À quel prix la Belgique restera-t-elle unie ?
Les autres partis ne font généralement pas alliance avec les partis indépendantistes flamands, et ce dans la mesure où le VLD (marqué à droite) va jusqu’à faire alliance avec Groen ! et sp.a (politiquement ses adversaires, notamment concernant la réforme des allocations familiales.) pour éviter ce type de résultat. De surcroît, il est difficile de penser qu’un seul parti puisse obtenir la majorité des voix dans un système à la proportionnelle comme le système belge. Il est donc plus probable, au lieu d’une scission, de voir le pouvoir fédéral faiblir au profit des régions. Cela impliquerait de nombreuses complications administratives, Bruxelles restant le centre économique et les entreprises Bruxelloises ayant des unités de production dans les deux zones. Quid des questions de sécurité sociale, des questions de fiscalité ? Sur ce point l’imprévision est totale, puisqu’elle ne dépendra pas que des électeurs mais aussi des négociations qui seront nécessaires à l’établissement d’une coalition.
La montée de l’extrême-droite devrait-elle frapper le scrutin européen ?
Le belge est par nature pragmatique et conciliant pour tout ce qui ne touche pas la querelle linguistique. Il faut également considérer que le NVA, malgré sa proximité avec nombre de partis régionalistes plutôt pro-européens (Unitat Catalana par exemple) reste toujours assimilé à l’extrême droite par nombre d’électeurs – wallons surtout. Or les Belges savent tous que leur meilleure santé économique par rapport à d’autres pays comme la Grèce, le Portugal, la France, est due à leur situation de carrefour avec l’Allemagne, le reste du Benelux et les pays anglo-saxons, notamment du fait de la présence de nombre d’institutions de l’UE et de l’ONU à Bruxelles. Un vote d’extrême droite impliquant le plus souvent un repli d’un pays sur lui-même, cette perspective pourrait effrayer une bonne partie des électeurs belges et les inciter à préférer d’autres partis : nombre d’entre eux auraient beaucoup à perdre (chiffre d’affaire, emplois, etc.).
Une forte défiance envers l’UE existe néanmoins, mais pas toujours chez les partisans d’une Flandre indépendante. Il est donc plus probable que les Belges votent pour différents partis en fonction des élections (par exemple : NVA/fédérales et PS/européennes ou PS/fédérales et NVA/européennes). Il faut aussi relever que la Belgique n’est pas aussi touchée par les pressions souverainistes que le reste de l’Europe, notamment parce que le NVA comme le Vlaams Belang cherchent moins à accabler l’Europe que la Wallonie : cette région connaissant un taux de chômage bien plus élevé que la Flandre depuis la désindustrialisation, elle fait en effet figure de tonneau des danaïdes budgétaire pour beaucoup de flamands. Ce qui, économiquement parlant, en fait un bouc émissaire idéal. Enfin, si on peut désigner Bruxelles comme une force étrangère oppressive en France, le symbole est en revanche inopérant en Belgique ! On peut donc conserver un certain optimisme de ce point de vue-là, même si la récolte des voix pourrait être assez bonne pour les partis populistes.
Cependant, l’exaspération face aux promesses non tenues devrait aussi être prise en compte. En effet, l’hypothèse d’un vote de colère pour le NVA voire le Vlaams Belang (plus extrême) reste fortement possible. Il pourrait en aller de même pour l’extrême droite francophone en Wallonie. Cependant, ceci semble plutôt dû aux défauts inhérents au système de coalition : outre l’effet de « classe » observé en politique, les négociations nécessaires à la construction d’un gouvernement conduisent nombre de participants à ne pas tenir une bonne partie de leurs promesses – ce qui fait beaucoup de promesses non tenues. Il est donc difficile de dire, étant donné qu’il s’agit d’un problème national, si les effets de ce ras-le-bol national à l’égard de la classe politique auront un effet sur les européennes.
Les faits propres à ce scrutin dans le contexte belge ont été exposés, mais que penser d’une généralisation de ce système ?
Aligner les scrutins comme en Belgique, à l’échelle Européenne ?
