Le 112, trop méconnu des Européens selon la Commission

, par Krokodilo

Le 112, trop méconnu des Européens selon la Commission

La Commission européenne a récemment regretté que le 112 soit trop peu connu des Européens. Elle a également recommandé une gestion multilingue des appels.

Pour favoriser la diffusion du 112 dans toute l’Europe, la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil ont déclaré le 11 février « Journée européenne du 112 ».

Depuis décembre 2008, ce numéro d’appel d’urgence est théoriquement fonctionnel dans tous les pays européens, parfois en parallèle avec le ou les numéros nationaux déjà existants. La plupart des procédures qui avaient été ouvertes contre les pays récalcitrants ont été fermées.

Un numéro qui concerne tous les Européens

On peut s’étonner du peu d’écho de ces informations dans nos médias (qui au mieux ont donné lieu à des brèves), surtout avant les élections européennes, alors que les journalistes tenaient là un des rares sujets susceptibles de concerner tous les citoyens, pas seulement les députés et fonctionnaires européens, ou les professionnels qui coopèrent déjà à l’échelle européenne (ingénieurs, universités, armée, etc.), mais tous ceux qui sont ou seront appelés à voyager.

Comme le reconnaît d’ailleurs le site Europa, « L’enquête Eurobaromètre a également montré que : un quart des citoyens de l’UE ont appelé un numéro d’urgence au cours des cinq dernières années »

C’était donc là une bonne occasion de parler de l’Europe du quotidien, l’Europe des citoyens. C’est ce qu’a fait sur la Toile le journaliste économique Jean Quatremer Destination santé, Le Guide du routard, ou encore Ouest-France.

Mais on cherche en vain les papiers des grands médias, ou des sites de jeunes européens enthousiastes, comme Café Babel ou Les Euros du village, ce qui est pour le moins étonnant. La nouvelle a même été parfois rapportée en occultant la recommandation en faveur du multilinguisme, pas encore possible pour tous les centres français.

Grands medias, sites europhiles : un sujet passé à la trappe

Faut-il y voir un désintérêt supposé des lecteurs envers la chose européenne ? Un désintérêt des journalistes eux-mêmes ? Une priorité donnée à la crise économique ? Ou une gêne devant la question des difficultés linguistiques de l’UE ? Car ce sujet met aussi en évidence que l’inter-compréhension entre les Européens est à l’état embryonnaire. Là où un milliard de Chinois dotés de centaines de langues et dialectes locaux sont capables de communiquer grâce au mandarin (que les Chinois appellent simplement chinois), quelques centaines de millions d’Européens en sont incapables. Comme l’ont fait remarquer quelques rares éditorialistes, il n’y a pas d‘espace public européen ni d’opinion publique, pas même de café du commerce.

Comparativement à certaines déclarations des années précédentes sur le 112, on constate que l’anglais n’est plus mis en avant, et que la Commission recommande clairement un accueil multilingue, possible sous la forme d’une interconnexion des centres, avec, à tout moment, au moins un interprète disponible de la langue concernée. Dans les régions limitrophes de France, il était évident qu’on avait davantage besoin d’italien, de catalan, d’espagnol, d’allemand que d’anglais, ou au moins autant, ce qui plaidait déjà pour une réponse polyglotte.

La leçon des urgences est donc sans équivoque : c’est dans sa propre langue qu’un Européen – sous le coup d’une émotion intense, victime ou témoin d’un accident – veut et peut communiquer avec les secours. Il lui faut en effet décrire le problème et répondre aux questions que posent toujours ces services pour avoir des précisions - nombre de victimes, état, circonstances, bloqués ou pas, incendie, rivière, etc. Il ne suffit pas de répondre par oui ou par non, encore faut-il avoir compris ces questions.

Il existe également une dernière contrainte technique qui devrait être prochainement résolue : les deux standards différents de téléphones portables existant sur le sol européen qui empêchent la localisation de tout appelant, ce que pourtant les centres 112 doivent légalement être capables de faire.

Le multilinguisme au coeur du problème

« Depuis 1998, la législation européenne impose aux États membres de veiller à ce que tous les utilisateurs de téléphones fixes ou mobiles puissent appeler le 112 gratuitement. Depuis 2003, les opérateurs de télécommunications doivent fournir aux services d’urgence des informations relatives à la localisation de l’appelant. », rappelle le site Echos du Net sur Artesi, spécialiste de ces questions.

En l’absence de soutien à une langue simple et neutre, telle que l’espéranto (langue construite), qui pourrait en quelques années faire office de langue seconde des Européens, la vraie langue de l’Union européenne, c’est la traduction. Le polyglottisme des centres d’accueil anglais (170 langues) ou des Canaries (5 ou 6 langues) le confirme, et les recommandations de l’UE vont logiquement dans ce sens.

Même si on peut douter que la Grande Bretagne réponde en serbe ou en basque un soir de Noël, l’accueil polyglotte est la grande leçon à tirer des appels d’urgence. Mais le problème se pose en fait dans toute la chaîne de soins : dans les hôpitaux de « Bruxelles capitale », région officiellement bilingue, les patients ont légalement le droit d’être soignés dans leur langue, mais 70% des soignants ne parlent pas le néerlandais. Les autorités ont tenté d’y remédier en doublant les équipes autant que possible, en listant les bilingues, en créant des stages de langue, mais ce « bricolage » imparfait est inapplicable à l’échelon européen.

Quoi qu’il en soit, il est étonnant que ce sujet quotidien, qui concerne potentiellement tous les Européens susceptibles d’être un jour à l’étranger, comme touristes ou professionnels, ne soit pas plus largement présenté par les médias.

Illustration : Phone Boxes, Flickr, par monster

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Vos commentaires
  • Le 22 mars 2009 à 02:12, par Yohan En réponse à : Le 112...

    Vous connaissant Krokodilo, je me doutais bien que vous n’alliez pas manquer de glisser une pique sur l’absence de considération de l’espéranto :)

    Le problème du 112 c’est qu’on nous en parle depuis 10 ans et qu’il n’a simplement jamais fonctionné..

  • Le 22 mars 2009 à 13:16, par Krokodilo En réponse à : Le 112...

    Un peu d’épice relève le plat !

  • Le 22 mars 2009 à 15:54, par Ced En réponse à : Le 112, trop méconnu des Européens selon la Commission

    Comme dit sur mon blog à ce même sujet, doit-on vraiment s’étonner de cet échec ? A moins d’être à fond dans les sujets européens, attentif à la moindre annonce, on ne peut pas vraiment dire que l’UE ait communiqué beaucoup sur l’existence de ce numéro...

  • Le 11 avril 2009 à 11:10, par Yohan En réponse à : Le 112...

    Un témoignage personnel :

    Avant-hier, dans une situation d’urgence d’intrusion dans mon appartement de Cracovie (Pologne), mon appel du 112 a débouché sur de longues minutes perdues à essayer d’expliquer mon problème à un standardiste parlant uniquement polonais. Je trouve cela vraiment honteux que même dans le cas d’une ville aussi touristique que Cracovie, je n’ai pu accéder à un interlocuteur parlant un minimum anglais. Beau constat d’échec...

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