Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe pour financer les infrastructures des réseaux transeuropéens
Le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, Connecting Europe Facility, a été adopté par le Parlement européen en novembre 2013. Il vise à soutenir les investissements dans les infrastructures de transports, d’énergies ou de télécommunications apportant une plus-value européenne. Ce mécanisme est à la fois un mécanisme de subvention pour des projets qui ne sont pas rentables et de garantie d’investissement pour les projets qui peuvent être rentables. Cette deuxième partie, les instruments financiers, vise à attirer des capitaux privés pour financer des projets d’intérêt public. C’est le cas par exemple de la construction de la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux.
De difficiles négociations pour des investissements de long terme Dominique Riquet qui a été rapporteur sur le texte pour le mécanisme pour l’interconnexion en Europe sur son volet transport raconte que « la discussion essentielle [lors des négociations] a été avec le Conseil des ministres sur la hauteur des concours financiers. Avec la position de David Cameron [Premier ministre britannique], le budget a été amputé. Cela a eu des conséquences pour le mécanisme pour l’interconnexion en Europe. La proposition de la Commission était d’environ 50 milliards d’euros de budget sur les trois volets (transport, énergie et télécommunication), il a été ramené à 33 milliards d’euros. Cette réduction du budget a été la même pour le programme Horizon 2020 qui soutient la recherche et l’innovation. Or ces deux politiques sont essentielles pour soutenir la croissance en Europe. »
L’arrivée du plan Juncker venue perturber le jeu
Alors que le mécanisme pour l’interconnexion en Europe et Horizon 2020 sont en majeure partie des programmes d’investissement par la subvention, le plan Juncker met en place un fonds de garantie des prêts. Le plan Juncker finance des projets qui peuvent être rentables mais qui sont trop risqués pour que les investisseurs privés s’y aventurent, en garantissant une partie de l’investissement et en encourageant ainsi les investisseurs à prendre le risque.
Alors que pour le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, les projets finançables sont fléchés (et détaillés dans le règlement), pour le plan Juncker, c’est la Banque Européenne d’Investissement (BEI) qui jugera de l’opportunité de réaliser les projets ou non, en fonction de leur potentielle rentabilité.
Déshabiller Pierre pour habiller Paul ?
Pour financer le mécanisme de garantie des prêts du plan Juncker, la Commission cherche de l’argent là où elle peut en prélever. En effet, comme l’explique Dominique Riquet, la Commission veut « un fonds de garantie libéré de 8 milliards d’euros et que le fonds soit établi d’emblée pour avoir la confiance des marchés. L’argument de Juncker c’est de dire que le marché a besoin de certitude. » La Commission semble donc exclure une gestion annualisée du fond où l’argent serait débloqué petit à petit. Mais du coup, il faut pouvoir libérer cet argent, et vite, alors que le budget pluriannuel de l’Union est adopté depuis un an, de même pour le budget 2015, et déjà sous tension (entre 20 et 30 milliards d’euros de factures impayées). « Le piège c’est que le fonds de garantie de Juncker est dans la même rubrique budgétaire que celle du mécanisme d’interconnexion en Europe et que le programme Horizon 2020 », explique Dominique Riquet. Or les règles budgétaires européennes sont relativement strictes et ne permettent pas facilement de basculer des fonds d’une rubrique à l’autre, notamment pour la rubrique Cohésion.
D’autres fonds de tiroir à racler ?
« Le Parlement européen soutient le plan Juncker, mais il est également unanime sur l’idée que les financements doivent se baser sur autre chose que sur des amputations du MIE ou de Horizon 2020, des programmes qui ont été longuement travaillés et qui sont déjà opérationnels. Dans la discussion budgétaire annuelle, il y a des surplus et des marges non-affectées, qui pourraient être dirigées vers le fonds de garantie Juncker. » Les surplus correspondent à de l’argent prévu pour des actions mais qui n’a pas été dépensé, et qui reviennent du coup aux États-membres et représentent entre 1 et 4 milliards d’euros par an. Pour Dominique Riquet, « au lieu d’aller taper pour 4 ans d’exercice budgétaire dans les fonds du MIE et de Horizon 2020 on ferait mieux de voir dans les fonds non-alloués ».
Les débats s’annoncent tendus. En effet, selon le député, le Conseil des ministres tient plus aux « crédits fléchés », c’est-à-dire ceux qui leur reviennent directement, comme ceux de la Politique Agricole Commune ou les fonds structurels (FEDER, FSE, FEAMP, Fonds de cohésion) qu’aux investissements de projet qui sont gérés par la Commission elle-même. D’ailleurs, dans le rabotage du MIE, « les États membres n’ont pas été prendre dans la partie « cohésion » qui est fléchée pour chaque État jusqu’en 2016 ».
De même, la situation semble ferme du côté de la Commission qui « n’a pas donné de signes de flexibilité » puisque « Jean-Claude Juncker tient à son opération politique de début mandat », toujours selon Dominique Riquet.
La Commission fait pression sur le Parlement en menaçant d’aller piocher dans d’autres programmes, plus médiatiques, comme Erasmus +, ne s’attaquant pas là au nœud du problème : « les États membres veulent contribuer le moins possible », et l’Union dépend des ressources octroyées par les États membres. En 2016, s’ouvrira la renégociation du budget pluriannuel, avec à l’ordre du jour, la mise en place de ressources propres pour l’Union européenne, solution qui permettrait à long-terme de ne plus racler les fonds de tiroirs. Une nouvelle bataille à livrer pour les représentants des 500 millions de citoyens européens.
1. Le 3 avril 2015 à 01:06, par El gaucho francés En réponse à : Le plan Juncker racle-t-il les fonds de tiroir ?
Vu que l’on est en période de vaches maigres dans l’Union Européenne, c’est un peu normal que l’on rechigne à la dépense. Hollande fait la même chose : il transfère les dépenses pour ne pas faire plus de déficit
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