Le parti conservateur et eurosceptique menace à travers ses mesures l’Etat de droit, conteste les institutions européennes et la primauté de son droit, il conteste également l’égalité femme/homme promue par les textes communautaires. En réaction, après un avertissement sous la forme d’un “dialogue structuré”, la Commission européenne a menacé la Pologne de lui retirer son droit de vote au Conseil européen.
Pour se rendre compte de la symbolique de ces mesures concernant les femmes polonaises il est utile d’observer l’évolution globale du pays sur le sujet au travers de son histoire politique récente. La Pologne connaît un tournant majeur dans sa politique lorsqu’en 1944 le Parti communiste prend le pouvoir.
Il faudra attendre 1956 pour que les mesures au sujet de l’interruption volontaire de grossesse soient assouplies. Cette année marque la légalisation de l’IVG tout en maintenant des conditions très strictes concernant les femmes qui souhaitent y avoir recours. Ainsi, pour avoir accès à ce droit il est nécessaire que le fœtus soit reconnu comme malformé ou que ce dernier présente un risque vital pour sa mère.
Une réduction drastique de l’accès à l’IVG dans les années 1990
La décennie suivante est marquée par un léger élargissement de la législation. En effet, dans les années 1970 à 1980, les critères pouvant correspondre à la mise en danger de la vie de la mère sont assouplies. Cependant les avancées concernant ce droit fondamental restes maigres et les années qui suivent le verront encore plus affaibli. À la chute du pouvoir communiste dans les années 1990, les débats autour de l’IVG fluctuent grâce à une libération de la parole sur le sujet. Néanmoins sous la forte influence de l’Eglise et des groupes anti-IVG, la politisation de l’avortement lui est défavorable.
Dans ce contexte, le Parlement polonais durci la législation en 1993 réduisant drastiquement l’accès à l’IVG. Désormais, ce droit s’applique aux femmes qui souhaitent avorter pour des raisons de viol, d’inceste ou encore de “grave mal-formation” du fœtus. Il est donc aisé de constater que les différents gouvernement polonais qui se sont succédés depuis 1956 ont toujours été hostiles à ce droit primaire malgré une tentative d’élargissement de la législation durant la gouvernance communiste .
Depuis son intégration à l’Union européenne, la Pologne a t-elle connu un véritable changement concernant ce droit ?
La politique polonaise actuelle du droit à l’IVG s’inscrit donc la continuité de celle qui a toujours été menée par les gouvernements successifs depuis 1944 et diffère fortement avec la direction politique promue par l’Union européenne. Seulement, cette rupture avec les valeurs européennes se traduit surtout sur le plan du droit des femmes.
En effet, la Pologne est le seul pays en Europe, avec Malte, à ne pas avoir élargi le droit à l’avortement sur demande ou pour des motifs sociaux élargis. Pire encore, le tribunal constitutionnel polonais a décidé le 22 octobre 2020 d’interdire l’arrêt volontaire de grossesses en cas de « malformation grave et irréversible du fœtus ou de maladie incurable qui menace la vie du fœtus » soit 95% des cas jusqu’alors, le rendant possible en théorie uniquement lorsque que la grossesse est le fruit d’un acte illégal ou est un risque pour la vie de la mère. Pour autant, il est difficile pour ces dernières de faire valoir ce droit face à la diabolisation dont il fait l’objet.
Un droit à l’avortement presque impossible en pratique
C’est pourquoi le droit à l’avortement est presque impossible en pratique et se limite qu’à quelques centaines de cas chaque année. Des personnes enceintes se voient dans l’obligation de partir dans d’autres pays européens pour interrompre leur grossesse, tandis que certaines importent des pilules abortives ou cherchent des moyens non légaux d’avorter en Pologne. A la suite de cette décision du 22 octobre, les sondages estimaient que plus de 70% de la population était contre celle-ci.
Un mouvement de contestation est donc né, appelé “Strajk Kobiet” et fortement réprimé par les forces de l’ordre, a l’instar des mobilisations massives en 2011, 2013, 2015, 2016 et 2018 qui défendait ce droit déjà attaqué. Depuis cette restriction de l’IVG, trois femmes ont perdu la vie alors même qu’elles étaient éligibles d’avorter, suscitant une vive émotion dans le pays et mettant en lumière la nécessité de continuer la mobilisation comme le fait le collectif Abortion Dream Team.
Sollicité par plus de 1 000 femmes, la Cour européenne des droits de l’homme s’est penchée sur le cas polonais. Elle a demandé en juin 2022 des explications sur cinq affaires concernant des refus d’accès aux services d’avortement.
Enfin, si le droit à l’avortement est contesté aujourd’hui, la Pologne communiste, intégrée au Bloc de l’Est, fut d’une manière surprenante l’une des premières nations à l’autoriser.
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