Une perte de confiance dans les représentants du Parti socialiste
Il se trouve que Marcelo Rebelo de Sousa, le président portugais, a dissout l’Assemblée de la République - qui est l’unique chambre du Parlement - le 9 novembre 2023. Acte fort et exceptionnel, provoqué par la démission d’Antonio Costa, membre du Parti Socialiste (PS) et Premier ministre jusqu’au 7 novembre 2023. L’ancien Premier ministre a été poussé à démissionner car il faisait l’objet d’une mise en examen pour une suspicion d’implication dans un scandale de corruption relatif à l’attribution d’importants contrats énergétiques et de trafic d’influence. « La dignité de la fonction de Premier ministre n’est pas compatible avec de quelconques soupçons sur son intégrité, sa bonne conduite et encore moins avec une suspicion de pratique criminelle » avait-il déclaré lors de sa démission.
De plus, un conflit d’intérêt lié à la privatisation de la compagnie aérienne nationale TAP Air Portugal avait déjà entraîné la démission de Pedro Nuno Santos, membre du PS et à l’époque ministre des Infrastructures et du Logement ainsi que celle d’Alexandra Reis, secrétaire d’Etat au Trésor.
Des élections législatives anticipées
Le Président Marcelo Rebelo de Sousa voyait dans ce scurtin un espoir de cohésion... un mirage. Entre outre, le dirigeant du Parti social-démocrate (PSD) Luis Montenegro déclarait alors que « le gouvernement s’est écroulé de l’intérieur, la légitimité du PS s’est effondrée. (…) Les élections assureront la stabilité économique et sociale indispensable au pays ». Beaucoup d’attentes, peut-être même trop… mais qu’en est-il des résultats ? Tout d’abord, on notera que la participation a augmenté de 14,77 points par rapport au précédent scrutin - le 30 janvier 2022 - avec un taux exceptionnellement élevé à 66,23%.
Revenons justement deux ans en arrière. Le 30 janvier 2022, le PS avait remporté la majorité absolue au Parlement, s’alignant avec les résultats des précédents scrutins. Mais depuis lors, le Portugal a connu une période de crise sociale, couplée aux différents scandales qui ont touché des membres du PS et ainsi entaché l’image de ce dernier. Dans un contexte où la population commence à douter de la capacité du PS à garantir la sécurité économique et sociale du pays, il est davantage aisé pour d’autres partis de gagner en popularité.
Un Parlement fragmenté
Pour les élections du 10 mars 2024, le PSD s’est présenté en coalition avec le Centre démocrate social / Parti populaire (CDS/PP) et le Parti populaire monarchiste (PPM). Cette Alliance démocratique est arrivée en tête, comptabilisant presque 30% (29,49%) des voix. Le PS, habituellement premier est arrivé cette fois à la deuxième place, tout juste derrière l’Alliance démocratique, avec 28,66% des suffrages. Alors que Chega, le parti d’extrême droite, qui se tenait plus à l’écart dans le passé, a pris en mars une troisième place considérablement plus importante qu’en 2022, remportant 18,06% des voix, contre 7,2% deux ans auparavant.
Fondé et dirigé par André Ventura, le parti d’extrême droite Chega signifiant littéralement « Assez » se veut « contre les socialismes ». En 2022, son slogan de campagne était alors « Dieu, patrie, famille et travail ». On rappelle que la devise scandée quand Salazar menait sa dictature résonnait dans de mêmes termes : “Dieu, patrie et famille”.
Bis repetita europea ?
Qui a alors motivé l’électorat à se mobiliser le 10 mars 2024 ? Chega ou le PS ? Les deux, semble-t-il. Chega a su parler aux Portugais.es et les électeurs du PS n’ont pas hésités à tirer la sonnette d’alarme quant à l’hypothèse d’une extrême droite au pouvoir. Le PS a finalement permis, par son abstention, la constitution d’un gouvernement de droite minoritaire, sans la participation de Chega.
Cela vous rappelle une situation similaire qui a eu lieu en France la même année ? Pas si étonnant, et c’est le cas ailleurs dans l’Union européenne : en France, en Autriche, en Finlande et même en Allemagne ! Des parlements divisés, des gouvernements affaiblis et une extrême droite de plus en plus populaire. La démocratie n’est peut-être finalement pas acquise, au contraire, on pourrait bien avoir à la défendre.
Nos démocraties européennes ne fonctionnent que parce que les citoyens défendent leurs droits par leurs propres moyens, mais aussi et surtout par leurs représentants, par leur bulletin de vote.
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