Pourquoi ce processus est-il si pertinent aujourd’hui ? À une époque où l’UE est confrontée à des défis géopolitiques et à des tensions internes, l’intégration des pays des Balkans occidentaux pourrait non seulement assurer la stabilité et la sécurité en Europe, mais aussi apporter un nouvel élan économique et culturel. Mais comment se déroule exactement le processus d’adhésion ? Quelle est la position des partis politiques du Parlement européen sur l’élargissement de l’Europe ? Et quel est l’avis de la société à ce sujet ? Nous allons tenter de répondre à ces questions dans les paragraphes suivants.
En quoi consiste le processus d’adhésion ?
1. Intérêt et demande d’adhésion Un pays qui souhaite adhérer à l’UE doit d’abord manifester officiellement son intérêt pour l’adhésion et déposer une demande auprès du Conseil de l’Union européenne. La Macédoine du Nord a été le premier pays des Balkans occidentaux à présenter une telle demande en 2004.
2. Statut de candidat Le Conseil de l’Union européenne examine ensuite la demande d’adhésion et détermine si le pays remplit les conditions de base pour devenir membre. Parmi celles-ci figurent la stabilité politique et la volonté de mener des réformes économiques et politiques. Si le Conseil constate que le pays est potentiellement apte à adhérer, il lui accorde le statut officiel de candidat à l’adhésion. Depuis 2005 et jusqu’en 2014, ce statut a été accordé à la Macédoine du Nord, au Monténégro, à la Serbie et à l’Albanie. La situation est différente pour la Bosnie-et-Herzégovine et le Kosovo. Ces deux pays ont déjà déposé des demandes d’adhésion, mais alors que la Bosnie-Herzégovine est confrontée à une forte fragmentation politique interne et à des faiblesses institutionnelles, le Kosovo est confronté au refus de cinq États membres de l’UE qui ne reconnaissent pas l’indépendance du pays.
3. Pré-négociations et screening Dès qu’un pays a obtenu le statut de candidat, la Commission européenne procède à une analyse détaillée de la législation et des structures institutionnelles du pays candidat afin d’évaluer sa conformité avec les normes de l’UE. Ce processus est appelé « screening ». Dès cette phase, le pays candidat doit commencer à adapter sa législation et ses institutions aux normes de l’UE. Pour ce faire, il bénéficie d’un soutien financier et technique de l’UE, qui aide le pays candidat à réaliser les réformes nécessaires. L’objectif est ici que le pays candidat puisse remplir les critères dits de Copenhague. Ceux-ci comprennent l’État de droit, les droits de l’homme ainsi qu’une économie de marché stable et fonctionnelle. Dans le cadre de ce processus, la Serbie a par exemple adopté des réformes visant à renforcer la liberté et l’indépendance des médias, sous la forme de nouvelles lois sur les médias et de la promotion d’un environnement médiatique pluraliste. L’Albanie a introduit, entre autres, des réformes d’économie de marché, notamment la privatisation des entreprises publiques et la création d’un environnement commercial compétitif.
4. Négociations d’adhésion Dès qu’un pays remplit les critères de Copenhague, les négociations d’adhésion commencent. Elles sont divisées en 35 chapitres de négociation qui couvrent différents domaines politiques, notamment la justice, l’environnement et l’économie. Chaque chapitre est négocié séparément. Le pays candidat doit démontrer qu’il respecte les normes européennes requises dans chaque domaine. Une fois que tous les chapitres ont été négociés avec succès, une évaluation complète permet de s’assurer que le pays candidat a mis en œuvre toutes les réformes et adaptations nécessaires.
5. Signature du traité d’adhésion Un traité d’adhésion est ensuite rédigé, et définit les conditions d’adhésion et les obligations du nouveau membre. Ce traité doit être signé par les parlements de tous les États membres de l’UE et par le parlement du pays adhérent. Dans certains pays, cela implique également un référendum. En outre, le Parlement européen doit approuver le traité d’adhésion. 6. Adhésion à l’UE Si toutes ces étapes ont été franchies avec succès, le pays adhère officiellement à l’UE à une date fixée et en devient membre à part entière.
Quelles sont les positions des partis européens sur l’élargissement de l’UE ?
