Le combat contre les violences faites aux femmes en Europe

, par Alexandra Boutler, Le Courrier d’Europe

Le combat contre les violences faites aux femmes en Europe
Flashmob contre les violences faites aux femmes à Lausanne en décembre 2019 ©Flickr

En Europe, les violences faites aux femmes restent une réalité massive et inquiétante. Alors que sept femmes meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint ou d’un membre de leur famille, la lutte pour leur sécurité reste un défi crucial. Malgré des avancées législatives, les violences faites aux femmes restent une urgence sociale et politique.

L’omniprésence des violences faites aux femmes au quotidien

Chaque jour, en Europe, une femme sur cinq est victime de violences physiques ou sexuelles. Dans l’Union européenne, un tiers des femmes ont déjà subi des violences chez elles, au travail ou dans un espace public. Plus de la moitié ont été victimes de harcèlement sexuel au moins une fois depuis l’âge de 15 ans.

Ces chiffres témoignent de l’ampleur d’un phénomène préoccupant pouvant se manifester sous différentes formes : physique, verbale, psychologique, sexuelle ou encore économique. Cette violence s’étend à tous les domaines. D’une part, le domicile n’est pas un lieu sûr pour de nombreuses femmes, car une sur cinq a subi des violences physiques ou sexuelles de la part de son partenaire, d’un membre de sa famille ou d’une personne avec laquelle elle vit. D’autre part, le lieu de travail n’échappe pas non plus à ces violences : une femme sur trois y a été victime de harcèlement sexuel.

Des violences invisibilisées

Ces chiffres ne reflètent qu’une partie de la réalité. Bien que 64% des femmes victimes de violences en aient parlé à un ami ou à un membre de leur famille, beaucoup n’ont pas porté plainte. En effet, d’après une étude publiée par l’agence FRA, au sein de l’UE seule une femme victime de violences sur cinq a contacté un prestataire de santé ou de services sociaux, et seule une sur huit a signalé l’incident à la police. Les femmes qui choisissent de ne pas déposer plainte évoquent souvent des préoccupations liées à leur sécurité, un sentiment de honte ou encore un manque de confiance envers les autorités. Par conséquent, de nombreuses victimes se retrouvent à affronter seules leur souffrance, sans le moindre soutien adéquat et sans être pleinement informées de leurs droits ni des aides auxquelles elles pourraient avoir accès.

Des statistiques contrastées selon les États membres de l’UE

Les statistiques officielles font apparaître des différences dans la prévalence de la violence entre les États membres de l’UE. Cela peut s’expliquer par la connaissance et la reconnaissance, y compris dans la législation, des différents types de violence en tant que infractions pénales. Par ailleurs, la proportion de femmes ayant subi des violences physiques, des menaces ou des violences sexuelles au cours de leur vie est plus élevée au Danemark (47,5%), en Suède (52,5%) et en Finlande (57,1%) que dans les autres pays de l’UE. Ce phénomène illustre le « paradoxe nordique », révélant un schéma dans lequel ces États membres obtiennent de bons résultats en matière d’égalité entre les femmes et les hommes mais ont, paradoxalement, des niveaux plus élevés de violence fondée sur le genre d’après les enquêtes. À l’inverse, des pays comme la Bulgarie (11,9%), la Pologne (16,7%), la Tchéquie et le Portugal (19%) présentent des taux de violences inférieurs à 20%.

Les mesures mises en place pour lutter contre les violences faites aux femmes

L’ampleur des violences faites aux femmes a conduit à l’adoption de textes et d’instruments juridiques européens visant à harmoniser et renforcer la lutte contre ces violences. La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite convention d’Istanbul, est entrée en vigueur en 2014. Il s’agit du premier instrument en Europe à établir des normes contraignantes visant spécifiquement à prévenir les violences fondées sur le genre, à protéger les victimes de ces violences et à en sanctionner les auteurs. Trente-quatre Etats membres du Conseil de l’Europe l’ont ratifiée. L’Union européenne a officiellement adhéré à cette convention en octobre 2023. Toutefois, bien que tous les États membres de l’UE l’aient signée, seuls 22 des 27 l’ont ratifiée à ce jour.

En mai 2024, une première directive européenne a été adoptée, visant à protéger les femmes victimes de violences et harmoniser les sanctions à l’encontre des auteurs. Si cette adoption marque une avancée, elle reste perçue comme un progrès incomplet par les eurodéputés car le Parlement européen et le Conseil de l’Union n’ont pas réussi à trouver une définition commune du viol intégrant la notion de consentement.

Au-delà des efforts européens, l’Espagne se distingue comme un modèle, étant pionnière dans la lutte contre les violences de genre. La loi, adoptée en 2004, visant à protéger les victimes, a constitué une avancée significative, notamment par la mise en place de tribunaux spécialisés. En 2017, elle a été renforcée par un Pacte d’État contre la violence conjugale, consacrant un budget d’un milliard d’euros réparti sur 5 ans. Puis en octobre 2022, le pays a instauré la « loi de garantie intégrale de la liberté sexuelle », permettant aux femmes de rapporter un abus sans devoir démontrer la violence ou l’intimidation.

Le procès des viols de Mazan a réveillé les consciences

Ces derniers mois, les violences faites aux femmes sont devenues un sujet d’actualité majeur, notamment avec les procès des viols de Mazan, au cours desquels 51 hommes ont été jugés et reconnus coupables. Pendant une décennie, Gisèle Pélicot a été droguée par son mari, qui recrutait ensuite des hommes pour la violer pendant qu’elle était inconsciente. Ces procès ont eu un retentissement bien au-delà des frontières françaises, suscitant une forte émotion et déclenchant un vaste débat sur les violences sexuelles, avec des réactions médiatiques par des institutions comme le New York Times et la BBC, ainsi que des manifestations de soutien, comme celle de 200 femmes espagnoles venues à Avignon. D’après une experte indépendante de l’ONU, Reem Alsalem l’ampleur des abus devrait servir de signal d’alarme quant au niveau des violences sexuelles perpétrées à l’égard des femmes et des filles.

Vos commentaires
modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?

Pour afficher votre trombine avec votre message, enregistrez-la d’abord sur gravatar.com (gratuit et indolore) et n’oubliez pas d’indiquer votre adresse e-mail ici.

Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Suivre les commentaires : RSS 2.0 | Atom