Le triple scrutin belge ne devrait pas être trop dangereux pour l’Union européenne comparé au vote Grec, Britannique ou Français, et ce même malgré sa forme. Tous les projecteurs sont en effet braqués sur le conflit linguistique ou sur les réformes internes, et l’Europe est peu prise à partie comparé à la France. De surcroît, il faut compter que les partis politiques belges ont beaucoup plus de places à obtenir en Belgique qu’au Parlement Européen : la thématique nationale est donc un peu plus intéressante à aborder dans les médias, même si l’Europe n’est pas oubliée.
Il faut néanmoins relever qu’il n’y a aucun laps de temps permettant aux partis politiques de changer d’approche : les élections sont le même jour. Les partis doivent donc faire preuve de cohérence en termes de proposition, et ce à tous les échelons. Si les belges sont globalement satisfaits du résultat (cohérence des résultats entre les élections locales et fédérales, ne se déplacer qu’une seule fois pour voter, ne pas être en période électorale permanente, etc…) que penser du fait de ne pas maintenir d’intervalle entre les élections européennes et nationales – ce que, par exemple, nous faisons déjà presque en France pour les présidentielles et les législatives ?
Pour appréhender le Parlement Européen comme une institution au moins aussi importante qu’un parlement national, du fait de sa place prépondérante dans l’élaboration des règles qui régissent l’Europe et qui nous touchent quotidiennement, est-ce qu’il ne vaudrait pas justement mieux les mettre au même moment ? L’abstention aux Européennes est toujours l’une des plus importantes alors que le législateur européen n’est pas un législateur de seconde zone, bien au contraire. L’idée d’un vote obligatoire ainsi que celle d’un vote national aligné sur les élections européennes pourraient donc être soulevées dans le but d’harmoniser la politique des Etats membres avec celle de l’Union Européenne. Et ceci dans le but d’éviter que l’abstention ne fasse élire nos représentants par défaut, tout en ayant des élus correspondants aux aspirations de tous les Européens.
1. Le 22 mai 2014 à 13:35, par Ferghane Azihari En réponse à : Le triple scrutin : Blague de belge ?
Le N-VA ne saurait être qualifié de nationaliste au sens traditionnel du terme quand il est profondément europhile et qu’il siège avec les Verts européens au Parlement, un groupe fédéraliste si ne je me trompe pas.
Il est vrai que son régionalisme fait intervenir des arguments nationalistes, qui bien que répréhensibles, ne font que récupérer le discours national de l’État belge. En somme, ceux qui sont à blâmer sont les États-nations et leur disparition n’est pas si dramatique.
Elle permettrait l’avènement d’une Europe des régions qui, tout en gardant sa dimension post-nationale et fraternelle, serait bien plus respectueuse des individus et donc beaucoup plus démocratique.
N’est-ce pas au nom de la nécessité de localiser le plus possible les centres de décision que le fédéralisme consacre le principe de subsidiarité ?
En ce sens, une subsidiarité étatique ne saurait être moins répréhensible qu’une subsidiarité administrative et/ou législative.
Dans la même logique, l’État français devrait lui aussi tirer sa révérence : http://bit.ly/1gmKc5E
Et tous ceux attachés à la démocratisation de l’Europe devraient promouvoir ces indépendantismes europhiles.
2. Le 22 mai 2014 à 14:34, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : Le triple scrutin : Blague de belge ?
La Belgique moins touchée par les pressions souverainistes ? Tout simplement parce que l’état, unitaire jusqu’aux années septante du siècle dernier, fédéral depuis lors n’a jamais suscité ces poussées de fièvre et d’arrogance que connaissent encore d’autres « grandes » puissances imbues de leur glorieux passé impérial : le pays se sait petit, par la taille, il sait aussi ce qu’il doit en hémoglobine au fait d’être un carrefour en Europe pour les mâles dominants. Point d’orgueil national ici, sauf peut-être, dans une Flandre revancharde de la mise sous tutelle bourgeoise et donc francophone au XIXe siècle. Une terre aussi de clochers, où l’esprit de clocher l’emporte. Dans les terres romanes de Belgique, cela ne fait aucun doute, mais aussi en Flandre où les dialectes demeurent au point que la Vlaamse Radio en Televisie envisage d’abandonner la langue standard...
