Chris, vous dressez-vous ouvertement contre l’euroscepticisme au Royaume-Uni ?
Chris : Si on nous le demande directement, nous répondons que oui et nous expliquons pourquoi ! Par contre, nous perdons beaucoup de temps à démontrer la bêtise du UKIP (parti indépendantiste britannique), par exemple, sans y avoir été invités.
Vincent : Selon moi, préciser pourquoi le UKIP ou l’AfD (Alternative für Deutschland, parti europhobes allemand) ont tort n’est pas une perte de temps. Bien entendu, nous ne convaincrons pas leurs membres. Mais si nous les laissons faire, la population les écoutera. De plus en plus de personnes le feront et, petit à petit, leurs opinions pourraient devenir communément acceptées.
Pensez-vous que nous devrions adopter une approche plus active et les attaquer ?
Vincent : Nous devons insister sur le fait qu’ils ont tort ! Sinon, la population pourrait penser qu’ils ont raison.
Chris : Je ne suis pas d’accord. Ils ont besoin d’attirer l’attention pour se développer. Prenons l’exemple de Ryanair. Son directeur a déclaré que toute publicité était bonne à prendre. Il a tenu des propos scandaleux afin que Ryanair se retrouve dans la presse, et ça a fonctionné. Il en va de même pour les eurosceptiques : tant qu’ils passaient inaperçus, ils étaient peu nombreux. Si on leur accorde une plate-forme, ils attireront un auditoire.
Vincent : Beaucoup votent déjà pour les partis eurosceptiques. En quoi pourrions-nous attirer davantage d’attention sur eux ? Nous ne leur donnons pas un espace d’expression. En Allemagne, les JEF avancent également cet argument, mais observons les chiffres : il y avait récemment 4,7 % d’électeurs en faveur de l’AfD, soit plus de 2 millions de personnes. JEF Europe recense près de 15000 membres. Il n’y a pas de comparaison possible. De toute façon, les médias parlent d’eux. Par exemple, l’AfD était au cœur de l’actualité dès son inauguration au mois d’avril. Je ne me souviens pas du dernier article sur les JEF publié dans la presse nationale.
Chris : Je n’ai pas suggéré cela. Il nous faut rester positifs. Nous devons désamorcer les opinions négatives. Si on nous le demande, nous répondons de manière responsable. Nous ne devons les attaquer que lorsqu’ils nous attaquent.
Comment peut-on s’opposer aux eurosceptiques ?
Vincent : Si, par exemple, nous menions une action à leur congrès, nous paraîtrions dans la presse. Certains entendraient parler de nous pour la première fois. Nous pourrions être « les autres », la jeune génération qui lutte en faveur d’une vision positive de l’Europe. Les gens pourraient se dire : « Je suis d’accord avec les JEF », et se joindre à nous.
Chris : Tout dépend de ce que vous voulez faire : vous battre ou contribuer au développement des JEF. Sur le plan moral, ça n’est probablement pas approprié. Quand ils ne sont pas simplement xénophobes, les partis eurosceptiques s’opposent à l’Union européenne et prônent des valeurs anti-libérales quant à la migration ou les questions de genre. Pour contrecarrer ces idées, nous devrions nous entretenir avec des organisations de défense des minorités ou des droits de l’homme. Elles jouissent d’une plus grande visibilité, et crédibilité, lorsqu’elles s’attaquent aux eurosceptiques.
Vincent : Les opinions extrêmes ont toujours existé. La question est de savoir s’il y a une dynamique de rassemblement au sein d’un mouvement. Pour se rassembler, ils cherchent généralement une chose contre laquelle s’opposer. Malheureusement, je pense que le mouvement des JEF est trop petit pour faire une grande différence. Il est préférable, pour promouvoir nos idées, de convaincre les partis pro-européens et les autres organisations de jeunesse.
Pensez-vous que les eurosceptiques ont de bons résultats parce qu’ils s’adressent aux sentiments plutôt qu’à la raison ?
Chris : Oui et non. Premièrement, les gens sont raisonnables ! Pourtant, ils prennent des décisions sur base des preuves qu’ils perçoivent et de l’opinion qu’ils s’en font. Dans un monde de médias eurosceptiques et de pessimisme ambiant, la raison et les sentiments des citoyens sont conditionnés contre l’Europe. Notre argumentation est toujours rationnelle. Nous cherchons à ce qu’elle repose sur des arguments rendus publics, dans la mesure du possible. Les émotions peuvent être un atout pour les débats actuels. Un article jouant sur les sentiments est également persuasif. En tant que membres des JEF, nous n’avons pas suffisamment fait appel aux émotions. Or, il nous faut non seulement défendre l’Europe de façon réfléchie, mais également projeter une image positive en faisant appel aux sentiments. Nous avons tant besoin du cœur que de la raison.
Vincent : De manière générale, je suis d’accord. Les décisions sont souvent fondées sur l’expérience. Les sentiments jouent donc un rôle important.
Existe-t-il des techniques de persuasion ?
