Les femmes musulmanes face à la montée de l’extrême droite en Europe : entre exclusion et violence

Le droit des femmes : une bataille sans fin ? 4/4

, par Khadija Lafnouch

Les femmes musulmanes face à la montée de l'extrême droite en Europe : entre exclusion et violence

Les récentes élections européennes ont donné lieu à un Parlement plus à droite que jamais. La montée en puissance de l’extrême droite dans plusieurs pays européens a marqué une étape inquiétante. Ces partis ont connu une forte poussée populaire, avec un nombre croissant de citoyens se tournant vers des idées nationalistes et eurosceptiques, principalement opposées à l’immigration. Parmi les pays où l’extrême droite a obtenu des résultats significatifs, on trouve la Hongrie (54 % avec le Fidesz-KDNP), la Pologne (35 % avec le PiS), la France (32 % avec le RN), l’Italie (26 % avec le FdI) et les Pays-Bas (24 % avec le PVV).

L’élément préoccupant réside dans l’évolution de ces discours qui, au-delà de la xénophobie et de l’anti-immigration, sont également islamophobes. Cet article se concentre sur les effets dévastateurs de cette montée de l’extrême droite sur les droits et libertés des femmes musulmanes en Europe.

Les pays les plus affectés par les discours de l’extrême droite

Lors d’une session plénière de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, les députés de 46 pays ont adopté une résolution accusant plusieurs gouvernements européens de « banaliser la discrimination contre les musulman.e.s » et demandant des mesures concrètes pour combattre l’islamophobie, considérée comme une forme de racisme systémique.

En Italie, depuis l’ascension au pouvoir du gouvernement de Fratelli d’Italia, dirigé par Giorgia Meloni, les discours islamophobes sont omniprésents, en particulier dans les médias. La Première ministre italienne parle d’une « islamisation » de l’Europe. Cette rhétorique a conduit à des lois répressives qui restreignent directement les droits des citoyens italiens de confession musulmane. Par exemple, la fermeture de mosquées et les obstacles administratifs à la construction de lieux de culte témoignent de l’inflexibilité du gouvernement face aux pratiques religieuses musulmanes.

La France n’échappe pas à ce phénomène. Des figures politiques comme Jordan Bardella, président du Rassemblement National, diffusent l’idée que l’islam est incompatible avec les valeurs républicaines et laïques. Le parti adopte une position critique envers l’islam, l’associant à des problèmes liés au communautarisme et à la sécurité.

L’Allemagne n’est également pas épargnée. L’AfD (Alternative für Deutschland, “alternative pour Allemagne”) a progressivement abandonné ses discours anti-europe pour se concentrer sur l’anti-islam et l’anti-immigration. Selon l’association Alliance contre l’islamophobie et la musulmanophobie, en 2023, les agressions physiques et/ou verbales contre les personnes de confession musulmane ont augmenté de 114% en Allemagne.

Ces pays sont le terreau d’une situation alarmante pour les femmes musulmanes, qui sont les premières victimes de cette montée de l’extrême droite.

L’impact de ces discours sur les femmes musulmanes

Les femmes de confession musulmane et voilées rencontrent fréquemment des obstacles quant à leur insertion professionnelle.

Bien que la Suisse n’affiche pas de discours islamophobes institutionnalisés aussi visibles que dans certains autres pays, les femmes musulmanes y rencontrent des difficultés considérables. Une étude du journal 24 Heures a révélé que les musulmans en Suisse ont 2,4 fois plus de risques de se retrouver au chômage, et que la recherche d’emploi est particulièrement difficile pour les femmes voilées. Une interview menée à Fribourg montre qu’une femme a envoyé plus de 160 candidatures sans obtenir de réponse, sauf de recruteurs d’origine étrangère. Hansjörg Schmid, un expert en emploi, précise que « la situation est particulièrement difficile pour les femmes voilées. On leur attribue des stéréotypes sans tenir compte de leurs compétences ».

En France, une enquête de l’IFOP pour la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT a révélé que 17 % des personnes interrogées ont subi une discrimination lors de la recherche d’emploi, et parmi elles, 60 % étaient des femmes voilées. Cette discrimination compromet leur indépendance économique et limite leurs chances d’émancipation, en particulier pour celles issues de familles économiquement fragiles. De plus, une loi récemment débattue, visant à interdire les tenues religieuses manifestes dans les compétitions sportives, a provoqué une vive condamnation internationale de l’ONU, d’Amnesty International, et d’autres organisations.

Les discours islamophobes ont également conduit à une recrudescence des actes de violence. Selon un rapport de l’Agence européenne des droits fondamentaux de 2024, près de la moitié des musulmans vivant dans l’Union européenne déclarent subir des discriminations au quotidien. Et dans un rapport du Réseau européen contre le racisme, 81,5 % des actes islamophobes sont dirigés contre les femmes.

En Italie, la police a signalé 472 crimes de haine, dont près de la moitié étaient des crimes anti-religieux. Parmi ces actes, on comptabilise 13 agressions physiques, 90 actes de dégradation de biens, et de nombreux cas de menaces et de vandalisme. Cependant, beaucoup de victimes ne portent pas plainte, principalement par crainte ou manque de confiance dans les autorités. Une étude menée en Allemagne a révélé que seulement 10 % des musulmans victimes de racisme décident de porter plainte. Les femmes voilées sont particulièrement visées, car leur identité est facilement reconnaissable. À titre d’exemple, deux femmes voilées ont été poignardées à Paris le 20 octobre 2020 dans un contexte de haine raciale, accompagnées de propos tels que « sales arabes » ou « vous n’êtes pas chez vous ».

Face à cette montée de la haine, le Conseil économique, social et environnemental a pris une position ferme en adoptant à l’unanimité un avis en date du 12 février 2025. Il préconise que les magistrats requièrent des peines d’inéligibilité à l’encontre de toute personnalité publique incitant à la haine et à la violence. Cette position marque une volonté d’agir sur la prévention, en sensibilisant la population aux effets dévastateurs des discours de haine, notamment à travers des campagnes de communication.

En outre, pour exemple, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance a recommandé à l’Italie de mettre en place un organisme indépendant pour la promotion de l’égalité et d’adopter un plan d’action national de lutte contre le racisme, en engageant des réformes législatives et éducatives pour sensibiliser à l’histoire coloniale et ses conséquences actuelles. Ces recommandations visent à combattre les discriminations systémiques et à offrir aux communautés musulmanes un environnement plus inclusif et respectueux de leurs droits.

Cet article a été écrit dans le cadre de l’édition du Taurillon auvergnat de mai 2025 : « Le droit des femmes : une bataille sans fin ? ».

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