La silencieuse extinction des géants blancs en Europe

Un cercle vicieux de fonte des glaces compromet la survie des glaciers européens

, par Pablo Salvary-Gassilloud

La silencieuse extinction des géants blancs en Europe
La Mer de Glace recouverte de roche, diminuant l’effet albédo. ©PxHere

En cette fin d’année 2025, nommée “année internationale de la préservation des glaciers” par les Nations unies, le bilan de la future évolution des zones glaciaires fait froid dans le dos. L’approche de la COP 30 et une potentielle révision des objectifs climatiques projettent un avenir instable sur les zones montagneuses. Vers une disparition presque certaine des géants blancs, l’Europe a-t-elle encore l’opportunité de ne pas briser la glace ?

La disparition programmée des étendues glaciaires

Ce n’est plus une surprise, les glaciers d’Europe et du monde s’éteignent lentement. Le Service mondial de surveillance des glaciers (WGMS) a estimé que depuis 1975, les zones glaciaires dans le monde (hors Groenland et Antarctique) ont perdu 9 000 milliards de tonnes de glace. « Cette masse équivaut à un énorme bloc de glace de la taille de l’Allemagne et d’une épaisseur de 27 mètres », explique le directeur du WGMS, M. Michael Zemp. Les effets du réchauffement climatique et l’incapacité des nations du globe à tenir la promesse d’un monde en dessous des +1,5 °C se font particulièrement ressentir au niveau des glaciers européens. En effet, les glaciers des Alpes sont les plus à risque et ceux dont la disparition est la plus rapide (WGMS). Les glaciers italiens, autrichiens et allemands auront tous disparu en 2100 dans un monde à +2,7°C. En France, sous ces mêmes conditions, 5 des 6 glaciers majeurs alpins auront disparu avant 2070, et la mer de glace aura perdu 2 tiers de sa surface en 2100.

La fonte des glaciers est pourtant un processus naturel et cyclique depuis la nuit des temps. Le problème vient du fait que les glaciers perdent trop de masse en été et ne se régénèrent pas suffisamment en hiver. En temps normal, les glaciers sont protégés des rayons du soleil par l’effet albédo dû à la clarté de la glace/neige qui réfléchissent presque parfaitement ces rayons et leur chaleur. Mais la montée des températures à l’échelle mondiale favorise la fonte des glaces, provoquant la création d’une couche d’eau mélangée à de la terre en surface des glaciers. L’effet albédo s’en trouve alors amoindri, accélérant la fonte des glaces dans un cercle vicieux de réchauffement intra et extra glace. La vitesse de fonte devient donc de plus en plus rapide au fil des années et de la dégradation des aires glaciaires.

Les conséquences du dégel sont lourdes pour l’Europe et le monde

Les conséquences directes et indirectes de la fonte des glaces induisent d’importantes transformations dans notre environnement. La plus notable étant la montée du niveau des océans à un niveau global qui renforce le danger d’inondation dans des pays à faible altitude comme les Pays-Bas ou le Danemark. La contribution de la fonte des glaciers en Europe à la montée du niveau de la mer est insignifiante, mais les glaciers d’Alaska ou de l’Arctique jouent fortement sur la montée des océans (1 millimètre par an selon le WGMS). Cette fonte est aussi associée à la perte de réserves en eau potable stables et définies, mettant en danger à la fois les populations vivant en région montagneuse ainsi que toute la biodiversité autour des glaciers. Les réserves d’eau contenues dans les glaciers s’écoulent et se mélangent à l’eau salée des océans, rendant plus difficile leur retour à un état d’eau douce.

La fonte des glaciers est aussi associée à une déformation complète du paysage montagneux. Peut-on imaginer une seule seconde le Mont-Blanc sans son manteau neigeux ? Au-delà de l’aspect esthétique, cette déformation de la géographie montagneuse comporte de sérieux risques naturels et notamment d’affaissement des parois et sols maintenus par les glaciers. Cela n’est pas sans rappeler l’effondrement du glacier du Birch en Suisse le 28 mai 2025, qui a complètement rasé le village de Blatten en contrebas du glacier. Les risques de glissement de terrain vont s’intensifier dans les années à venir et mettre en danger les habitants de plusieurs villes d’Europe en montagne. La ville française de Chamonix et ses communes sont par exemple menacées par l’instabilité des terrains alentour causée par la fonte des glaces et certaines mesures de sécurisation des zones glaciaires sont déjà en place. Enfin, beaucoup de professions associées au tourisme en montagne vont potentiellement souffrir de la réduction des glaciers. Cela peut entraîner de mauvaises retombées économiques et fragiliser les régions montagneuses en Europe et dans le monde.

Sauver les glaciers ? La marge de manœuvre européenne

Une chose est sûre, on ne peut plus sauver les glaciers alpins. Leur disparition est inéluctable autant dans un monde à +1,5°C qu’un monde à +2,7°C. Une fois cette réalité prise en compte, on peut donc, au niveau européen, envisager de se concentrer sur 2 objectifs primordiaux. Dans un premier temps, protéger les autres glaciers à l’international afin d’éviter leur extinction car celle-ci peut encore être évitée. Et dans un second temps, ralentir la disparition des glaciers voués à s’éteindre, tout en préparant les régions alentour à un monde sans glacier en Europe.

Plusieurs institutions de protection des aires montagneuses, notamment la Convention alpine, l’initiative Goodbye Glaciers, le Service mondial de surveillance des glaciers et les organismes derrière la création du “Manifeste européen pour la gouvernance des glaciers et ressources connexes” réclament la création d’une organisation de protection des glaciers à l’échelle européenne. Cela permettrait de coordonner les informations et les mesures de protection des glaciers, pour éviter que ceux-ci soient mobilisés ou transformés directement par l’homme (glacier du Théodule en 2023). Cette institution pourra aussi contribuer à la participation aux efforts de réduction du réchauffement mondial.

Le meilleur scénario pour les glaciers européens prend place dans un monde où les nations du globe arrivent à restreindre le réchauffement climatique au plus près des +1,5°C. Protéger les glaciers s’inscrit donc dans la démarche internationale de protection du climat de par la transition à une énergie verte ainsi que la préservation des écosystèmes en danger. En parallèle, l’Europe doit anticiper les futurs changements géographiques et socio-économiques amenés par la fonte des glaces afin de préparer les populations à une vie sans glacier, notamment dans les Alpes. Cela peut se traduire par la fortification des parois et sols de montagnes, la construction d’équipements de protection des villes de montagne ainsi que la transition vers une économie moins dépendante des glaciers.

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