Dans la nuit de samedi à dimanche 19 avril, plus de 800 migrants ont perdu la vie lors du naufrage de leur embarcation, à 110 kilomètres des côtes libyennes. Les 24 survivants l’expliquent par une erreur de pilotage couplée à un mouvement de foule, sur une embarcation surchargée et en mauvais état. Le drame a précédé deux opérations de sauvetage menées, lundi 20 avril, par les autorités italiennes et maltaises pour secourir 450 personnes au total.
Au même moment, les ministres des affaires étrangères des 28 pays de l’Union européenne étaient réunis au Luxembourg. La Commission y a présenté son plan en 10 points pour endiguer une situation qui a déjà conduit à la mort de 1600 migrants en Méditerranée depuis le début de l’année. Un chiffre trente fois supérieur par rapport à la même période en 2014, déjà signalée comme une année noire avec 3000 personnes décédées dans leurs tentatives de rejoindre l’Union européenne depuis l’Afrique du Nord.
Un sommet européen convoqué en urgence
« J’ai décidé de convoquer un sommet européen extraordinaire ce jeudi au sujet de la situation en Méditerranée » a réagi Donald Tusk, président du Conseil européen, accédant à la demande du président du Conseil italien, Matteo Renzi, soutenu par plusieurs de ses homologues.
La Commission a annoncé, par la voix de Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne, l’étude des 10 points proposés lundi pour l’adoption d’une nouvelle stratégie à l’horizon mi-mai. Ce débat stratégique intervient alors que l’opération « Triton », qui coordonne les forces de sauvetage en Méditerranée est sévèrement critiquée. En cause, le manque de moyen (3 millions d’euros par mois) de l’initiative, mise en place par Frontex, l’Agence européenne de surveillance des frontières. Le budget de cette dernière, 9,5 millions d’euros par mois, est quasiment identique aux 9 millions d’euros par mois alloués par la seule Italie à l’opération « Mare Nostrum », alors qu’elle permettait d’intervenir jusqu’aux côtes libyennes – contrairement à Triton, qui l’a remplacée le 1er novembre dernier.
Federica Mogherini a déclaré vouloir « prendre le problème à bras-le-corps », décrétant que l’Union européenne avait « l’obligation morale et humanitaire d’agir ». Hausse des moyens alloués à Frontex, aide à la gestion des demandeurs d’asile, répartition des demandeurs d’asile dans plusieurs pays de l’Union européenne, lutte contre les trafiquants et blocage des migrants, les propositions de la Commission s’attaquent au problème en amont de la traversée tout autant qu’à la gestion des populations émigrées présentes sur le territoire des Etats membres.
Le cas libyen
En 2014, 170 000 des presque 300 000 émigrés illégaux arrivés sur le sol européen sont partis du sol libyen. Le pays constitue un passage obligatoire pour les réfugiés de Somalie, de Mauritanie et d’Erythrée en route vers l’Europe. A ces derniers s’ajoutent les Yéménites fuyant les récents conflits qui ont secoué le pays depuis le mois de février. Ils sont plus de 1200 à avoir débarqué en Somalie, en provenance d’Adem, au cours du mois d’avril.
Les conflits successifs et l’arrivée de l’Etat Islamique en Libye provoquent une fuite simultanée des ressortissants de ce pays d’Afrique du Nord, en proie à l’instabilité politique et aux guerres de milices depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011. « La guerre a tout changé, y a-t-il vraiment d’autres alternatives à cette traversée désespérée ? » s’interroge Aali, 21 ans, émigré libyen arrivé à Palerme, dans des propos recueillis par le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR). Le meurtre de son frère et le saccage de sa boutique d’alimentation ont motivé son départ de la ville libyenne de Syrte.
L’Union européenne doit notamment décider aujourd’hui de son soutien à la création d’un gouvernement d’unité nationale, actuellement en pourparlers, pour diriger le pays.
Une politique commune pour un problème européen
Le respect des valeurs de solidarité et d’humanisme aux fondements de la construction européenne et de l’Union oblige en premier lieu les chefs d’Etat des 28 à renforcer les moyens mis en œuvre pour le sauvetage en mer des migrants. L’investissement dans une véritable force de surveillance des frontières, avec une opération Triton redimensionnée à la hauteur de l’enjeu et aux dispositifs revus enverrait un signal fort de la part des pays européens. Les Etats membres accepteront-ils d’augmenter leurs dotations, sur la durée ? C’est une des questions du sommet extraordinaire d’aujourd’hui.
Le traitement des migrants à leur arrivée sur le sol des Etats membres relève témoigne d’une grave crise humanitaire sans précédent récent. Dépassées, les autorités italiennes parquent les nouveaux arrivants dans des camps vétustes et surpeuplés. L’aide à la gestion des demandeurs d’asile par des agents européens, proposée par la Commission, doit amener à un traitement plus rapide des demandes faites par les réfugiés. A la suite de quoi l’Union aura à se prononcer sur l’éventuelle répartition des demandeurs d’asile a sein des Etats membres. Cette solution aurait le mérite de soulager l’Italie et Malte, et conduirait à une européisation du débat et de la gestion des migrants, permettant d’absorber les flux massifs se déversent sur les côtes méditerranéennes.
Ces mesures mettront-elles un terme au désastre humanitaire des naufragés de la Méditerranée ? A charge à la Commission de veiller au respect des promesses faites par les uns et les autres au sommet de Bruxelles, et de garantir un traitement acceptable, digne et humain, des hommes et des femmes qui traversent la Méditerranée.
Par la suite c’est toutefois vers l’Afrique que doit se tourner l’Union européenne. Federica Mogherini a notamment fait état de la nécessité de travailler sur « les causes profondes de l’immigration et particulièrement de l’instabilité dans la région ». Alors que l’année européenne du développement bat son plein, l’Union pensera-t-elle d’abord à la protection des populations civiles et au maintien de la paix ? La déclaration récente de Jean Claude Juncker sur les avantages à tirer de la création d’une armée européenne sont plus que jamais d’actualités.
1. Le 24 avril 2015 à 09:10, par Pierre-Franck HERBINET En réponse à : Les Européens face à l’hécatombe méditerranéenne
Si naguère péril en Union européenne nous eûmes, n’y eût-il l’art politique ripostant à l’euroscepticisme souriant et diabolique ? Entre coquelicots et pissenlits, n’y eût-il pire dessein pour la communauté de destins ? Et si nous sortions de l’ornière ?
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