Chris : Je ne peux répondre pour l’Allemagne, mais au Royaume-Uni, notre mouvement organise des débats entre pro- et anti-européens qui traitent de divers aspects de l’intégration européenne et de l’Union elle-même. Nous laissons le charme et la puissance des orateurs pro-européens rendre leurs opposants eurosceptiques impuissants face à l’auditoire.
Vincent : Les membres du UKIP y participent ?
Chris : Certains.
Vincent : C’est courageux de leur part.
Chris : Je ne suis pas pour l’attaque directe. Nous devons adopter une approche exploratoire de leurs arguments afin de les démanteler. Il nous faut respecter leurs opinions comme nous le ferions pour tout un chacun, et ensuite les défier à l’aide de questions. Lorsque vous organisez une telle rencontre, vous devez vous adapter au charisme de leurs candidats. Nigel Farage, par exemple, use de la rhétorique pour séduire le citoyen moyen. S’il devait participer à un débat, son opposant devrait non seulement être intelligent mais posséder aussi au moins autant de charme. Cet acte antipopuliste rend la rencontre bien plus intéressante. Si vous organisez un débat, pensez au charisme à l’heure de faire des choix !
Vincent : Préparez le terrain et le public comprendra le message tout seul ?
Chris : Oui, et on obtient un effet multiplicateur. Les gens rentrent chez eux et partagent avec leurs amis ce qu’ils ont appris ainsi que, on l’espère, l’impression positive qu’ils en ont retenu. Nigel Farage a décliné l’invitation au débat lancée par la Cambridge Union. À mon sens, il y aurait été opposé à un pro-européen convaincu, le genre de personne à laquelle Farage a rarement été confronté. De même, l’université a tenu le débat : « La Grande-Bretagne doit-elle quitter l’UE ? ». Lors du vote qui a suivi, une vaste majorité a choisi le maintien au sein de l’Union. Ce résultat a mené à des discussions au sein de l’université.
Nous devrions peut-être tenter plus souvent l’expérience. Nous attendons avec intérêt l’ambiance âpre et captivante de la période pré-électorale. Je vous remercie d’avoir pris part à cet entretien.
1. Le 30 janvier 2014 à 11:30, par Bernard Giroud En réponse à : Les Jeunes Européens Fédéralistes (JEF) devraient-ils attaquer les partis eurosceptiques sur le plan politique ?
Ce que nous devrions mettre à l’honneur comme moteur de l’action ces prochains mois :
L’Europe c’est un phare qui attire. Elle attire par le caractère pacifique, donc civilisé, de sa pratique depuis 60 ans. Des peuples entiers tentent de s’assembler sans guerre.
S’arrêter, c’est retourner vers la déraison du sauvage, c’est regarder à contre-sens, aux sentiers des errances parcourues, sans issus : Du temps perdu.
Un thème universel bien simple, auquel chacun de nos concitoyens n’est pas insensible.
2. Le 1er février 2014 à 00:45, par Alexandre Marin En réponse à : Les Jeunes Européens Fédéralistes (JEF) devraient-ils attaquer les partis eurosceptiques sur le plan politique ?
Comme le FN, UKIP et CIe, il faut que les fédéralistes se montrent comme une alternative.
Il faut dire que l’Europe actuelle, c’est l’Europe des Etats, et non celle des citoyens. Il ne s’agit pas tant de dénoncer les eurosceptiques, mais de dénoncer la classe politique européenne avec autant d’écho et de force qu’eux.
Lire cet article : http://www.taurillon.org/euroconservateurs
Ensuite, pour reprendre une métaphore biblique, il ne faut pas présenter l’Europe de la paix, mais l’Europe du glaive ;montrer que les pays seuls ne sont plus capables d’assumer seuls leur souveraineté d’antan, que le seul moyen de restaurer la souveraineté de l’Etat, c’est que cet Etat soit européen.
Enfin, tout en manifestant de l’optimisme, il ne faut pas tomber dans le miracle. L’Europe fédérale ne résoudra pas à elle seule, d’un coup de baguette magique, tous les problèmes économiques et politiques, elle n’est qu’un outil pour que l’Europe soit un poids lourd dans les relations internationales, un havre de prospérité économique, de droits de l’Homme, etc...
Il faut que le citoyen comprenne que quelle que soit son souhait politique (social, libéral, communiste, ultra-libéral, écolo, conservateur...), il ne peut se réaliser qu’à travers une Europe politique qu’il est amené à construire.
3. Le 2 février 2014 à 14:01, par tnemessiacne En réponse à : Les Jeunes Européens Fédéralistes (JEF) devraient-ils attaquer les partis eurosceptiques sur le plan politique ?
@ Alexandre Marin
Dénoncer la classe politique est un argument des partis à l’extême des partis dits de gouvernements. C’est dernier captent toujours, l’UMP et le PS la moitié de l’électorat.
Il ne suffit pas de dénoncer il faut vendre du rêve, une vision, une aide etc... par des propositions concrètes ou un discours quelque peu lyrique.
