Les extraordinaires missions de la nouvelle promotion d’astronautes de l’ESA

, par Juliette Favarel-Denat

Les extraordinaires missions de la nouvelle promotion d'astronautes de l'ESA
Les astronautes de l’ESA, promotion 2022 Source ESA

L’Agence spatiale européenne présente sa nouvelle promotion d’astronautes, une première depuis 2009. Cette cohorte, plus nombreuse et diverse que d’ordinaire, vise la Lune. Littéralement.

Une nouvelle promotion exceptionnelle à bien des égards

L’Agence spatiale européenne (ESA) a enfin révélé l’identité des candidats sélectionnés pour sa nouvelle promotion d’astronautes le 23 novembre 2022 à Paris. Cette déclaration, au cours de laquelle chacun des dix-sept « élus » a été présenté, concluait la session 2022 du Conseil au niveau ministériel de l’ESA. L’annonce d’une nouvelle promotion est une première depuis 2009. Dans cette précédente cohorte figurait notamment le Français Thomas Pesquet ayant participé aux missions Proxima de 2016 à 2017 et Alpha en 2021. Depuis cette sélection de l’ESA il y a 13 ans, il est devenu l’astronaute européen le plus chevronné, avec plus de 400 jours passés dans l’espace à son actif, mais aussi le plus expérimenté en sorties extravéhiculaires, c’est-à-dire en combinaison à l’extérieur de la Station spatiale internationale (ISS). La nouvelle promotion pourra-t-elle égaler ce score impressionnant ? Impossible de le savoir pour l’instant. Notons cependant que pas moins de 22 523 candidats se sont portés volontaires, contre environ 10 000 pour la sélection de 2009. Parmi ces nombreux aspirants, seuls cinq ont été choisis comme astronautes de carrière. Ces deux femmes et trois hommes représentant l’élite de l’élite sont tous originaires d’un pays différent d’Europe (France, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Suisse). Leurs aptitudes physiques, psychologiques, cognitives ont toutes été testées avec rigueur afin de déterminer leur capacité à relever les défis du travail dans l’espace, dans des conditions éprouvantes tant pour la santé physique que mentale. Pour la première fois, l’ESA a également constitué une réserve d’astronautes. Ces candidats ne peuvent être recrutés pour l’instant, bien qu’ayant réussi toutes les épreuves de la sélection. Ils resteront ainsi auprès de leur employeur actuel mais, si une opportunité se présente pour un vol, ils débuteront leur formation. À l’heure actuelle, il semble peu probable qu’ils prennent un jour le relais pour goûter à l’espace : les places restent extrêmement limitées. Outre ces onze réservistes, l’ESA a recruté le premier « parastronaute » du monde : John McFall. Ce Britannique, médecin et athlète ayant perdu sa jambe dans un accident de moto, a participé à l’étude de faisabilité sur les « parastronautes », une première dans le domaine de l’inclusion des personnes handicapées dans la recherche spatiale. 157 personnes porteuses de handicaps physiques s’étaient portées candidates. McFall a, comme les autres astronautes, passé avec brio les tests d’aptitude mentale. L’étude de faisabilité vise à analyser les possibilités de participation de personnes en situation de handicap physique à des activités liées aux vols habités, voire à de futures missions spatiales. Cette initiative constitue également un pas de géant pour la réflexion sur la notion d’aptitude médicale, un concept militaire qui interdit aux personnes touchées par le handicap physique d’accéder aux positions d’astronautes. Pour Guillaume Weerts, médecin en chef des astronautes au sein de l’ESA : « Le projet parastronaute requiert un changement complet de philosophie ».

