Qu’est-ce que le backlash ?
Le backlash est un terme conceptualisé par Susan Faludi dans son essai Backlash : la guerre froide contre les femmes (1991). Le backlash est un recul, une résistance hostile en réponse à des avancées sociales ou politiques, perçues comme menaçantes par une partie de la société. Appliqué aux droits des femmes, il représente un schéma : à chaque progrès des droits des femmes, une riposte s’exécute. Cette réaction peut être culturelle, médiatique, politique voire institutionnelle. Susan Faludi observe la réaction des conservateurs états-uniens face aux droits des femmes dans les années 1980 et 1990.Cette réaction s’inscrit dans un contexte particulier : à la suite de l’arrêt Roe v. Wade de 1973, légalisant le droit à l’avortement aux Etats-Unis. En réponse à ce succès, les acteurs conservateurs mènent une offensive culturelle massive contre le féminisme, l’accusant de détruire la cellule familiale ou encore l’économie.
En Europe, le recul du droit à l’avortement, le cantonnement des femmes à leur rôle traditionnel de mères et d’épouses dans le cadre d’une famille nucléaire et la remise en cause des politiques de lutte contre les violences faites aux femmes attestent des différentes formes que prend le phénomène.
Le retour en force de la famille nucléaire : un exemple persistant chez les conservateurs
La famille nucléaire correspond à une famille centrée sur un couple hétérosexuel et leurs enfants. Cette structure familiale a servi de cadre à une division genrée et binaire des rôles et est critiquée pour son implication dans la reproduction des inégalités entre hommes et femmes. Le retour d’une vision traditionnelle de la femme, focalisée sur le foyer et la maternité traverse l’Europe. En brandissant les valeurs familiales comme un idéal à préserver, il s’agit en réalité d’une remise en question de l’émancipation des femmes qui s’opère.
Viktor Orbán fait de la natalité une priorité nationale. Les femmes sont encouragées à avoir de nombreux enfants. En 2020, a été mise en place une politique nataliste agressive mélangeant avantages fiscaux et prêts d’Etats : les femmes ayant quatre enfants obtiennent une exonération fiscale à vie. Ce modèle met le corps de la femme au service de la nation, en excluant toute perspective d’émancipation individuelle. En Italie, Giorgia Meloni valorise explicitement le rôle de mère chrétienne italienne, invisibilisant les familles monoparentales ou homoparentales. En 2023, Emmanuel Macron avait évoqué l’idée d’un « réarmement démographique ». En utilisant un vocabulaire militaire, le discours du président français s’inscrit dans une tendance où la fécondité des femmes est pensée comme une affaire d’intérêt national.
Ce glissement du discours public et politique a un effet concret : il réinstalle l’idée que la vocation première des femmes serait la maternité et non l’autonomie. Les femmes n’auraient alors plus la libre disposition de leur corps.
Un backlash global : l’Europe dans la mouvance réactionnaire menée par les Etats-Unis
Ce recul des droits des femmes en Europe ne peut pas être pleinement compris sans le replacer dans une dynamique internationale. Le backlash n’est pas un phénomène nouveau : il s’inscrit dans une vague réactionnaire globale, notamment portée par l’administration de Donald Trump. L’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022 a marqué un recul imminent dans l’histoire des droits des femmes. Ce renversement a envoyé un signal fort aux mouvements anti-choix dans le monde : le droit à l’avortement est loin d’être intouchable.
En février 2025, un sommet nommé « Ultra », organisé par Santiago Abascal, leader du parti d’extrême droite espagnol Vox, s’est tenu à Madrid. Avec pour slogan « Make Europe Great Again », des figures d’extrême droite comme Marine Le Pen, Viktor Orbán ou encore Matteo Salvini ont affiché leur soutien à Donald Trump. Par ailleurs, Kevin Roberts, président de The Heritage Foundation, un think tank étasunien conservateur, a été l’invité d’honneur. Sous couvert de défendre la famille traditionnelle, ce sommet a été l’occasion de dénoncer « l’idéologie du genre ». Le recul des droits des femmes en Europe rappelle une évidence : rien n’est jamais acquis. Pire, ce backlash s’inscrit dans une dynamique mondiale, pensée et organisée par des réseaux réactionnaires. Le sommet à Madrid en est l’illustration : la contre-attaque conservatrice est plus déterminée que jamais.
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