Une élection présidentielle explosive
Au soir du 24 novembre, la surprise était immense : Călin Georgescu, candidat indépendant aux idées rocambolesques, arrive en tête du scrutin, devançant de 3 points une candidate libérale et le premier ministre du Parti social-démocrate (PSD), alors même que les sondeurs ne lui donnaient que quelques petits points avant l’élection. Un résultat d’autant plus surprenant que le candidat du parti d’extrême-droite Alliance pour l’unité des Roumains (AUR) qui avait le vent en poupe, notamment depuis les élections européennes (15% des voix en juin 2024), ne recueillait qu’à peine 14% des voix.
Alors que la presse (et les capitales) européennes n’en revenaient pas d’apercevoir un pays pivot dans l’action européenne en Ukraine, aussi fragile dans son soutien à cette dernière, des soupçons de fraudes ont rapidement émergé. En effet, Mr Georgescu ne se cache pas d’être un fervent admirateur du président et du régime russes. Adepte d’un révisionnisme à glacer le sang, il affirme également avoir rencontré un extraterrestre dans les couloirs de l’ONU et que les pyramides égyptiennes sont des relais énergétiques… De quoi assurer une stabilité rationnelle à la tête d’un État.
Alors que les esprits stupéfaits commençaient à se préparer au second tour, deux jours seulement avant sa tenue le 8 décembre, la Cour constitutionnelle décide d’annuler le premier tour et, de facto, de suspendre le processus électoral présidentiel. Et si Klaus Iohannis, le président sortant qui doit céder sa place, a assuré de la stabilité du pays, il est difficile de prédire les conséquences électorales de ce nouveau coup de théâtre. La quasi-totalité des candidats battus et en lice ont condamné cette décision.
Des législatives en droite ligne avec la montée de l’extrême droite
Pile entre les deux tours initiaux de l’élection présidentielle, le 1er décembre, les Roumains étaient appelés, dans un tour unique, à renouveler les 330 membres de la Chambre des députés et les 136 du Sénat. Après le scrutin européen en juin dernier où la coalition au pouvoir a fait le plein avec près de 50% des voix malgré l’émergence de plusieurs partis d’extrême-droite, ces législatives sont une confirmation de cette tendance politique que connaissent la quasi-totalité des sociétés démocratiques occidentales.
Le Parti social-démocrate ([connu pour ses positions conservatrices>https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/09/12/roumanie-un-referendum-pour-rendre-inconstitutionnel-le-mariage-homosexuel_5353970_3214.html]) au pouvoir rassemble un cinquième de voix (en chute de 7% par rapport à 2020) et conserve 86 sièges sur les 100 qu’il détenait auparavant. Son partenaire de coalition, le Parti national-libéral, connaît un recul plus sévère encore puisque seulement 14% (-11,2% par rapport à 2020) des votes lui sont favorables, divisant par deux son nombre de députés (de 93 à 50). Dernière perdante, la conservatrice Union Sauvez la Roumanie voit diminuer son soutien : 12% des voix lui assurant 40 strapontins.
Les vainqueurs sont donc à chercher à la droite de la droite : l’AUR double le nombre de voix en sa faveur avec près de 18% des voix et 64 sièges. SOS Roumanie, dirigée par une sulfureuse orthodoxe intégriste, convainc 7,6% des électeurs et envoie 27 députés à la chambre basse quand le Parti de la jeunesse, qui s’est rangé derrière le candidat à la présidentielle Georgescu, parvient à en faire élire 23.
Si les discussions pour former un gouvernement continuent, le PSD espère continuer de s’appuyer sur les libéraux du PNL et les partis représentants les minorités (22 sièges pour la minorité hongroise, 19 pour toutes les autres). Stratégiquement, les cadres sociaux-démocrates souhaitent ainsi maintenir l’USR pro-européenne dans l’opposition pour que celle-ci ne soit pas formée uniquement de partis opposés à l’OTAN et à l’Union européenne.
Dans cette période de troubles démocratiques intenses, il est essentiel pour les systèmes basés sur l’État de droit délimitent la juste opposition politique (comportant parfois des positions radicales) de ce qui relèvent de fraudes et de manipulations, parfois venant de l’extérieur (l’oeil de Moscou est évidemment dans toutes les têtes) menaçant l’intégrité juridique de l’État. Plus que jamais, un changement politique radical s’installe en Europe, au détriment d’une stabilité au moins juridique.
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