Ensuite je pense vis à vis des fédéralistes qui veulent s’engager dans la politique, il y a le parti fédéraliste qui va présenter des listes aux européennes mais je pense, encore une fois que l’Europe n’est pas un parti. Comme vous le dites si bien il faut se positionner sur l’échiquier politique (libéral, conservateur, social-démocrate, écologiste, socialiste, gauchiste, social-libéral etc...)
4. Le 2 février 2014 à 18:51, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Les Jeunes Européens Fédéralistes (JEF) devraient-ils attaquer les partis eurosceptiques sur le plan politique ?
Je suis d’accord naturellement avec Alexandre. Critique les eurosceptiques n’a aucune espèce d’importance si l’on ne dénonce pas en priorité ceux qui provoquent cet euroscepticisme c’est à dire l’establishment politique qui refuse de construire une démocratie fédérale et prétend faire l’Europe alors qu’en réalité ils détournent simplement l’idée européenne à leur profit. les fédéralistes ne seront crédibles que s’ils dénoncent ces comportements.
5. Le 5 février 2014 à 20:03, par Alexandre Marin En réponse à : Les Jeunes Européens Fédéralistes (JEF) devraient-ils attaquer les partis eurosceptiques sur le plan politique ?
J’ajouterai même que d’une certaine manière, nous devons nous inspirer des partis eurosceptiques, comme par exemple en France le FN ; si Marine Le Pen est aussi haut dans les sondages, c’est aussi parce qu’elle croît dur comme fer qu’elle va réussir à faire un très haut-score et que le FN deviendra le premier parti de France. Si Mme Le Pen réussit, c’est qu’elle croît jusqu’en sa capacité d’être élue présidente de la République.
C’est cet instinct de gagnant que les pro-européens doivent apprendre des eurosceptiques. Si nous-même nous ne croyons pas à la victoire, tout effort est vain.
6. Le 6 février 2014 à 09:27, par tnemessiacne En réponse à : Les Jeunes Européens Fédéralistes (JEF) devraient-ils attaquer les partis eurosceptiques sur le plan politique ?
@ Alexandre Marin
Mais la victoire pour les jeunes européens sera seulement un fort taux de participations aux européennes, ou, pour les fédéralistes, un fort taux d’élection du parti fédéraliste.
Ou pour les socialistes européens un fort taux d’élections des listes socialistes mais pour rejoindre votre propos beaucoup dans ce parti au sein même des sections (les dirigeants des sections) n’y croient pas du tout. Il n’ont d’ailleurs encore jamais parlé des européennes à part pour voter les têtes de listes. Alors que pour les municipales il y a de nombreuses actions/événements chaque jour.
7. Le 8 février 2014 à 09:06, par Valéry-Xavier Lentz En réponse à : Les Jeunes Européens Fédéralistes (JEF) devraient-ils attaquer les partis eurosceptiques sur le plan politique ?
« Mais la victoire pour les jeunes européens sera seulement un fort taux de participations aux européennes, ou, pour les fédéralistes, un fort taux d’élection du parti fédéraliste. » : non personnellement tout ça je n’en ai rien à cirer.
Les partisans d’une Europe fédérale on en trouve dans la plupart des partis démocratiques. L’essentiel est que nous ayons des élus qui soient disposés à ce que leur voix pèse et qui ne se laisseront pas écarter par le Conseil européen qui tente d’imposer une Europe postdémocratique. Nous devons avoir des élus européens qui refuseront de voter pour un président de la Commission européenne qui ne serait pas celui pour lequel ils ont fait campagne ou que leur coalition aurait choisi. Nous devons avoir des élus européens déterminés à exiger une réforme des institutions européennes, un budget pour la zone euro, des ressources propres pour l’Union.
8. Le 8 février 2014 à 16:10, par tnemessiacne En réponse à : Les Jeunes Européens Fédéralistes (JEF) devraient-ils attaquer les partis eurosceptiques sur le plan politique ?
@ Valéry-Xavier Lentz
Tous les partis républicains sont démocratiques...
Super idée l’engagement des députés à voter pour un président reflétant le score des élections.
Ou oublie souvent que à part le Conseil européen qui nomme le président de la Commission (ce mode ayant tendance à s’affaiblir) il y a aussi le Parlement européen qui approuve, ou pas la nomination.
Mais ce qu’il serait bien ce serait que les associations européennes types jeunes européens interpellent les candidats au poste de député (ce qui est dommage c’est qu’il me semble que la plus part sont sût d’être élu puisque c’est un scrutin de liste...) en leur demandant si ils s’engagent à faire plusieures choses tel voter pour le président de la Commission qui reflète les élections.
Au delà du programme « il faudrait » que les candidats fasse des promesses explicites pour qu’on puisse revenir dessus et juger en conscience.
Par exemple le gouvernement a voté un budget avec un déficit à 3% pour 2013, ensuite quelques mois plus tard, il ramène sont objectif à 3,7 % et maintenant il dit à la Commission européenne 4,1 %. La Commission approuve et donne même 2 ans supplémentaire pour atteindre ce taux de déficit.
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