Le retour de l’Europe centrale

, par Barbara Ochotnicka

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Le retour de l'Europe centrale

Souvent faussement appelés les pays de l’Est, les pays de « l’ancienne Union soviétique » ou encore les pays post-communistes, les pays de l’Europe centrale, à savoir la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque et accessoirement la Pologne et l’Autriche, peinent à se repositionner là où ils se trouvent véritablement : au cœur de l’Europe continentale.

Plus que par l’influence soviétique qui n’a duré qu’une cinquantaine d’années, le vrai caractère de l’Europe centrale tire ses origines de l’Empire austro-hongrois des Habsbourgs. Les pays de l’ancien empire ont donc plutôt été marqué par une cohabitation de peuples différents que par l’expansion du bloc soviétique.

Le groupe de Visegrád : coopération interrégionale par excellence ?

Une des originalités des États de l’Europe centrale réside sans doute dans leur capacité de raisonner en termes de regroupement et de solidarité. L’autre serait leur proximité avec l’Occident.

Cette capacité des États d’Europe centrale à nouer des liens interrégionaux pacifiques s’inscrit dans une longue tradition historique. En effet, en 1335, lorsque les rois tchèque, polonais et hongrois se rencontrèrent dans la ville hongroise de Visegrád , une première coopération et politique régionale sous forme de « Triangle [ou] Groupe de Visegrád » fut née. Et depuis, ces liens n’ont jamais cessé d’exister !

Leur forme moderne s’est concrétisée après l’éclatement de l’Union soviétique, le 15 février 1991, lors d’un sommet des chefs d’État de la Pologne, l’ancienne République tchécoslovaque et la Hongrie.

Avec une présidence tournante annuelle, le groupe Visegrád , aujourd’hui réunissant la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie se manifeste aussi par la tenue de nombreux sommets : un sommet principal des Premiers ministres, organisé une fois par an, et d’autres sommets organisés régulièrement entre les ministres de la défense, éducation, affaires étrangères, etc.

La seule structure permanente liée au groupe est le Fonds de Visegrád , basé à Bratislava (Slovaquie). L’unique institution du groupe est chargée d’allouer des fonds et des bourses pour financer les initiatives dans le domaine d’éducation ou de culture entre les pays du V4.

Bien entendu, il s’agit d’un groupe informel et non-institutionnalisé, conçu à l’époque comme un arrangement transitoire destinée à faciliter les premières étapes de la période post-communiste. Ce modèle de coexistence et coopération dans de nombreuses domaines d’intérêt commun (l’éducation, la culture, la recherche scientifique où l’échange d’informations), a été effectivement établi en vue d’accélérer l’intégration européenne. Certes, cet accord devait rassembler uniquement les anciens membres du pacte de Varsovie [1] et du Comecon [2] , mais il ne cherchait pas du tout à restaurer l’ancien régime. Au contraire, sa vision a été fortement tournée vers l’avenir.

Et c’est grâce à cette politique régionale que les États de l’ancien Empire des Habsbourgs ont pu rapidement établir dialogue avec l’Occident ! En effet, ils ont été les premiers pays de l’ex-bloc soviétique à adhérer au Conseil de l’Europe, à établir un dialogue avec l’OTAN et à conclure, en 1991, des accords d’association avec la Communauté européenne.

Le groupe doit-t-il continuer à exister malgré les adhésions de 2004 ?

À noter que cette organisation non-institutionnalisée n’est en aucun cas une coopération spontanée. Au contraire, il s’agissait depuis toujours d’une démarche bien calculée face aux risques venus de l’Est. Aujourd’hui, le risque du retour soviétique ne constitue plus un danger et avec l’adhésion à l’Union européenne qui s’est achevée en 2004, on peut se demander si le groupe de Visegrád a encore une raison d’être.