Lors de son discours sur l’état de l’Union en 2017, Jean-Claude Juncker, du Parti populaire européen, s’est engagé en faveur d’une perspective d’adhésion réaliste des pays des Balkans occidentaux, mais pas pour une adhésion éclair. Il a même assuré qu’à l’avenir, l’Union européenne compterait plus de 27 États membres.
Fin 2023, la présidente du Parlement européen s’est exprimée sur cette question. Elle a plaidé pour une plus grande coopération contre l’ingérence extra-européenne, la désinformation et la manipulation de l’information qui, selon Metsola, menacent la stabilité de toute la région et les fondements de la démocratie européenne.
Les positions des partis politiques européens divergent toutefois à ce sujet. Le plus grand parti du Parlement européen, le Parti populaire européen (PPE), est globalement favorable à une future intégration des pays des Balkans occidentaux, mais seulement à condition que les critères de Copenhague soient respectés. Manfred Weber a déclaré dans un discours fin 2018 que la coopération avec les pays des Balkans occidentaux était l’une des priorités de son parti.
Renew Europe, le Parti socialiste européen (PSE) et le Parti vert européen (EGP) sont également nettement favorables à l’élargissement de l’Union, mais avec des priorités différentes. Renew Europe et le PSE souhaitent avant tout soutenir les pays qui réalisent des progrès clairs en matière de réformes démocratiques et sociales. Le PSE accorde une importance particulière au respect des normes sociales, tandis que Renew Europe met plutôt l’accent sur le développement économique. Les Verts européens abordent le sujet en privilégiant les critères environnementaux ainsi que les droits de l’homme.
Les partis positionnés à l’extrême droite, le Parti Identité et Démocratie (ID) et les Conservateurs et Réformateurs européens (ECR), ont une position plutôt critique vis-à-vis d’un éventuel élargissement de l’UE en direction des Balkans occidentaux. Jordan Bardella, du parti français Rassemblement national (RN), qui fait partie du groupement ID, a déclaré en 2022 que ni la France ni l’UE dans son ensemble ne seraient plus fortes si l’Albanie était intégrée. Bardella a mis en garde contre les réseaux albanophones en France et dans l’UE. En raison de son orientation eurosceptique et antifédéraliste, l’ECR est en principe plutôt opposé à un élargissement de l’UE.
Que pense la société ?
On retrouve différentes positions sur la perspective d’adhésion des Balkans occidentaux, non seulement au niveau des partis européens, mais aussi au sein de la population, parmi les électeurs. Cela s’explique par le fait que la question de l’élargissement des Balkans occidentaux est un sujet controversé et complexe. Pour cet article, des personnes ont été interrogées à ce sujet le dernier jour des élections européennes à Bruxelles, la capitale belge. De nombreuses personnes interrogées connaissent la question de l’adhésion des six pays des Balkans occidentaux et ont déjà entendu parler du débat, mais la grande majorité d’entre elles indiquent clairement qu’elles ne connaissent pas les détails et ne disposent pas de connaissances précises à ce sujet. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, du conflit israélo-gazaoui et de la question migratoire, la plupart des personnes interrogées n’ont donc pas accordé une grande importance à la question de l’élargissement lors de leur vote aux élections européennes.
En ce qui concerne la question de l’adhésion des pays des Balkans occidentaux, il s’avère que la majorité des personnes interrogées ont une attitude tout à fait positive dans le contexte de la stabilité régionale, de la sécurité de l’Europe et de la concurrence. Les événements actuels autour de l’invasion russe de l’Ukraine préoccupent particulièrement les personnes interrogées et conduisent souvent à exprimer le souhait d’une Union européenne forte et surtout vaste. Beaucoup souhaitent que l’UE soit un rempart contre les forces russes ou chinoises et pensent donc qu’un élargissement de l’Union serait bénéfique. Simultanément, les personnes indiquent clairement qu’elles considèrent qu’un processus encadré par des règles et des critères est important. Des préoccupations culturelles et économiques sont parfois évoquées, les Balkans occidentaux étant parfois perçus comme plus faibles économiquement ou comme étrangers. Il est intéressant de voir comment la lutte va évoluer au niveau politique et social : Resteront-ils sur le paillasson de l’UE ou bien diront-nous bientôt : « Bienvenue dans les Balkans occidentaux » ?
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