur accès aux postes à responsabilités. En 1994, 47% des citoyens européens affirmaient qu’ils souhaitaient voir plus de femmes dans le paysage politique européen. Mais à la question “dans quel domaine ?” les réponses étaient toujours les mêmes : politique familiale, éducation et enseignement. L’économie reste, encore à l’heure actuelle, le domaine où les femmes sont le plus sous-représentées. Pourtant, la pandémie avait bien mis en évidence les inégalités de genre persistantes. Non seulement le taux de chômage était plus élevé chez les femmes, mais elles étaient aussi plus exposées au virus du fait d’une surreprésentation des femmes dans des postes impliquant un contact humain. Le confinement avait également vu une augmentation du nombre de demandes d’assistance suite à des cas de violences conjugales.

Les mentalités mettent du temps à évoluer. En 2017, la Commission européenne a publié un Eurobaromètre dont les chiffres étaient identiques à ceux d’une étude similaire de 2012, qui révélaient que 35% des citoyens européens considéraient les hommes plus ambitieux que les femmes et que 17% étaient convaincus que les femmes n’avaient pas les qualités nécessaires pour faire de la politique. Seuls 54% des sondés affirmaient vouloir voir davantage de femmes en politique.

Les différences culturelles et politiques entre les États membres participent également à freiner l’avancée vers une parité complète au sein des institutions européennes et reflètent les inégalités persistantes au sein des pays. Selon Eurostat, si l’écart salarial est autour de 13% dans l’UE, il peut s’élever jusqu’à 22% en Lettonie. Certains pays semblaient même régresser dans le domaine du droit des femmes, comme la Pologne qui, en 2023, avait sensiblement restreint le droit à l’avortement.

Beaucoup d’initiatives mais peu de contraintes

En mars 2020, la Commission européenne a adopté la stratégie en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes 2020-2025. Les objectifs principaux étaient de mettre un terme aux violences et stéréotypes sexistes et sexuels, parvenir à une participation égale dans les différents secteurs de l’économie, combler l’écart du taux d’emploi, de rémunération et de retraite, parvenir à un équilibre entre hommes et femmes dans la politique et combler l’écart en matière de prise en charge des responsabilités familiales. Dans le cadre de cette stratégie, la Commission publie chaque année un rapport qui fait état des avancées.

Du côté du Parlement, on retrouve, parmi les 22 commissions et sous-commissions existantes, la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres (FEMM) présidée par la socialiste Lina Gálvez Muñoz. Cette commission, née de l’initiative d’Yvette Roudy en 1979, a permis de faire avancer le droit des femmes en Europe à travers de nombreuses directives, dont la plus récente en 2023 sur la transparence des rémunérations. Toutes les réunions de la FEMM, dont la prochaine est prévue le 6 mars, sont diffusées en direct sur le site du Parlement.

Bien que la CJUE ait, à de nombreuses reprises, rendu des arrêts favorisant l’égalité de traitement entre les sexes en Europe, il n’existe pas assez de mesures contraignantes pour imposer la parité dans toutes les institutions européennes et nationales. Ce problème est mis en évidence par la Convention d’Istanbul de 2011 dont le but est la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Bien que signée par l’Union européenne en 2017, certains États membres comme la Bulgarie et la Hongrie refusent, encore aujourd’hui, de la ratifier.

Un bilan décevant mais pas décourageant

Aujourd’hui, 3 des 7 grandes institutions de l’Union européenne sont présidées par des femmes : Roberta Metsola au Parlement, Ursula von der Leyen à la Commission et Christine Lagarde à la Banque Centrale. Mais la part de femmes au sein de ces mêmes institutions reste très en deçà de ce que l’on pourrait attendre, surtout pour un continent où les femmes représentent la majorité de la population. Une représentation équilibrée entre les sexes est essentielle pour refléter la diversité de la société et renforcer la légitimité démocratique des décisions prises.

Bien que des avancées notables aient été accomplies en matière de parité au sein des institutions européennes, des défis subsistent, notamment en ce qui concerne les stéréotypes de genre et les disparités entre les États membres. Ce sont ces disparités qui perpétuent le manque de représentation féminine dans la politique en diminuant l’égalité des chances. Il en va donc de la volonté, non seulement des institutions européennes, mais également des États eux-mêmes, de mettre en place un système permettant aux femmes d’être entendues et écoutées.

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