La prolifération des institutions européennes dans cette petite capitale s’explique assez aisément tant par la situation géographique du Grand-Duché de Luxembourg, entre France et Allemagne, au cœur de la région la plus active d’Europe, que par l’histoire de la construction européenne. En rejoignant dès 1950 la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, le Luxembourg a toujours été particulièrement européen. C’est avec ces données en tête que je me suis rendu à Luxembourg et je dois dire que j’ai été particulièrement déçu, voire choqué par l’aménagement urbain.
Un quartier pour technocrates :
C’est sur le plateau du Kirchberg que sont concentrées absolument toutes les institutions européennes. Dans des tours qui ressemblent à s’y méprendre à des tours d’HLM, les fonctionnaires européens s’activent dans la journée. Puis, le soir venu, ou le week-end, le quartier est vide, presque mort. Quelques (rares) bus le traversent à toute allure, pas un flâneur, pas une habitation, pas une supérette, bref, on a plus l’impression d’errer dans un bureau à ciel ouvert que dans une des capitales européennes.
L’impression de vide est encore exacerbée par la position de ce plateau. On y accède par un pont qui enjambe un immense fossé qui le sépare de la ville historique. On parle souvent du fossé entre dirigeants et citoyens, il m’a semblé le voir matérialisé à Luxembourg. D’un côté, une ville riante, chargée d’animation et pleine d’histoire avec son palais grand-ducal, ses rues commerçantes, ses nombreuses gargotes… Et de l’autre, un quartier neuf, froid, tout de béton qui ne vit que lors des horaires de travail.
Je n’arrive pas à expliquer ce choix d’urbanisation. Certes, il peut être compliqué d’intégrer de nouveaux bâtiments dans une ville déjà constituée. Certes, il est nécessaire d’avoir de la place. Mais pourquoi ôter systématiquement toute vie ou possibilité d’activités de ces quartiers ? Et malheureusement, ce n’est pas que Luxembourg-ville qui est concerné. A Strasbourg, le Parlement Européen côtoie la Cour Européenne des Droits de l’Homme au cœur d’un quartier vide. Si le bâtiment en lui-même est bien mieux réussi que celui de la Cour de Justice, force est de constater qu’il est complétement isolé dans la ville.
Combler le fossé avec des institutions placées au cœur de la ville
Prenons l’exemple de Berlin. Le Reichstag qui est resté en ruine durant toute la guerre froide a été réhabilité lors de la réunification allemande. Il se dresse désormais au cœur de la ville, à deux pas de la gare centrale. Avec une coupole et des murs transparents, il est possible pour n’importe quel passant d’observer le travail parlementaire.
Cette architecture avait été voulue comme symbole de la démocratie et de sa transparence. Un bâtiment en cœur de ville, qui n’a rien à cacher. C’est tout l’inverse de ce qui se dresse à Luxembourg. Deux tours cachées dans un quartier désert habité par des technocrates, voilà de quoi alimenter les fantasmes de nos concitoyens sur les secrets des institutions.
Malheureusement, il n’est plus loisible de revenir en arrière, les quartiers sont maintenant achevé et on imagine mal annoncer, en ces temps d’austérité, leur destruction puis leur reconstruction dans le centre des villes.
Ramenons la ville dans les « euro-quartiers »
C’est pourquoi, il est nécessaire, dans une démarche inverse, de ramener la ville au sein de ces quartiers froids. Pourquoi ne pas encourager la construction d’écoles, de logements, d’épiceries… Bref, pourquoi ne pas faire vivre ces zones de travail ? En côtoyant les institutions, les citoyens se sentent bien plus proches d’elles. Ils se sentent intégrés dans un système travaillant pour le bien commun.
Il s’agit peut-être d’un détail mais il peut faire beaucoup sur la vision que l’on a de nos démocraties. C’est en travaillant sur tous les fronts pour rapprocher les institutions européennes de leurs citoyens que nous luterons efficacement contre le sentiment légitime d’éloignement du politique.
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