Une préparation exigeante pour des objectifs ambitieux

Pour l’instant, aucune révélation particulièrement précise quant à leurs missions : après tout, les astronautes doivent d’abord recevoir leur formation. Ils seront ainsi basés au Centre des astronautes européens de l’ESA (EAC) à Cologne, en Allemagne, où leur apprentissage débutera le 3 avril. Ils y apprendront des compétences extrêmement complexes fixées par les partenaires internationaux de l’ISS, l’états-unienne NASA et la russe Roscosmos entre autres. Au programme, par exemple, l’entraînement en microgravité, indispensable pour l’apprentissage de la sortie extravéhiculaire, mission particulièrement périlleuse mais indispensable. L’EAC dispose en effet d’une piscine de flottabilité neutre qui permet de simuler l’impesanteur. Didier Schmitt, chargé de stratégie et de la coordination à la direction de l’Exploration robotique et habitée, ne pèse pas ses mots quant à la rudesse de cet entraînement : « Ils sortent dans le milieu le plus extrême possible, et quoi qu’ils fassent, leur cœur bat à 180 et ils doivent rester fonctionnels pendant 8 heures, dans un scaphandre pressurisé avec la Terre sous leurs pieds ». Autres matières au programme ? Informatique, biologie, calcul de trajectoires, médecine, cours de russe… Une formation d’élite qui les emmènera également dans les autres pays contributeurs de l’ISS, par exemple afin d’apprendre à connaître les véhicules spatiaux Soyouz à Moscou ou Crew Dragon chez SpaceX. La suite du parcours est moins claire. Elle comporte surtout beaucoup d’attente. Les astronautes seront affectés à une mission, ce qui peut prendre des mois, voire des années. Puis ils s’y prépareront pendant 18 mois au moins avant de décoller. Ces missions sont en effet extrêmement ardues et nécessitent une connaissance parfaite de manipulations et protocoles complexes. Les voyages habités de l’ESA sont le fruit d’années de préparations minutieuses et de discussions avec les autres agences spatiales, notamment la NASA. Malgré ce processus difficile, l’ESA s’est engagée à ce que chaque nouvel astronaute réalise au moins un vol, voire deux si cela est possible. Les projets destinés à cette nouvelle promotion demeurent pour le moins audacieux. Pour Joseph Aschbacher, directeur général de l’ESA, « cette nouvelle génération d’astronautes, qui réunit l’ambition, le talent et la diversité sous toutes ses formes, va permettre [à l’ESA] d’aller jusqu’au bout de [ses] projets : poursuivre [ses] activités d’exploration en orbite terrestre basse à bord de la Station spatiale internationale, aller jusqu’à la Lune et plus loin encore. » Aschbacher fait ici référence à plusieurs missions en cours ou à venir de l’agence spatiale. La nouvelle promotion arrive en effet à cheval sur deux ères. Pour l’observation en orbite basse, on pensera bien sûr à l’ISS et ses centaines d’expériences à bord. Hélas, la station devrait être démantelée en 2031, et certains astronautes pourraient donc ne pas y poser le pied. Quant à la Lune, l’ESA est déjà responsable du module de service pour le vaisseau spatial Orion, lancé le 16 novembre dernier. L’agence est par ailleurs en discussion avec la NASA pour mettre en place plusieurs vols d’une durée de six mois de 2025 à 2030 au sein du programme Artemis, qui vise au retour de l’Homme sur notre satellite. L’objectif à terme de l’agence ? Qu’un Européen pose à son tour le pied sur la Lune. Cela sera possible à partir d’Artemis V, mission a priori prévue entre 2032 et 2034. Voilà ce à quoi s’attendre pour les missions de ces nouveaux astronautes dans l’espace. Loin des conflits politiques, les nouveaux projets de l’ESA jouent principalement sur le terrain de la communication et de l’entente entre nations pour faire avancer la science et notre compréhension de l’Univers. La nouvelle promotion participera ainsi à des colloques, des conférences, ainsi qu’à une immense variété d’activités de relations publiques. De quoi s’occuper en attendant l’opportunité exceptionnelle d’être envoyé dans l’espace. Agir en ambassadeur de l’espace et symboliser l’union des nations européennes au sein du programme spatial constitue une véritable mission. Peut-être plus ardue encore qu’une sortie extravéhiculaire…

Pour en savoir plus : Sur le projet « parastronautes » : https://www.esa.int/About_Us/Careers_at_ESA/ESA_Astronaut_Selection/Parastronaut_feasibility_project Sur la sélection des astronautes européens : https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/esa-sont-choisis-astronautes-sont-missions-attendent-101945/ Sur le rôle des astronautes européens dans les missions Artemis : https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/exploration-humaine-missions-artemis-seront-astronautes-europeens-voyageront-autour-lune-102092/

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