Ses activités et ses politiques sont malheureusement peu connues et les bénéficiaires du fonds peu nombreux. Mais d’un autre côté, les pays du V4 ne ralentissent pas leurs activités. Il a d’ailleurs récemment accepté de créer une force militaire commune qui devrait être opérationnelle d’ici 2016.

De plus, en dehors du groupe Visegrád , l’Europe centrale s’engage activement dans une nouvelle aventure appelée « CENTROPE », un projet de coopération interrégionale chapeauté par le programme INTERREG [3], financé par le FEDER [4] , initié par les régions autrichiennes de Vienne, Basse-Autriche et Burgenland, qui réunit donc l’Autriche, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie.

Les pays de l ’Europe centrale réalisent ce qu’ils ont à gagner en continuant à travailler ensemble. Ils prennent le bon chemin de coopération régionale que toutes les régions de l’UE devraient suivre. Si le Groupe de Visegrád et Centrope continuent à fonctionner, l’Europe centrale pourrait devenir un jour un véritable centre européen au rayonnement propre comme la Scandinavie ou le Benelux.

Notes

[1Les États d’Europe centrale liés à l’URSS avant la Révolution de velours

[2Organisation d’entraide économique entre différents pays de l’ancien bloc soviétique

[3Programme de l’Union européenne visant à promouvoir la coopération entre les régions européennes

[4Fonds européen de développement économique et régional

Vos commentaires
  • Le 17 mars 2014 à 13:50, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : Le retour de l’Europe centrale

    Vive le retour de la Mitteleuropa sur la scène européenne !

    L’Europe ne peut exister sans contre - poids. Des contre - poids au « couple franco - allemand » ( malgré sa crise actuelle !), des contre - poids aux mâles dominants de l’Europe du Nord ( la politique de CAMERON toute de séduction des scandinaves), des contre - poids à la stigmatisation très protestante des PIIGS...

    La Mitteleuropa a toujours été terre de rencontres et d’échanges. Elle est donc plurielle...comme l’Europe se doit être.

    Tant pis pour ceux qui rêvent encore d’une Union confisquée par quelques - uns aveuglés par leur nostalgie hégémonique !

  • Le 18 mars 2014 à 01:42, par Ferghane Azihari En réponse à : Le retour de l’Europe centrale

    Ironiquement, cet article (écrit il y a quelques semaines) est publié en même temps que la Russie vient de franchir un premier pas vers l’annexion d’une partie d’un territoire appartenant à un État souverain. Malheureusement les risques venant de l’Est de l’Europe n’ont pas disparu.

    Faute de consensus sur l’Europe de la Défense (la faute aux nationalismes des « grandes » nations), il semble qu’il va d’abord falloir miser sur des intégrations diplomatiques et militaires infra-européennes telles que le V4 et pourquoi pas le Conseil nordique ou le Bénélux, le temps que les pays européens se réveillent et décident de porter une vision qui puisse aller au-delà de leurs intérêts individuels immédiats.

    Espérons que les innovations introduites aux élections européennes de 2014 serviront un peu de catalyseur.

  • Le 18 mars 2014 à 06:17, par TOSELLO En réponse à : Le retour de l’Europe centrale

    Tant que le peuple Russe n’aura pas fait 1789 via l’avènement de la démocratie , l’Europe ne sera hélas , pas unie tel les USA !

  • Le 20 mars 2014 à 19:17, par Barbara Ochotnicka En réponse à : Le retour de l’Europe centrale

    Les menaces russes contre l’Ukraine présentes jusqu’à aujourd’hui ne sont plus la réalité en Europe centrale donc j’aurais plutôt tendance à exclure tout risque politique provenant de la Russie. La seule dépendance reste bien entendu énergetique. Et même celle-là commence à diminuer notamment grâce à la cooperation régionale du type V4. Mais je suis entièrement d’accord pour plus d’intégration au niveau démocratique et militaire. Peut-être l’entrée de la Pologne dans l’armée Eurocorps pourrait faire évoluer les choses et inciter les pays de la V4 à faire pareil

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