Mercredi 27 novembre, la nouvelle Commission a été validée par le Parlement européen. Après cet événement majeur, la journée ne s’est pas arrêtée pour autant. Des débats ont encore eu lieu dans l’hémicycle jusqu’à 21h25 précisément. Le débat qui va nous intéresser sur l’état des droits LGBTQI fait partie de ces débats-là.
La séance a commencé avec la prise de parole d’Helena Dalli, encore Commissaire à l’égalité. Cette dernière a fait un point sur la situation en rappelant les actions menées par la Commission : “La Commission a adopté la toute première stratégie d’égalité LGBTQI, visant à créer les conditions nécessaires pour que chacun puisse vivre, s’épanouir et diriger, indépendamment de son orientation sexuelle, de ses caractéristiques sexuelles, de son identité ou expression de genre, ou de toute autre caractéristique personnelle. L’adoption de cette stratégie a constitué une étape majeure vers l’égalité LGBTQI dans l’UE”. Des progrès qu’elle a ensuite nuancés : “selon l’enquête LGBTQI 2024 de l’Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux, le harcèlement motivé par la haine envers les personnes LGBTQI a considérablement augmenté, 55 % des répondants en ayant été victimes, soit une hausse de 18 % depuis 2019”.
Elle est ensuite revenue sur la loi hongroise qui vise à limiter les discussions relatives aux et les représentations des personnes LGBTQI : “en juillet 2022, la Commission a décidé de saisir la Cour de justice de l’UE au sujet d’une loi hongroise discriminant les personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre. [...] L’affaire est toujours en cours devant la Cour de justice. Une audience a eu lieu le 19 novembre dernier.”.
Les opposants : l’extrême droite
Les eurodéputés ont ensuite pris la parole. Dans le camp de ceux qui attaquaient les droits LGBTQI, l’extrême droite : les groupes des Patriotes pour l’Europe (PfE), des Conservateurs et Réformistes européens (CRE) et de Europe des Nations souveraines (ENS). Afroditi Latinopoulou des PfE estimait que le sujet n’était pas important : “Je suis honteuse, attristée et en colère qu’au lieu de discuter des véritables problèmes de l’Union européenne, nous nous attardions sur la prétendue oppression de la communauté LGBTQ[I].”.
Paolo Inselvini (CRE) s’est attaqué à la gestation pour autrui : “Nous devons faire de la gestation pour autrui un crime universel dans toute l’Europe, protéger les femmes et les enfants ainsi que tous les jeunes que l’idéologie LGBT[QI] embrouille et instrumentalise.”.
Zsuzsanna Borvendég de ENS s’est opposée aux LGBTQI en général et a critiqué la politique de la Commission sur le sujet : “Vous adoptez une approche inversée en réclamant des droits supplémentaires pour les personnes LGBTQ[I], [...] Le lobby du genre utilise les enfants comme des instruments, impose le mariage entre personnes du même sexe, revendique leur droit à l’adoption, et promeut les terribles chirurgies de changement de sexe, [...] Nous les protégerons contre vous et contre les réseaux pédophiles opérant dans les sphères du pouvoir et de la célébrité”.
Des propos homophobes et transphobes qui ont été remis en question par la présidente de la séance, Katarina Barley : “Je ne suis pas tout à fait certain de la traduction, mais si j’ai bien compris que vous accusez vos collègues de pédophilie, cela constituerait une violation du règlement intérieur. Nous allons examiner cette question”.
Les défenseurs : le reste de l’hémicycle, unanime
Pour défendre la communauté LGBTQI, le reste de l’hémicycle est intervenu,de GUE/ NGL (gauche radicale) jusqu’au PPE (centre droit). Les eurodéputés de Renew Europe (centre libéral) et du PPE défendaient les LGBTQI avec un argumentaire qui se basait sur les politiques discriminatoires de l’extrême droite.
Moritz Körner de Renew est ainsi revenu sur la nécessité d’enseigner les différentes orientations sexuelles à l’école, non pas sans montrer le ridicule de certains propos prononcer à l’extrême droite de l’hémicycle : “On parle de « propagande sexuelle » dans les écoles, comme si expliquer que l’on peut être homosexuel transformait automatiquement tous les enfants en personnes homosexuelles”.
Michał Szczerba du PPE a préféré cibler les pays où les LGBTQI sont menacés, des pays gouvernés par cette même extrême droite : “Je suis profondément préoccupé par les changements législatifs en Bulgarie et en Hongrie. [...] Permettez-moi de parler de la Pologne, mon pays. Pendant huit ans, la situation des personnes non hétérosexuelles a été dramatique. Hier, le Conseil des ministres du Premier ministre Donald Tusk a adopté des dispositions stipulant que les discours de haine à l’encontre des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre seront poursuivis d’office. Il y a des changements positifs.” En Bulgarie, une loi qui interdit de parler d’homosexualité ou de transidentité, a été votée au Parlement le 7 août dernier. La Pologne a été classée à la dernière place des pays de l’Union européenne en matière de protection des droits des personnes LGBTQI+, selon l’ONG Ilga Europe. La stigmatisation des personnes LGBTQI avait augmenté suite au retour au pouvoir du parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS) en 2015. C’est la coalition PO-PSL (coalition hétéroclyte libérale) qui est maintenantau pouvoir depuis l’année dernière.
Du côté de la gauche, les eurodéputés abordaient des cas concrets auxquels sont confrontés les personnes LGBTQI. Kim Van Sparrentak des Verts/ ALE a défendu une Europe où on informe les enfants sur ces situations : “La meilleure Europe pour les enfants est celle où, lorsqu’un enfant se demande pourquoi le genre qui lui a été assigné ne lui correspond pas, ou ressent des émotions pour son ou sa meilleur(e) ami(e), il peut accéder à des informations et trouver du soutien.”
Birgit Sippel de S&D (centre gauche) relevait l’absurdité de la politique défendue par l’extrême droite : “Personne ne tombe amoureux du soi-disant « mauvais » sexe par simple plaisir, au risque de subir discrimination et violence”.
L’intervention de Grzegorz Braun : le paroxysme de l’homophobie
Gregorz Braun, député du parti nationaliste et ultra-consevateur polonais Confédération, a fait polémique lors de la séance. L’eurodéputé a pris la parole et n’a pas hésité une seule seconde à qualifier les personnes LGBTQI des gens avec des “troubles de la personnalité” affectés par la “maladie”.
Il a été interrompu plusieurs fois par d’autres députés, mais aussi par la présidente de cette session, Katarina Barley, lui rappelant que ce genre de propos était contre le règlement intérieur de l’institution, et que cela entraînerait sûrement des “conséquences”. Une situation d’une intense gravité, assez rare pour être soulignée.
Après ce débat où les parties s’opposant ont rarement été autant en désaccord, la commissaire a conclu la séance en faisant ses adieux à l’hémicycle : “[Helena Daali] remercie[r] [ ce Parlement pour ces cinq années. Je suis convaincue que la Commission n’aurait pas pu accomplir ce qu’elle a réussi sans votre soutien, sans vos connaissances, sans votre expérience et, surtout, sans votre amour. [...] Je vous souhaite donc de continuer à vous battre dans ce Parlement comme vous l’avez fait ces cinq dernières années”.
Ce débat a montré que même si la reconnaissance des droits LGBTQI est en progression, ce n’est pas le cas dans tous les pays de l’Union Européenne, comme la Hongrie ou la Bulgarie. Les réactions des eurodéputés montrent également que les pensées vis-à-vis des LGBTQI sont très diverses, allant de la défense de leurs droits jusqu’aux propos répréhensibles par la loi.
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