3. Le 22 mai 2014 à 14:44, par Jean-Luc Lefèvre En réponse à : Le triple scrutin : Blague de belge ?
A propos des commentaires de Ferghane, quelques nuances de Belgique
« Encourager ces indépendantismes europhiles »...
D’abord, je ne suis pas convaincu du caractère europhile de la N-VA. Il faut savoir qu’au dernier congrès du parti, Mme BREPOELS, députée européenne sortante, a vu ses propositions d’amendements en faveur de davantage d’Europe rejetées par les congressistes !
Ensuite, c’est à la demande de la N-VA que le code de la route belge sera demain régionalisé, ce qui confère cette compétence à QUATRE pouvoirs : l’état encore fédéral pour les autoroutes et les régions administratives ( Wallonie, Flandre et bruxelloise). Quand on sait le charroi qui transite par la Belgique, on imagine la gymnastique intellectuelle de nos transporteurs routiers pour s’adapter...
Si la N-VA semble aujourd’hui toujours défendre la coupole de l’Union, c’est pour mieux accréditer l’idée que demain l’étage fédéral ne se justifiera plus !!! C’est essentiellement une démarche tactique.
4. Le 22 mai 2014 à 23:14, par Ferghane Azihari En réponse à : Le triple scrutin : Blague de belge ?
Ah bah zut. Moi qui pensais enfin tenir mon exemple d’indépendantisme respectable. Il semble que je vais devoir être patient pour en trouver un.
5. Le 23 mai 2014 à 04:53, par Alain En réponse à : Le triple scrutin : Blague de belge ?
La politique belge est compliquée mais il faut faire quelques rectifications : la troisième élection n’est pas l’élection municipale mais l’élection des entités fédérées, il subsiste donc une autre élections à à un autre rythme (6 ans), l’élection municipale ; et la NVA n’est pas un parti d’extrême droite mais un parti ultra-libéral qui veut la confédéralisme estimant qu’il est nécessaire de maintenir un état aux pouvoirs minimas pour éviter les problèmes d’appartenance à l’UE (toute la discussion en cas d’indépendance de l’Ecosse ou de la Catalogne) et que l’UE permet justement d’arriver à ce type de construction puisqu’elle repris certaine fonctions régaliennes comme la monnaie.
Comme l’Europe est ultra-libérale, cela lui convient très bien, et dans cet esprit ultra-libéral, il n’est évidemment pas question d’aller vers un fédéralisme européen qui imposerait un niveau social minimal
6. Le 25 mai 2014 à 18:28, par William Boggis En réponse à : Le triple scrutin : Blague de belge ?
@Alain : pour l’élection des entités fédérées au lieu des municipales vous faites bien de me signaler mon erreur, merci beaucoup.
Par contre je n’ai pas écrit que le NVA était d’extrême-droite mais qu’il était assimilé à l’extrême droite par certains électeurs - et ce notamment du fait de la présence de nombreux transfuges du Vlaams Belang. C’est une question d’image et je pense qu’il est difficile d’estimer précisément l’orientation politique précise du NVA. Reste maintenant à savoir si l’étiquette « populiste » qui lui colle à la peau malgré son approche économique ultralibérale affirmée aura un effet.
7. Le 29 octobre 2014 à 17:28, par Lame En réponse à : Le triple scrutin : Blague de belge ?
1) Je ne vois pas en quoi il est si choquant de regrouper les scrutins. Cela permet de limiter l’abstention et, plus particulièrement, de favoriser la concordance entre les majorités des différentes assemblées.
2) Le multipartisme n’est pas la conséquence du recours à la représentation proportionnelle. Pour exemple, sous la IIIe République française, le scrutin majoritaire a souvent produit des chambres aussi multipartisanes que les différentes assemblées belges, voire plus.
3) Il est vrai que tout gouvernement belge est un gouvernement de coalition. Mais où n’est-ce pas le cas ?
Une large majorité de Français votent systématiquement pour le PS ou l’UMP. Une large majorité de Britannique votent systématiquement pour les travaillistes ou les conservateurs. Le bipartisme français et britannique sont donc simplement la conséquence de la tradition électorale de ces pays.
Après tout, sauf trucage du scrutin, a-t-on jamais vu un parti français ou britannique obtenir la majorité absolue des sièges sans avoir obtenu au moins la majorité relative des votes exprimés ?
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