Impact et gestion de la crise pandémique
Lors de la première vague de pandémie, le Portugal avait été pointé par la presse internationale comme un exemple à suivre dans la gestion de la crise sanitaire. On faisait référence au « miracle portugais ». En effet, entre mars et avril 2020, le nombre de nouveaux cas d’infection par jour étaient constamment en-dessous du seuil des 1.000 cas - à l’exception du 31 mars (1.035 cas) et du 10 avril (1.516 cas). On expliqua ces chiffres par le fait que le Portugal s’est confiné très tôt - de peur d’être dans la même situation que l’Italie - alors que le pays ne comptabilisait pas encore un nombre important de personnes infectées.
C’est avec la deuxième vague de la pandémie, bien plus virulente que la première, que le pays a présenté des chiffres plus alarmants. La disponibilité de lits en réanimation a atteint sa capacité maximale dans plusieurs hôpitaux entre novembre et décembre. Et à la fin du mois de novembre, le Portugal enregistrait un taux d’incidence sur 14 jours de 789,9 nouveaux cas pour cent mille habitants, le septième taux le plus élevé de l’Union européenne. Mais cette fois-ci, le Portugal n’a pas fait le choix de confiner sa population à l’instar d’autres pays européens. Le gouvernement a restreint la circulation à l’intérieur du pays et a imposé des couvre-feux en fin de journée et pendant les week-ends. Un relâchement de ces mesures a été prévu pour Noël, mais pas pour le Nouvel an.
Les mesures économiques
Ce sont les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration et de la culture qui ont été les plus touchés par la crise. Selon l’agence de notation Moody’s, l’économie portugaise est particulièrement vulnérable car les petites et moyennes entreprises (PME) – les plus touchées par la crise – représentent une grande partie du PIB national et de l’emploi. Parmi les mesures de relance, le gouvernement portugais a prévu des soutiens financiers pour les entreprises qui ont, ou non, dû appliquer le chômage technique pendant la crise sanitaire et qui ont vu leurs chiffres d’affaires chuter de plus de 25%. Le secteur de la restauration bénéficiera à lui seul de plus de mille millions d’euros en soutiens financiers.
Avec la fermeture des frontières lors de la première vague et la diminution du tourisme à l’échelle mondiale, le secteur aérien a connu une forte récession. La compagnie aérienne nationale portugaise, TAP Air Portugal, est en très grande difficulté. En juin dernier, la Commission européenne avait donné son feu vert pour que l’Etat portugais injecte 1,2 milliard d’euros dans la TAP sous condition qu’un plan de restructuration de la compagnie soit présenté dans les six mois. Celui-ci a été présenté à la mi-décembre et prévoit de nouvelles injections de capitaux – près de 3 milliards d’euros au total – ainsi que la réduction des salaires et des licenciements. Ces conditions du sauvetage de la compagnie aérienne forment l’une des fractures qui se dessinent petit-à-petit entre le Parti socialiste, qui est au pouvoir, et ses alliés politiques de gauche.
Le gouvernement socialiste dans une phase difficile
Depuis quelques semaines, le gouvernement d’António Costa est confronté à des difficultés politiques. Le vote du budget de l’Etat pour 2021 à l’Assemblée nationale a mis en lumière le fossé qui se creuse entre le Parti socialiste et ses alliés de gauche comme le Bloco de Esquerda (extrême-gauche), qui a voté contre le budget annuel, et le Parti Communiste Portugais, qui s’est abstenu. La grande critique de l’aile la plus à gauche de l’hémicycle est que le gouvernement socialiste ne mise pas sur des mesures à la hauteur des circonstances exceptionnelles afin de conserver l’emploi, renforcer le service national de santé et combattre la pauvreté provoquée par la crise économique.
En plus de cette perte d’alliés stratégiques, le gouvernement d’António Costa doit rendre compte des accusations de violation des droits humains par le Service des Étrangers et Frontières (SEF). En mars 2020, trois agents du service de contrôle des étrangers et frontière - rattaché au ministère de l’Intérieur - ont torturé et assassiné un citoyen ukrainien à l’aéroport de Lisbonne. Seulement neuf mois après les faits, et parce que l’histoire a finalement été médiatisée à la télévision, le ministre a lancé une procédure de restructuration du Service et a contacté la veuve de la victime.
Depuis le début du mois de décembre, de multiples témoignages ont fait surface et l’on donne finalement de l’attention aux nombreuses dénonciations de violation des droits humains par ce service d’Etat depuis plusieurs années. Quelques partis politiques ont demandé la démission du ministre de l’Intérieur et, selon le journal Diário de Notícias, un remaniement du gouvernement pourrait avoir lieu à la suite de cette histoire. Dans le contexte d’une présidence du Conseil de l’UE, une reconfiguration gouvernementale soudaine n’est pas idéale tout comme la tenue d’une élection présidentielle.
Une élection présidentielle dès janvier 2021
Le premier tour des élections présidentielles portugaises est prévu pour le 24 janvier 2021. Selon les sondages, l’actuel président Marcelo Rebelo de Sousa devrait être réélu dès le premier tour. Pour la première fois de l’histoire, un candidat d’extrême-droite se présente aux élections présidentielles, André Ventura. Selon les sondages, celui-ci est placé à la troisième place, derrière la socialiste Ana Gomes. Cette dernière n’a pas obtenu le soutien officiel de son parti mais a obtenu le soutien de deux partis de gauche minoritaires.
Le Parti Socialiste, qui est à la tête du gouvernement, ne soutient officiellement aucun candidat à la présidence. Pourtant, António Costa et d’autres membres de son gouvernement ont montré implicite ou explicitement leur soutien au politicien du centre-droit, Marcelo Rebelo de Sousa. On peut interpréter que cette posture des membres du gouvernement se doit à une volonté de continuité et, par conséquent, de stabilité pour la suite de la législature. Depuis l’arrivée des socialistes au pouvoir en 2015, la cohabitation a bien profité au gouvernement ainsi qu’au président. Et la stabilité apportée par la réélection de Marcelo Rebelo de Sousa au mois de janvier pourrait profiter à la bonne tenue de la présidence portugaise du Conseil de l’UE.
Les enjeux de la présidence
La stabilité nationale est une condition à la bonne gestion de la présidence du Conseil de l’UE. En aucun cas, un gouvernement ne favorise les affaires de l’Europe par rapport aux affaires nationales. Cependant, les six mois de présidence sont l’opportunité, surtout pour un petit État comme le Portugal, de se démarquer sur la scène européenne et internationale. Le gouvernement d’António Costa a misé sur un agenda de relance de l’Europe privilégiant l’écologie, le numérique, la solidarité, l’économie sociale ainsi que le multilatéralisme.
Avec sa devise « Le temps d’agir : pour une reprise juste, verte et numérique », le Portugal aura le défi de lancer le plan de relance « Next Generation EU » - approuvé lors du dernier sommet européen de décembre 2020 - ainsi que gérer les premiers mois de l’application du nouvel accord trouvé entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Le plus grand défi de cette présidence sera alors l’équilibre entre les exigences nationales et celle de l’Europe.
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